l’essentiel
Pour tenter de combler le déficit public, au lieu de revenir sur les exonérations de charges accordées aux entreprises comme le propose Michel Barnier, les macronistes préféreraient défendre la suppression d’un jour férié.
Ascension ou 15 août ? Lors de la récente réunion du groupe Renaissance à l’Assemblée nationale, les discussions n’en étaient pas encore là mais presque. “Ce qui est sûr, c’est que si on détruit un jour férié, ce sera une chose catholique et dans mon entourage, ça va rester coincé”, déplorait déjà jeudi un élu francilien. La suppression d’un deuxième jour férié, après la Pentecôte banalisée par Jean-Pierre Raffarin en 2003, est bel et bien dans les cartons macronistes. L’idée, évoquée pour la première fois par Gérald Darmanin en septembre, devrait permettre de retrouver des sources de revenus sans, comme le souhaiterait Michel Barnier, baisser les exonérations de charges sur les salaires et donc augmenter le coût du travail.
“Nous ne sommes pas excités”
La possibilité de remplacer les exonérations de charges par la suppression d’un jour férié a donc été débattue mardi lors de la réunion du groupe Ensemble Pour la République (EPR). La discussion a été lancée par le ministre du Budget Laurent Saint-Martin. Certaines députées comme Élisabeth Borne sont intervenues pour exprimer leurs réticences. « Nous ne sommes pas ravis, mais c’est toujours mieux que d’évoquer des exonérations de charges. En tout cas, personne n’a dit un non catégorique », raconte un élu macroniste. Certains sont même assez enthousiastes, comme ce marcheur précoce qui nous l’a assuré cette semaine : “Si Barnier nous lâche les 5 millions d’exonérations de charges pour les entreprises, nous prendrons sur nos épaules la journée de la solidarité.”
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Les proches de l’Élysée présentent la baisse du coût du travail, qui a permis selon eux d’infléchir la courbe du chômage, comme un marqueur essentiel du macronisme, un totem qu’ils veulent défendre à tout prix. Un bras de fer s’est même engagé entre le chef de l’Etat et son Premier ministre. Lors de l’inauguration de l’exposition « Made in France » à l’Élysée le 25 octobre, dans un discours passé assez inaperçu, Emmanuel Macron a déclaré : « Je suis comme vous, j’écoute les débats, je lis les journaux, je tourne à la télévision… Tout cela (la bonne santé des entreprises françaises NDLR) n’est pas possible si on augmente les impôts et si on augmente le coût du travail. On ne résoudra pas le problème du déficit public. revenant entièrement sur la cohérence d’une politique macroéconomique.
Le Premier ministre ne soutient pas
“Alors qu’on annonce des plans sociaux chez Michelin et Auchan, ce serait fou de revenir sur des exonérations qui vont mécaniquement augmenter le coût du travail”, nous a assuré jeudi un député lié à l’Elysée. Et un ancien ministre centriste nous l’a confirmé : « Un jour férié, ce n’est pas quelque chose qu’il faut refuser par principe. Il faut voir où se situe le point d’équilibre. Une journée de travail supplémentaire, c’est 3 ou 4 milliards. Même le ministre de l’Économie Antoine Armand dit avoir entendu les « inquiétudes exprimées par les entreprises et le groupe EPR » sur l’augmentation des cotisations sur les bas salaires, et il envisagerait, pour compenser, une augmentation de la durée du temps de travail.
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Mais pour l’instant Michel Barnier résiste. Son entourage nous a fait savoir vendredi que le Premier ministre n’était pas favorable à l’idée. Toutefois, cela pourrait lui revenir comme un boomerang de la droite sénatoriale qui, de son côté, espère grâce à cette nouvelle aubaine éviter de réduire les moyens des collectivités locales. « Allons-nous plus loin dans la suppression d’une journée de solidarité ? Rien n’est tabou. Ici au Sénat, un PPL (projet de loi) est prêt depuis longtemps sur le sujet, on peut le déposer quand on veut», nous assurait il y a quelques jours un poids lourd du Palais du Luxembourg.
De quoi jeter de l’huile sur le feu alors que de nombreux syndicats appellent à la mobilisation ? “Il n’y aura pas de mouvement social car nous supprimons un jour férié”, assure La dépêche un ancien ministre qui ajoute : « et puis, on ne fait pas un budget pour être populaire ». C’est au moins un point d’accord avec Michel Barnier.