Le quotidien du pharmacien.- Quels sont les objectifs poursuivis par les programmes de fidélité activés par les groupes pharmaceutiques ?
Bertrand Cadillon.- Les programmes visent à encourager les clients à rester fidèles à une marque plutôt que de se tourner vers des concurrents. Pour les pharmacies, l’objectif est évidemment de créer un appétit suffisant chez les clients pour qu’ils préfèrent revenir régulièrement dans la même pharmacie. La fidélité est encore plus critique dans un marché concurrentiel où les consommateurs disposent de nombreuses options en dehors des pharmacies et notamment dans les grands et moyens magasins. Toutefois, en raison de la réglementation professionnelle et de la jurisprudence récente du Conseil d’État, les programmes de fidélité en pharmacie doivent être exploités par des groupes pharmaceutiques et limités aux produits parapharmaceutiques, excluant également les médicaments remboursables ou non, ainsi que les appareils médicaux.
Comment la conception d’un programme de fidélité à l’échelle d’un groupe peut-elle bénéficier à une pharmacie ?
Fabienne Le Scornec.- L’avantage d’un programme de fidélité réside principalement dans l’augmentation du panier moyen et de la fréquence des visites. A titre d’exemple, nos statistiques montrent que les groupes qui ont choisi de gérer leur propre programme de fidélité constatent une augmentation de 26 % du panier moyen et une augmentation de 20 % de la fréquence de visite annuelle. Un tel programme encourage les clients à dépenser plus et à revenir plus souvent, générant ainsi un retour sur investissement (ROI) important pour la pharmacie. De plus, ces programmes permettent également de collecter des informations précieuses sur les habitudes de consommation des clients, facilitant ainsi des actions marketing ciblées.
Quels sont les prérequis technico-organisationnels pour mettre en place un programme de fidélité efficace en pharmacie ?
Fabienne Le Scornec.- Mettre en place un programme de fidélité nécessite une préparation à la fois technique et organisationnelle. Sur le plan technique, il est indispensable d’intégrer le logiciel de gestion de pharmacie (LGO) pour que les cartes de fidélité soient reconnues et les données transmises aux bases de données via Web Services. Il est essentiel que toutes les pharmacies d’un même groupe participent au programme de fidélité de manière cohérente, garantissant ainsi une expérience uniforme pour le consommateur. De plus, le succès du programme dépend de l’engagement de tous les clients, y compris les moins fidèles, afin de maximiser le taux de pénétration et le retour sur investissement.
Mais comment les groupes pharmaceutiques peuvent-ils utiliser les données qu’ils collectent pour optimiser leur programme de fidélité ?
Bertrand Cadillon.- La collecte et l’analyse des données clients sont essentielles à la réussite d’un programme de fidélisation. Les informations collectées grâce aux cartes de fidélité permettent aux pharmacies de comprendre les comportements d’achat et de cibler plus précisément leur communication. Par exemple, en envoyant des promotions personnalisées par courrier, email ou SMS, les groupes de pharmacies peuvent inciter les clients à augmenter la fréquence de leurs visites et le montant de leurs achats. Cette approche dite « data-driven » permet de transformer le programme de fidélité en un outil stratégique plutôt qu’en un simple centre de coûts. Il va de soi que la gestion des informations clients doit respecter les règles strictes du RGPD (Règlement Général sur la Protection des Données).
Les groupes pharmaceutiques peuvent-ils utiliser les programmes de fidélité pour négocier avec les laboratoires ?
Fabienne Le Scornec.- Une base de données clients solide et structurée permet aux groupes pharmaceutiques de négocier des transactions commerciales avantageuses avec les laboratoires parapharmaceutiques. Ces laboratoires, désireux de cibler leurs offres sur des clients potentiels, peuvent ainsi proposer des réductions supplémentaires que les groupes pharmaceutiques répercuteront ensuite sur leurs clients. Cela permet de partager les coûts de la générosité du programme de fidélité et de renforcer la collaboration entre les pharmacies et les laboratoires du groupe.
Mais quel est l’impact sur la rentabilité d’une pharmacie ?
Bertrand Cadillon.- La rentabilité d’une pharmacie peut être considérablement améliorée par un programme de fidélité bien conçu. En augmentant le panier moyen et la fréquence des visites, le chiffre d’affaires « para » augmente, compensant largement les coûts de mise en place et de gestion du programme. Cependant, il est essentiel de surveiller et de gérer attentivement les coûts associés aux remises et avantages offerts pour s’assurer qu’ils ne se font pas au détriment de votre marge commerciale et donc de vos bénéfices globaux. Cela implique évidemment d’identifier clairement chaque année l’évolution du nombre de clients et celle du panier moyen hors médicaments et surtout d’isoler dans la comptabilité les coûts directs et indirects du programme.
Quelles sont les fonctionnalités comptables associées aux programmes de fidélité en pharmacie ?
Bertrand Cadillon.- Les programmes de fidélité des pharmacies présentent des spécificités comptables. Les remises et avantages clients doivent être suivis et comptabilisés de manière appropriée pour refléter leur impact sur les marges et les bénéfices. Les distributeurs doivent veiller à ce que les coûts du programme de fidélité soient correctement imputés au compte de résultat, en tenant compte des remises différées et des chèques de fidélité. Le bilan de clôture annuel doit indiquer parmi le passif quels clients de la « parapharmacie » pourraient être en droit de demander ou de déduire de l’argent lors du prochain achat.
La mise en place d’un programme de fidélité en pharmacie a-t-elle des limites ?
Fabienne Le Scornec.- Malgré les nombreux avantages, mettre en place un programme de fidélité en pharmacie n’est pas sans défis. La principale limitation réside dans la réglementation qui limite le champ d’application des programmes de fidélité aux produits de drugstore : nous ne sommes pas aux USA ! Par ailleurs, la mise en œuvre technique et l’harmonisation organisationnelle au sein des groupes nécessitent une coordination et des investissements importants. Enfin, pour que le programme soit réellement efficace, il doit atteindre un taux de pénétration suffisant, ce qui implique une campagne d’intégration active et continue.
Bertrand Cadillon.- Selon le type de pharmacies, le poids de la parapharmacie varie mais il va de soi que pour beaucoup de pharmacies c’est une question de rentabilité car les marges sont plus élevées et librement fixées. Dans un contexte où la partie de l’activité liée au monopole génère aujourd’hui moins de marge, il est utile de se poser les bonnes questions et surtout de se doter des outils adaptés : le programme de fidélisation par regroupement est une des réponses.