l’essentiel
Réunis hier devant la préfecture d’Agen, les manifestants ont exprimé leur colère et leur désarroi ainsi que leurs difficultés, à la fin du mois, à joindre les deux bouts. Extraits.
Hervé M. – Fils d’agriculteur dans une exploitation familiale ovine et fourragère (Nérac)
« Nous sommes ici parce que nous sommes sujets à des incohérences. Nous nous adaptons en produisant sans OGM, sans hormones et en respectant des chartes notamment sur le bien-être animal et après que les traités autorisent l’importation massive de produits en provenance de pays qui ne respectent rien ! Aujourd’hui encore, les hypermarchés proposent le gigot d’agneau néo-zélandais à moins de 10 euros le kilo. Nous sommes plus chers même si nous faisons moins de 7% de marge et travaillons au minimum 90 heures par semaine pour 500 € par mois ! Nous perdons notre pays en même temps que nous perdons notre indépendance alimentaire ! »
Jean-Baptiste. – Grandes cultures, semences et noisettes (Villeréal)
«C’est deux poids, deux mesures. Il nous est interdit de travailler de la même manière que ceux qui importent chez nous sans que l’Europe ne réagisse ! Si je prends l’exemple des noisettes, les récoltes sont désastreuses cette année et pourtant nos coûts ne font qu’augmenter ! Les gens doivent réaliser que nous sommes en train d’être tués. Nous avons besoin d’une prise de conscience générale et nous devons être autorisés à travailler. »
Nora et Charles B. – Couple d’arboriculteurs (Le Temple-sur-Lot) et bientôt reproducteurs avec leur fils qui s’installe
« Comme beaucoup, nous sommes confrontés à des problèmes de trésorerie qui mettent nos opérations en péril ! Nous sommes confrontés à presque aucun revenu. Nous travaillons beaucoup d’heures et pour quoi ? Pour presque rien !
Je viens de vendre mes pommes ! Premier choix ! De très belles marchandises qui seront vendues plus de 3,50 € le kilo en magasin et combien vont-ils me l’acheter ? Ils me l’achètent pour seulement 30 centimes ! 10 fois moins que ce que paie le client final alors même qu’on pourrait vivre décemment avec seulement 60 centimes ! Mais non ! On nous facture 30 centimes le kilo pour des pommes qui coûtent 45 centimes à produire ! On marche sur la tête ! »
Mathis.- Etudiant de 19 ans, en BTS, va s’installer sur l’exploitation familiale (Couls) pour la production de céréales, semences et élevage de volailles
« Il faut avoir de la passion quand on voit ce qui se passe aujourd’hui. J’aime ce que je fais mais ça devient extrêmement compliqué. Pour pouvoir exister aujourd’hui, il faut être bien entouré de sa famille et des autres agriculteurs. Ce qui me fait peur demain, c’est qu’on ne sait pas où on va ! Nous importons massivement alors même que la production existe ici ! On le voit déjà par exemple avec la volaille où nous faisons venir des animaux du Brésil alors qu’il y a quelques années nous incitions les agriculteurs à développer les outils de production nécessaires à cette filière ! Aujourd’hui les hangars sont vides et les opérations ralentissent ! »
Coralie. – Producteur de kiwis et d’asperges et maraîchage (Fauillet)
« Aujourd’hui, le plus gros problème de nos exploitations agricoles est la concurrence déloyale, notamment dans le maraîchage. Nous faisons tout pour produire bien, bon et propre mais nous importons toujours des marchandises qui ne respectent rien de ce qui nous est imposé ! Pire encore, la grande distribution accentue le problème avec des emballages trompeurs et en faisant la promotion des produits importés au lieu d’aider les agriculteurs de leur territoire. Nous demandons juste à être respectés en imposant l’équité ! Cette année nous avons eu des problèmes de trésorerie, des récoltes impactées par la météo, des contrôles toujours plus nombreux, etc. Nous n’en pouvons plus ! J’ai été hospitalisée cet été car j’étais épuisée ! Nous voulons, nous espérons être plus qu’entendus ! Nous voulons être compris et respectés ! »
Raphaël.- Ouvrier agricole dans le Marmandais – Céréales dont blé et soja ainsi que 115 hectares de prunes
« Nous vivons une année compliquée. Les récoltes ne sont pas bonnes mais les impôts, la fiscalité excessive, les normes absurdes et inéquitables restent les mêmes ! Cela devient insupportable. On nous a fait des promesses qui sont restées des promesses. Nous ne savons pas où nous allons ! C’est le brouillard complet ! Aujourd’hui, nous sommes à un point de non-retour. Nous préférerions être à la ferme pour faire notre travail, être dans les champs ou avec nos animaux ! Au lieu de cela, nous défendons ici l’agriculture française qui souffre depuis des années. Notre travail est de nourrir les gens, vos familles, vos enfants et rien n’est fait pour nous défendre ! Nous demandons simplement que tout le monde soit hébergé au même endroit et que nous soyons respectés ! Nous nous mobiliserons aussi longtemps que nécessaire. »