Au moins trois raffineries russes ont dû arrêter leur transformation ou réduire leur production en raison de lourdes pertes dues aux restrictions à l’exportation, à la hausse des prix du brut et aux coûts de financement élevés, selon cinq sources industrielles.
Ces fermetures mettent en lumière les difficultés de l’industrie du raffinage russe, qui reste dans la ligne de mire des attaques de drones ukrainiens, des sanctions occidentales contre la Russie qui obligent les raffineries à vendre du carburant à rabais, ainsi que des taux d’intérêt élevés.
Les cinq sources qui travaillent dans les sociétés qui gèrent les raffineries et qui connaissent bien leurs finances ont déclaré que les trois usines – Tuapse, Ilsky et Novoshakhtinsky – ont suspendu ou réduit leurs opérations ces derniers mois.
Cette évolution n’a pas été signalée auparavant.
Ilsky et Novoshakhtinsky n’ont pas répondu aux demandes de commentaires.
La crise réduit les exportations de carburant et les revenus des entreprises, réduisant les liquidités du budget de l’État, tandis que l’inflation est élevée et que les incertitudes pèsent sur les marchés de l’énergie, déjà inquiets de la faiblesse de la demande.
Les raffineries du monde entier ont réalisé des bénéfices records en 2021 et 2022, alors que la demande de voyages post-pandémique a augmenté et que l’activité économique a repris.
Cependant, les marges ont ensuite fortement chuté avec l’ouverture de nouvelles usines géantes dans le monde entier et le ralentissement de la croissance de la demande, en partie à cause des efforts visant à abandonner les combustibles fossiles.
LES USINES DE BASSE TECHNOLOGIE SONT LES PLUS TOUCHÉES
Les raffineries russes les moins sophistiquées, qui ne produisent pas de carburants premium, ont été les plus durement touchées, affichant des pertes allant jusqu’à 10 000 roubles (102 dollars) la tonne pendant plusieurs mois au second semestre 2024, selon deux sources.
Certaines raffineries plus complexes ont également fonctionné à perte, tandis que d’autres ont réussi à afficher des bénéfices modestes grâce à de fortes ventes de carburants légers, ont indiqué les sources.
La Russie compte 30 raffineries de grande et moyenne taille, sans compter plusieurs usines plus petites, capables de traiter 5,5 millions de barils par jour (b/j), ce qui en fait l’un des plus grands exportateurs de carburant au monde.
La Russie exporte environ 2 millions de barils par jour de produits pétroliers et consomme le reste au niveau national.
La plus grande compagnie pétrolière russe, la société publique Rosneft, a dû suspendre à plusieurs reprises le raffinage de sa vaste mais relativement peu sophistiquée usine de Touapsé, située sur la mer Noire, cette année en raison de faibles marges, ont indiqué des sources.
Rosneft n’a pas répondu à une demande de commentaire. Les autres grandes compagnies pétrolières russes – Surgutneftegaz, Gazpromneft, Lukoil – n’ont pas non plus répondu.
Les petites raffineries indépendantes Ilsky et Novoshakhtinsky, dans le sud de la Russie, fonctionnent depuis plusieurs mois à la moitié de leur capacité nominale, traitant respectivement environ 70 000 et 60 000 barils par jour en raison de faibles marges, selon quatre sources industrielles.
Les trois raffineries ont été touchées par des drones ukrainiens plus tôt cette année, contribuant à la faible production, ont ajouté les sources.
Les raffineurs indépendants sont contraints d’accumuler des dettes parce qu’ils ne peuvent pas compter sur le soutien des grandes sociétés mères, selon des sources.
La banque centrale russe a augmenté ses taux d’intérêt de 19 % à 21 % le mois dernier, le niveau le plus élevé depuis les premières années du règne du président Vladimir Poutine, rendant encore plus difficile la survie de nombreuses usines, selon les sources.
Un autre problème est la hausse du prix du brut, qui s’échangeait en octobre à 50 000 roubles la tonne sur le marché intérieur russe, tandis qu’un raffineur indépendant doit atteindre un prix maximum de 35 000 roubles la tonne pour réaliser un bénéfice, selon les sources.
Les prix du pétrole brut sur le marché intérieur russe ont augmenté en raison de l’affaiblissement du rouble par rapport à la hausse du dollar américain.
Parallèlement, les prix du diesel en Europe ont chuté de près de 60 % en août par rapport à l’année précédente, réduisant encore davantage les bénéfices des raffineries.
Certaines petites raffineries privées, notamment les usines Novoshakhtinsky et Ilsky, ont demandé l’aide du gouvernement, notamment sous la forme de subventions supplémentaires, ont indiqué les sources.
Le ministère russe de l’Energie a refusé de commenter.
“Nous prévoyons que les fermetures (d’usines) réelles auront lieu au début de l’année prochaine”, a déclaré l’une des cinq sources.
(1 $ = 97,9500 roubles)
