TTout le quartier savait qu’il revenait de Guyane avec six kilos de cocaïne, cachés dans le double fond d’un sac à dos. Il ne l’a pas caché. Mais ce retour en grande pompe a été fatal à Gary Pan Hung Kuet.
Le 11 août 2019, alors qu’elle venait arroser les plantes du gardien du sixième étage, une habitante de la résidence Virginie, allée de Listrac à Bordeaux, jette un coup d’œil par la porte entrouverte d’un appartement. Des traces de sang tachaient le sol et des douilles d’obus étaient visibles autour du corps sans vie de l’occupant de la pièce, qui servait de cachette et de point de vente. Le médecin légiste a rapidement confirmé que Gary Pan Hung Kuet, 34 ans, avait été abattu la nuit précédente.
Les auteurs présumés de ce décès, sept hommes, âgés de 27 à 40 ans, sont jugés depuis lundi 18 novembre à la cour d’assises de Gironde. Initialement accusés de meurtre en bande organisée, cinq comparaissent pour vol avec violence ayant entraîné la mort et deux pour défaut de déclaration d’un délit, le tout dans un contexte de trafic de drogue. Le jugement est attendu le 27 novembre.
Déconnexions simultanées
Pas d’effraction, tablier de baignoire déchiré, traces de palmiers remarquées, voisins discrets, amis qui parlent peu : l’enquête de la brigade criminelle de la direction interrégionale de la police judiciaire s’est concentrée sur les personnes avec lesquelles la victime entretenait une relation , même en contact quotidiennement. Ses proches, mais aussi les gens de son quartier avec lesquels il collaborait au trafic de drogue ou servait d’intermédiaire auprès d’un trafiquant de drogue montpelliérain.
En mettant sur écoute les lignes téléphoniques, en recherchant la ligne du défunt, en isolant et en localisant les numéros d’appel, les policiers ont pu constater des démarcations téléphoniques et des déconnexions simultanées la nuit du crime avant une réapparition soudaine sur le réseau.
Patiemment, à travers des propos évolutifs, ils ont pu reconstituer les dernières heures de Gary Pan Hung Kuet et proposer un scénario. Car la quantité de drogue ramenée de Guyane a aiguisé l’appétit de ses compagnons. Le 10 août 2019, après avoir consommé de l’alcool et du cannabis et avant de venir le chercher à la gare Saint-Jean, les membres de son entourage ont mûri et réfléchi au projet de récupérer la cocaïne et de partager le butin.
Une arme retrouvée dans l’après-midi à Cestas pour intimider, des jeunes en renfort au pied de l’immeuble, une voiture moteur tournant pour s’enfuir, des complices qui pourraient servir d’alibi… Mais le braquage s’est mal passé. L’un des deux jeunes hommes chargés de voler la drogue a tiré lorsque Gary Pan Hung Kuet, réalisant ce qui se passait, lui a sauté dessus. L’autre, touché par le ricochet d’une balle, s’est enfui.
Le cerveau
Les tirs n’ont pas empêché les malfaiteurs de s’emparer et de partager les biens, sans vraiment se soucier du sort de la victime. Il est désormais clair que l’intention première n’était pas de tuer mais plutôt de voler à tout prix la cocaïne stockée chez lui par Gary Pan Hung Kuet.
L’enjeu du procès est de déterminer qui a joué un rôle central, qui est le cerveau de ce vol de drogue. Le tribunal doit interroger l’accusé sur les faits vendredi.
Un psychologue expert peu clair
Avant de passer aux faits, la cour d’assises de Gironde cherche à savoir qui sont les sept prévenus, jugés depuis deux jours dans le cadre du vol avec violence ayant entraîné la mort de Gary Pan Hung Kuet le 10 août 2019 dans son appartement de Bordeaux. Intéressée par leur parcours de vie et leur personnalité, la justice a fait appel aux experts. Mardi, l’expert psychiatre est venu dire, dans le langage de “tout homme”, qu’il avait rencontré un accusé manipulateur, un autre sans compassion quant aux conséquences de ses actes, un autre qui s’identifie uniquement par rapport à un groupe, plusieurs présentant des addictions. ou des traits psychopathiques et asociaux. Hier, au lieu de les éclairer, l’expert psychologue a trompé les jurés. Docteur (de titre académique) mais pas docteur, il sait utiliser des formules alambiquées, utilise sept mots quand un seul suffit. Il décrit un accusé comme « généralement évasif, voire activement persistant », mais il fait de même à la barre des témoins. Heureusement, le président est là pour traduire. De toute évidence, l’expert avait peu de réponses à ses questions.