« Hier, nous pouvions vivre, aujourd’hui, ils nous imposent tout et nous ne pouvons plus le faire »

A Villedoux, il est difficile de “garder la tête hors de l’eau”


Sébastien Brochet dirige l’entreprise familiale Joncs à Esnandes.

XAVIER LEOTY / ALORS

À la tombée de la nuit, à Villedoux, au nord de La Rochelle, une quinzaine d’agriculteurs ont investi le rond-point de l’aire de covoiturage.

“Beaucoup travaillaient encore dans les champs en fin de journée, car il va pleuvoir demain”, explique Sébastien Brochet. Figure locale du monde agricole, responsable de la filière rochelaise à la FDSEA (Fédération Départementale des Syndicats d’Agriculteurs), il dirige depuis 2007 l’exploitation familiale des Joncs à Esnandes avec sa compagne Julie. A la fois agriculteur, avec 220 hectares de céréales, et éleveur, avec 60 vaches mères allaitantes, il propose la vente directe à la ferme. Aujourd’hui, à 47 ans, il s’inquiète pour l’avenir proche.

« Il n’y a plus de trésorerie alors qu’elle devrait être à son plus haut à cette période de l’année où l’on doit payer les loyers aux propriétaires. Nous sortons d’une année compliquée à cause des pluies, avec quelques semis tardifs que nous ne récolterons pas, aide de la PAC [Politique agricole commune] autour… Honnêtement, on a du mal à garder la tête hors de l’eau. »

Comme en début d’année, Sébastien Brochet et ses collègues ont décidé de redescendre dans la rue pour manifester leur mécontentement. “Les promesses n’ont pas été tenues”, s’énerve-t-il. Au niveau administratif, la situation est de pire en pire. Et puis nous ne sommes pas soumis aux mêmes normes que les autres pays, cela nous dégoûte. Il y a vingt ans nous étions obligés de mettre du béton dans nos fermes, nous avons un cahier des charges strict ; Quand on voit les fermes au Brésil, avec les vaches les unes sur les autres, je ne suis pas sûr que ce soit la même chose. »

A Royan, Jean-Noël est toujours « passionné » mais « épuisé »


Jean-Noël Gemon était nombreux, lundi 18 novembre, autour du grand feu alimenté par les agriculteurs du Pays Royannais, à l’entrée de Royan.

Ronan Chérel / SO

A Royan, une cinquantaine d’agriculteurs ont envahi, sans bloquer, l’entrée de Royan. Parmi eux, Jean-Noël Gemon. Une mauvaise grippe l’a contraint au lit le 3 février. Et bien, ce lundi 18 novembre, il n’a pas voulu rater cette fois l’occasion de garer son tracteur sur le rond-point de l’aérodrome, en signe de protestation. L’éleveur de Médis est arrivé comme « le plus proche voisin » pour reconstituer les effectifs. “Rien n’a changé depuis février, hormis les progrès sur le gazole non routier (GNR)”, c’est-à-dire l’abandon par l’Etat des hausses de taxes sur ce carburant.

L’accord commercial du Mercosur inquiète évidemment Jean-Noël Gemon. « Quand on importera demain 99 000 tonnes de viande d’Amérique du Sud, cela se fera évidemment au détriment des agriculteurs français. » L’agriculteur du Médisais mettrait pourtant presque « la charge administrative » en tête de ses motifs de colère. « En trente-trois ans de militantisme syndical, je pense en avoir toujours entendu parler ! J’ai la chance que ma femme s’occupe de toutes les formalités, mais ces tâches occupent un bon tiers de mon temps. »


Là encore, aucun signe d’entrée ou de sortie de la ville, dans le Pays Royannais comme ailleurs. Ils se rendront à la préfecture, à La Rochelle.

Ronan Chérel / SO

A 61 ans, Jean-Noël aime toujours son métier. « Je reste passionné. De toute façon, si on ne fait pas ce métier par passion, on ne le fait pas. » L’éleveur « n’est pas épuisé par le travail lui-même. Ce sont ces contraintes administratives qui m’épuisent. »

A Pons, pour Jérôme “le pire est à venir”

Jérôme Merle, 30 ans, fait partie de la centaine d’agriculteurs qui ont repris les terres proches du rond-point Leclerc, à Pons. « Je possède une cinquantaine d’hectares de céréales et 40 hectares de vignes à Sainte-Lheurine. Ce sont les vignes qui me donnent la vie aujourd’hui. Après notre mouvement du début d’année, nous avons eu quelques annonces positives. Le prix du diesel non routier est redevenu plus raisonnable. Mais les choses traînent en matière de simplification administrative. Pour les céréales, l’Europe nous impose trois cultures différentes. Cette année, c’était impossible avec la météo. Nous avons aussi des produits phytopharmaceutiques qui disparaissent et ne sont pas remplacés », explique ce membre des Jeunes Agriculteurs (JA).

Jérôme Merle, membre des JA, s'inquiète de la filière du cognac.


Jérôme Merle, membre des JA, s’inquiète de la filière du cognac.

Philippe Ménard / SO

Ce n’est pas le sujet du jour, mais dans la région de Cognac, la viticulture tremble. « L’industrie est en difficulté depuis un an ou deux. Avec les taxes chinoises, on tire sur l’ambulance, on n’en avait pas besoin. Je livre les eaux-de-vie rassis à Rémy-Martin, j’ai un contrat jusqu’en 2029. Mais je ne vends plus rien sur le marché, ça pèse sur la trésorerie. Il y a des exploitations qui souffrent beaucoup et le pire est à venir », prédit le vigneron, pour qui il faut se mobiliser dès maintenant. Les manifestants ont allumé un « feu de colère » et ont entouré le rond-point avec une bâche de protestation. Ils ont dû quitter les lieux en pleine nuit.

A Saint-Jean-d’Angély, “generalmente stufo”

Julien et Kévin se sont mobilisés à Saint-Jean-d'Angély pour partager leurs inquiétudes.


Julien et Kévin se sont mobilisés à Saint-Jean-d’Angély pour partager leurs inquiétudes.

Marylou R.

Le premier tracteur est arrivé à 18h30, suivi quelques minutes plus tard par un convoi d’une quinzaine de voitures sur le rond-point Lidl à Saint-Jean-d’Angély. En quelques minutes ils déchargeèrent le bois pour allumer les feux de leur colère sur le sol.

A côté de Cédric Tranquard, président de la FNSEA 17 et céréalier de la commune d’Arcchingeay, il y a Julien, de Matha, très inquiet pour l’avenir de l’agriculture céréalière : « On a vraiment besoin d’une année vide, on en a besoin. » Même chose pour Kevin Bertin, vigneron à La Brousse : « Hier on arrivait à vivre, aujourd’hui on nous taxe tout et on n’y arrive plus, même si on gagne beaucoup d’argent. Plus nous essayons de développer nos activités et plus ils nous enlèvent, plus le général en a marre, c’est pour cela que nous sommes là. Nous devons vraiment simplifier notre travail en réduisant la paperasse dans les fermes. Cela nous libérerait immédiatement du temps et pourrait nous rapporter de l’argent. »

 
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