Un quart des émissions mondiales de gaz à effet de serre en 2021 ont été générées par les pays exportateurs pour répondre à la demande des pays importateurs, rapportent le cabinet de conseil Carbone 4 et la Fondation européenne pour le climat (ECF) dans une étude publiée lundi 18 novembre.
Le rapport, intitulé « Émissions importées : de la codépendance à l’action coopérative », s’intéresse aux pays de destination des biens, dont la production émet des gaz à effet de serre. En 2021, près de 12,8 milliards de tonnes équivalent CO2 a été généré pour produire des biens qui ont ensuite été exportés vers d’autres pays du monde.
Empreinte carbone de la France en 2021 : 639,31 mégatonnes équivalent CO2
Les auteurs soulignent la nécessité de prendre en compte « émissions intrinsèques », soit les émissions générées lors de la production de biens importés, dans le calcul des émissions de gaz à effet de serre générées par les pays.
Pour ce faire, le rapport utilise la méthode du bilan carbone qui comptabilise les gaz à effet de serre selon le prisme de la consommation finale des pays. Cette dernière est calculée comme suit : émissions territoriales du pays – émissions exportées + émissions importées.
Cette méthode met en évidence qu’au sein de l’Union européenne, de nombreux pays (notamment les pays d’Europe du Nord mais aussi Chypre, l’Espagne, le Portugal et la Bulgarie) importent davantage d’émissions de gaz à effet de serre. serres qu’elles ne produisent.
La France a quant à elle produit, en 2021, 443,47 mégatonnes équivalent CO2 (MtCO2eq) sur son territoire, mais avait une empreinte carbone plus élevée s’élevant à 639,31 MtCO2eq. Cette différence s’explique par le fait que la France est un « importateur net », c’est-à-dire qu’elle importe plus d’émissions qu’elle n’en exporte..
A l’inverse, les pays où la part des émissions importées est la plus faible sont la Russie, le Brésil, la Chine, l’Afrique du Sud, l’Argentine, l’Inde et l’Indonésie. Par exemple, la Russie avait une empreinte carbone en 2021 composée de 13,73 % d’émissions importées et de 86,27 % d’émissions nationales sans exportations.
La Chine, pour sa part, avait une empreinte carbone de 15,2 GtCO2eq en 2021, soit 15 200 MtCO2eq, composé de 16,39% d’émissions importées et de 83,61% d’émissions nationales sans exportation.
Le risque de fuites de carbone
Cette part importante des émissions importées dans les pays européens comporte un risque : celui des fuites de carbone.
« À mesure que les pays et les régions progressent à des rythmes différents dans leurs efforts de décarbonation, modifiant ainsi leurs positions concurrentielles respectives, il devient de plus en plus probable que les réductions d’un pays conduisent à une fuite de carbone, c’est-à-dire une augmentation des émissions de ses partenaires commerciaux. », soulignent les auteurs du rapport.
Le phénomène de fuite de carbone se produit lorsque les mesures de réduction des émissions prises par un pays conduisent à rendre ses entreprises moins compétitives et à augmenter les émissions ailleurs, dans des régions du monde où la production est plus intensive en carbone.
Ce facteur est d’autant plus à prendre en compte que en 2021, l’Union européenne a montré une forte dépendance économique à l’égard de la Chine et de la Russied’où émanaient respectivement 20 % et 15 % de ses émissions importées. Les effets des sanctions liées à la guerre en Ukraine ne sont pas encore appréciables en raison des données s’arrêtant à 2021.
Recommandations pour davantage de coopération dans la réduction du GAZ
Le carbone 4 et l’ECF mettent en évidence une prédominance des matériaux lourds et des produits chimiques, de l’agriculture, de la sylviculture, de la pêche et de l’exploitation minière dans l’empreinte carbone du commerce, y compris les émissions indirectes liées à l’électricité et à la chaleur utilisées dans leur production et au transport international.
« Les partenaires commerciaux pourraient reconnaître leur interdépendance (ma consommation importée = vos émissions) pour élaborer, lorsque cela est possible, une feuille de route coopérative pour la décarbonisation sectorielle. », recommandent les auteurs du rapport.
Outre les nouvelles règles du marché, elles soutiennent notamment la possibilité de coopération dans la réduction des émissions de gaz à effet de serre. « Des efforts internationaux sont en cours pour les industries lourdes (par exemple, le Club Climat, le Groupe de Leadership pour la Transition Industrielle et l’Initiative de Décarbonisation Industrielle), mais il serait bénéfique que le G20 donne une plus grande visibilité politique à cette question. », soulignent-ils. Les auteurs citent notamment la reconnaissance de la codépendance des pays en matière de réduction des émissions, la collecte de données plus précises sur le carbone incorporé et une consolidation des initiatives internationales autour d’un objectif commun de réduction.
« Les pays souhaiteront peut-être également fixer des objectifs volontaires et transparents pour réduire leurs émissions importées. » ainsi que d’aborder cette question de manière bilatérale » sur la base des plus grandes contributions sectorielles à leurs émissions commerciales », ajoute-t-il.
Pour y parvenir, la question de la réduction des émissions importées doit être intégrée dans les discussions internationales, ce qui n’a pas toujours été le cas. « Lors de la Cop 21, plusieurs participants, dont l’UE, avaient pour mandat de négociation de ne prendre aucune mesure susceptible de ralentir le développement du commerce mondial »écrivent notamment les auteurs du rapport.
Cette année à Bakou pour la 29ème conférence des Nations Unies sur le climat (Cop 29), des représentants du G20 « toutefois reconnaître le droit de réglementer, y compris à des fins environnementales, sur cette question du commerce et du développement durable »ajoute Richard Baron, l’un des auteurs du rapport et directeur du programme de commerce international à l’ECF.
Élisabeth Crépin-Leblond