Dans les smile bars et certaines cliniques dentaires, le blanchiment est avant tout un business. Mais il y a des risques. Conseils et explications.
Sur les réseaux sociaux, les « sourires de Colgate » aux dents éclatantes sont légions. Souvent faux mais qu’importe : imperceptiblement, cela déplace l’étendard vers plus blanc que blanc. Pour obtenir des dents blanches sans facettes dentaires, on est encouragé à les blanchir. Utiliser des techniques dont l’efficacité est souvent vantée sur la base de photos avant/après d’une honnêteté douteuse.
En effet, les produits non professionnels risquent d’être inefficaces faute d’une concentration suffisante en peroxyde d’hydrogène. Seuls les dentistes peuvent utiliser des produits capables de pénétrer dans l’émail pour atteindre la dentine et moduler la couleur, dosés entre 0,1 % et 6 %. Méfiez-vous si l’on vous propose un blanchiment des dents avec des produits professionnels ailleurs qu’en cabinet dentaire !
Le Conseil national de l’Ordre des chirurgiens-dentistes est également vigilant. « J’ai obtenu la fermeture de 17 smile bars qui mettaient en danger la sécurité de leurs clients. Les risques avec ce type de traitement sont importantsrappelle son président, Alain Durand, chirurgien-dentiste à Toulouse. Et nous attaquons tout praticien qui se dit « centre esthétique ». Il n’existe pas de spécialité esthétique en dentisterie. Les centres dentaires qui en font un business sont inacceptables : ça devient un business. »
A éviter en cas de sensibilité et sur des dents fragilisées
La démarche doit rester médicale, avec une évaluation préalable. “Il y a des contre-indications”prévient le Dr Julien Cardona, chirurgien-dentiste et secrétaire général du syndicat des chirurgiens-dentistes de France (le CDF). Il prévient : « Il est contre-indiqué, ou du moins nécessite des précautions particulières, d’éclaircir les dents avec de l’eau oxygénée en cas d’hypersensibilité dentaire ou de récession gingivale. [abaissement de la gencive sur les dents, NDLR]l’usure dentaire, comme c’est le cas chez les personnes sujettes au bruxisme, l’érosion dentaire provoquée par les sodas ou les boissons acides, etc. ». Sur des dents fragilisées, les produits utilisés risquent de pénétrer trop profondément.
Cependant, le peroxyde d’hydrogène doit juste pénétrer suffisamment dans l’émail pour atteindre les couches supérieures de la dentine, mais surtout ne pas dépasser. Le Dr Cardona précise : « Le but est de blanchir les pigments de la dentine. Mais si le produit pénètre trop loin dans la dent, il risque de déclencher une inflammation de la pulpe. Cela aura pour effet, au mieux, de créer une hypersensibilité dentaire pendant quelques jours et, au pire, une nécrose de la dent, voire de l’os sous-jacent. »
Les produits ne doivent pas non plus entrer en contact avec les gencives ni être dilués dans la salive et pénétrer dans la circulation sanguine. Les dentistes utilisent donc des gouttières sur mesure imbibées de produit qui se clipsent sur les dents.
A LIRE AUSSI >>> Notre avis sur 12 dentifrices blanchissants : attention à vos dents !
Ne cédez pas aux sirènes du blanchiment d’argent
Outre cette évaluation préliminaire, le chirurgien-dentiste doit également fournir à ses patients une explication claire des tenants et des aboutissants. « Nous disposons de repères de couleurs nous permettant de visualiser quel type de teinte nous sommes capables d’obtenir »explique le Dr Durand. En général, il est possible de gagner deux nuances, passer du gris au gris clair, du jaune au jaune au moins, mais pour du blanc pur, c’est non !
Des éclaircissements ne sont pas toujours possibles. « Si la coloration est d’origine iatrogène [liée à des médicaments comme les tétracyclines, NDLR]nous ne pourrons pas alléger nos dents”ajoute le spécialiste. Promettre le contraire est juridiquement répréhensible. Aussi, la technique de blanchiment peut varier dans le cas d’une dent dévitalisée : il est possible de l’éclaircir mais « de l’intérieur », en plaçant le produit au cœur de la dent. Enfin, il est nécessaire d’expliquer la conduite à tenir suite au traitement. Car après le « blanchiment », les dents deviennent plus sensibles à la coloration.
« Fumer est une contre-indication au blanchiment : le traitement va augmenter la perméabilité dentaire et le tabac va donc marquer encore plus les dents »explique le Dr Durand. Il faut donc éviter le tabac, le thé, le café ou la betterave dans les jours qui suivent le traitement… ou ne pas céder à l’attrait du blanchiment.
A LIRE AUSSI >>> Quel substitut nicotinique choisir pour arrêter de fumer ?
Un coût non couvert important
D’autant que le blanchiment a un coût. « Difficile à quantifier car cela varie beaucoup d’un praticien à l’autre, d’une région à l’autre.note le Dr Durand. Mais c’est un traitement coûteux. Rien que le plateau technique nécessaire coûte entre 150 et 200 €. Et c’est plus cher dans un cabinet dentaire que dans un smile bar – c’est normal qu’il y ait une marge. Mais s’il s’agit de 1 000 €, c’est intolérable. »prévient le praticien.
Toutefois, ce coût n’est jamais pris en charge par l’Assurance Maladie, même lorsqu’un problème médical est à l’origine de la demande de blanchiment. “Cependant, dans ce dernier cas, et si le préjudice esthétique est important, je vous encourage quand même à adresser un courrier à la complémentaire santé”précise le Dr Cardona.