Par
AFP
Publié le
13 novembre 2024
Un t-shirt, une jupe et des stickers : Isidora Olave, une Chilienne de 20 ans, vient de recevoir son dernier colis en provenance de Chine… à un prix dérisoire. La croissance fulgurante de plateformes comme Shein et Temu inquiète également en Amérique latine.
Étudiante et active sur les réseaux sociaux, la jeune femme est fan, comme ses amis, de « l’ultra fast fashion », cette mode souvent qualifiée de jetable, aux prix ultra compétitifs et au renouvellement incessant des collections.
“J’ai acheté sur Shein parce que j’avais besoin d’une tenue pour une occasion précise et c’était moins cher que de l’acheter au Chili”, explique l’étudiante en médecine dentaire en ouvrant son dernier colis en provenance de Chine.
À l’intérieur, un T-shirt, une jupe et des autocollants à paillettes, le tout pour 15 dollars, soit environ la moitié de ce qu’elle aurait payé en magasin, assure-t-elle en déballant ses affaires dans l’appartement de ses parents, à la périphérie de la capitale Santiago. , où elle habite.
Le commerce électronique a généré 122 milliards de dollars en Amérique latine en 2022 et pourrait atteindre 200 milliards de dollars d’ici 2026, selon le cabinet d’analyse de marché Statista.
En première ligne face à la croissance fulgurante de plateformes comme Shein, Temu ou AliExpress, qui vendent tous types de produits, les douanes chiliennes affirment traiter plus de 80 000 colis chaque jour. En 2023, ils en ont géré 20 millions, et pour 2024 ils prévoient d’atteindre 30 millions. Au cours des cinq dernières années, la réception des colis a augmenté d’environ 1 000 %.
“Cela a été un défi majeur de traiter (…) cet afflux important de colis”, observe Maria José Rodriguez, chef du service fiscal de la douane métropolitaine de Santiago.
Les plateformes d’origine chinoise sont à l’origine de cette croissance spectaculaire dans une région où l’influence du géant asiatique ne cesse de s’étendre au détriment des Etats-Unis, autrefois prédominants.
Dans une nouvelle démonstration de sa présence dans la région, la Chine prévoit d’inaugurer jeudi le mégaport de Chancay, au Pérou, en marge du sommet de la Coopération économique Asie-Pacifique (Apec) qui se tient cette semaine à Lima.
– « Actes de justice » –
Pour protéger le commerce local, mais aussi augmenter leurs revenus, le Chili et le Brésil ont récemment supprimé les exonérations fiscales sur les achats à bas prix (respectivement 41 et 50 dollars) effectués sur ce type de plateformes. “C’est un acte de justice pour le Chili”, s’est félicité le président chilien Gabriel Boric.
Le Mexique, de son côté, a annoncé son intention de renforcer les contrôles sur ce type de commerce.
Toutefois, les experts estiment que ces mesures n’auront probablement pas d’impact significatif sur cette nouvelle forme de consommation.
“C’est avant tout une question d’opportunité, entre une offre extrêmement bon marché et des consommateurs qui ont cessé de considérer les vêtements comme des produits durables”, explique Sofia Calvo, journaliste chilienne et consultante en mode éthique.
Ailleurs aussi, notamment dans l’Union européenne et aux États-Unis, la croissance de ces sites est inquiétante.
L’industrie de la mode est responsable de plus de 8 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre et de 20 % des eaux usées de la planète, selon l’ONU et malgré leur potentiel de réutilisation, 85 % des vêtements finissent dans des décharges illégales comme celle du désert d’Atacama. au Chili.
Dans une société où l’image et l’apparence priment, sous l’emprise des réseaux sociaux, le caractère potentiellement addictif, notamment chez les plus jeunes, suscite également des inquiétudes.
« Le soir, au lieu de regarder une série, beaucoup de gens se retrouvent devant un écran pour feuilleter, flâner, regarder… pour acheter ou ne pas acheter », décrit Veronica Massonier, diplômée en psychologie et experte uruguayenne des marchés et des tendances.
Plus qu’un achat par nécessité, les consommateurs sont motivés par « le plaisir de la nouveauté et du renouveau », ajoute-t-elle, soulignant le caractère « très éphémère » de la satisfaction obtenue.
En attendant, Shein continue de renforcer sa présence en Amérique Latine. Son président pour la région, Marcelo Claure, s’était félicité l’an dernier de l’installation prochaine de « 2 000 usines » au Brésil. Le pays “deviendra une plaque tournante des exportations pour la fabrication et la distribution de produits en Amérique latine”, a-t-il déclaré dans une interview accordée au portail d’information 360.
Santiago du Chili, 13 novembre 2024 (AFP)
Paire Paulina ABRAMOVICH
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