DÉCRYPTION – Le secrétaire à la Défense Lloyd Austin a défendu la décision prise mercredi par les Américains en pointant un changement dans la tactique de la Russie sur le champ de bataille. Ces armes sont cependant controversées.
Le soutien financier et militaire des États-Unis à l’Ukraine se poursuit. Le président américain Joe Biden a autorisé mercredi la livraison à l’Ukraine de mines antipersonnel de fabrication américaine, une décision qui a suscité la réaction de nombreuses ONG qui ont souligné l’impact à long terme sur les civils de ces armes destinées à ralentir l’avancée de la Russie.
Que sont les mines antipersonnel ?
Les mines antipersonnel sont de petits engins explosifs qui tuent et mutilent des personnes longtemps après la fin des conflits. Enterrés ou cachés au sol, ils s’activent lorsqu’une personne s’approche ou entre en contact avec eux, provoquant souvent des mutilations, voire la mort. Il en existe de nombreux types, certains en forme de rondelles de hockey, d’autres en forme de cylindre ou même de cône.
Elles sont différentes des mines antichar, conçues pour détruire les véhicules blindés. Ces armes sont plutôt utilisées pour mutiler les adversaires et causer des blessures corporelles importantes, et ont moins pour vocation première de tuer. Le but étant, à terme, de submerger les moyens logistiques et médicaux de l’ennemi.
Généralement, ces mines sont utilisées à des fins défensives, notamment pour protéger des installations ou orienter un ennemi dans une direction souhaitée. Ils peuvent également aider à couvrir une retraite ou à tendre une embuscade.
Certaines mines terrestres ont une durée de vie limitée et cessent donc de fonctionner après un certain temps, comme l’affirmait l’état-major américain pour justifier leur livraison aux troupes ukrainiennes, mais d’autres peuvent rester dangereuses longtemps après. ont été placés. Ils peuvent être placés aussi bien sous la surface que dans un bâtiment piégé, ainsi qu’au sol. Les roquettes, les bombes à fragmentation et les obus d’artillerie constituent les moyens les plus efficaces pour contrer ces armes.
Qui utilise les mines antipersonnel ?
L’armée russe utilise “largement” ces explosifs sur le territoire ukrainien depuis l’invasion à grande échelle en février 2022, avec “au moins 13 types de mines antipersonnel déployées”souligne un rapport mondial publié mercredi par l’Observatoire des mines terrestres.
De la « informations crédibles » indiquent également que les forces ukrainiennes les ont utilisées, note la branche recherche de la Campagne internationale pour interdire les mines terrestres (ICBL), un réseau d’organisations non gouvernementales. Selon ce bilan, au moins 580 Ukrainiens ont été tués ou blessés par des mines antipersonnel ou des restes explosifs en 2023, faisant de l’Ukraine le quatrième pays au monde le plus touché par ce fléau.
En juin 2022, l’administration Biden avait alors annoncé renoncer à leur utilisation en dehors de la péninsule coréenne, s’engageant à ne plus les développer, les produire ou les exporter. Mais cette même année, les Etats-Unis assurent apporter leur part à ce difficile travail de destruction des mines, rappelant avoir investi plus de 4,2 milliards de dollars dans une centaine de pays depuis 1993 via des programmes de destruction d’armes conventionnelles. «Nous allons poursuivre ce travail important»a déclaré Adrienne Watson, porte-parole du Conseil national de sécurité, organe rattaché à la présidence.
Pourquoi sont-ils controversés ?
Antipersonnel mines « Je ne connais pas la différence entre les soldats et les civils » et continuent longtemps après leur installation à exploser au contact d’agriculteurs ou même d’enfants, déplore Alma Taslidzan, de l’ONG Handicap international, interrogée par l’AFP. Ces armes ne sont pas “pas éthique”regrette cette experte de Bosnie-Herzégovine, pays où, dit-elle, « la contamination (par les mines) reste massive 30 ans après la guerre »malgré les millions d’euros dépensés pour le déminage.
Alors que l’armée ukrainienne semble en déclin face aux forces de Moscou, les partisans de ces mines « on pourrait affirmer qu’ils servent d’outil défensif pour ralentir ou bloquer les forces d’invasion »estime Alma Taslidzan. Mais le « Les conséquences à long terme (…) l’emportent sur les avantages militaires à court terme »affirme-t-elle, et c’est donc “injustifiable” d’utiliser ces armes qui continueront à frapper des civils « des années et des décennies après le conflit ». Selon le Comité international de la Croix-Rouge, ils « laisser un héritage durable de morts, de blessures et de souffrances » et faire « impossible l’exploitation de vastes étendues de terres » depuis plusieurs décennies.
Selon Washington, ceux qui seront envoyés à Kyiv seront “non persistant”c’est-à-dire équipé d’un dispositif d’autodestruction ou d’autodésactivation censé limiter les pertes civiles sur le long terme. Cependant, ces “Les mécanismes d’autodestruction ou d’autodésactivation ne sont pas fiables à 100%” et ne fournissent aucune garantie absolue qu’ils n’exploseront pas au passage des civils ou, plus tard, lorsque les démineurs seront au travail, selon Alma Taslidzan.
Antipersonnel mines, « restes explosifs de guerre » et le « mines improvisées » a tué en moyenne 19 personnes chaque jour en 2020, selon le dernier décompte de l’Observatoire des Mines.
Ces mines sont-elles légales ?
Quelque 164 États et territoires, dont l’Ukraine, ont signé la Convention d’Ottawa de 1997 sur l’interdiction et l’élimination des mines antipersonnel. Mais ni la Russie, ni la Chine, ni les Etats-Unis n’ont ratifié ce texte.
Or, en 1991, les États-Unis ont cessé d’utiliser les mines antipersonnel, ont cessé de les exporter en 1992 et d’en produire en 1997. Les explosifs destinés à l’Ukraine sont donc « Des mines antipersonnel obsolètes sont toujours dans les stocks américains »âgé d’au moins 27 ans, dont “Les batteries se détériorent avec l’âge”explique à l’AFP souligne Mary Wareham, de l’ONG Human Rights Watch (HRW), qui affirme ne pas l’être. “Je ne suis même pas sûr qu’ils fonctionneront comme prévu”.
Sous Barack Obama, les États-Unis ont décidé de « ne pas prolonger ni modifier la durée de vie des batteries » de ces mines qui devaient « expirer au début des années 2030 »elle se souvient. L’Ukraine a annoncé qu’elle pourrait se retirer du traité pour des raisons militaires.