Le torchon brûle entre la France et Israël. La visite à Jérusalem du ministre français des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot a été perturbée hier, jeudi 7 novembre 2024, par l’entrée de la police israélienne. “armé” et “sans autorisation”selon lui, sur un site religieux appartenant à la France. Un incident diplomatique qui pose des questions sur les propriétés détenues par la France à Jérusalem et sur le droit qui y est applicable.
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Quatre domaines à Jérusalem
La France détient plusieurs propriétés qui font partie de ce qu’on appelle le domaine national français en Terre Sainte. Une appartenance qui remonte à l’Empire ottoman durant lequel la France s’est vu confier une mission de protection des chrétiens de Terre Sainte, rappelle notamment RFI. Ces propriétés sont gérées et administrées par le consulat général de France à Jérusalem, ajoute Le Figaro .
Ce domaine national comprend quatre sites : Eléona, Abou Gosh, le Tombeau des Rois et Sainte-Anne.
L’Eléona, sur laquelle s’est produit l’incident de jeudi, est une propriété française située sur le Mont des Oliviers à Jérusalem-Est, la partie palestinienne de la ville occupée et annexée par Israël depuis 1967. Elle comprend une église avec la grotte dite du Pater. Le site fut acheté en 1856 par la princesse de la Tour d’Auvergne, une aristocrate française qui y fit construire un cloître. Elle en fit ensuite don à la France à sa mort en 1874.
Abou Gosh est une ancienne commanderie qui fut offerte à la France par l’Empire Ottoman. Le site fut progressivement restauré par la France et devint un monastère.
Le Tombeau des Rois est un site mal nommé puisqu’il s’agit du tombeau de la princesse Hélène d’Adiabène (région correspondant au Kurdistan), qui y fit construire un palais et un mausolée familial. « Le site, fouillé en 1863 par des archéologues français, fut acquis par les frères Péreire, célèbres banquiers du Second Empire, qui le cédèrent à la France en 1886 »indique le site du consulat.
Enfin, le domaine de Sainte-Anne est une église romane datant du XIIee siècle, situé à l’intérieur des murs de Jérusalem. C’est ici qu’auraient vécu les parents de la Vierge Marie. L’église Sainte-Anne fut transformée en école coranique puis offerte à Napoléon III par le Sultan en 1856, pour le remercier de son soutien lors de la guerre de Crimée. “Il a été restauré par le gouvernement français suite aux dégâts subis lors de la guerre des Six Jours en 1967”précise le consulat.
Eléona au coeur d’un incident jeudi
Le ministre des Affaires étrangères, Jean-Noël Barot, était en visite au domaine d’Eléona lorsque des policiers israéliens sont entrés “armé” et “sans autorisation”, selon lui, sur le site religieux. « Le domaine d’Eléona […] est un espace qui non seulement appartient à la France depuis plus de 150 ans, mais dont la France assure la sécurité »a souligné le ministre. Il a dénoncé un « atteinte à l’intégrité d’une zone placée sous la responsabilité de la France ». Critiquer un « situation inacceptable »le ministre a finalement décidé de ne pas entrer dans ce lieu de pèlerinage, a rapporté leAFP.
Une Source diplomatique française a déclaré Ouest de la France qu’il avait été convenu avec les autorités israéliennes “avant la visite” que« Aucune sécurité armée israélienne ne serait autorisée à revenir ».
Après le départ du ministre, des policiers israéliens en uniforme ont arrêté deux gendarmes français en civil, rapporteAFP. Selon les deux gendarmes qui ont ensuite été relâchés, la police israélienne savait qu’ils étaient rattachés au consulat et sous statut diplomatique, alors qu’Israël affirme le contraire. La Source diplomatique française a dénoncé « les fausses allégations diffusées par les autorités israéliennes »notamment sur le fait que les gendarmes ne se sont pas identifiés. “Il n’y avait aucune ambiguïté”ajoute la Source diplomatique, évoquant de longues discussions avant l’arrestation.
“Un agent diplomatique bénéficie d’une protection pour exercer ses fonctions dans le pays où il est accrédité”recalls the Vie publique website. « L’agent ne peut, sauf circonstances exceptionnelles, être arrêté ou détenu, a la liberté de circuler et ne paie ni impôts ni droits de douane dans l’Etat qui l’accueille »nous pouvons lire.
Qui assure la sécurité de ces domaines ?
De son côté, le ministère israélien des Affaires étrangères a défendu que la présence de personnels de sécurité israéliens jeudi à l’Eléona était « objectif de garantir la sécurité » du ministre français.
Selon la Source diplomatique française que nous avons interrogée, « Aucun agent de sécurité israélien armé ne peut pénétrer sur le site sans le consentement du consulat. En tant que propriété de l’État français, il appartient à l’État français d’en assurer l’intégrité et la sécurité. Il en est seul responsable. »souligne-t-elle.
L’Eléona, à côté de laquelle se trouve un carmel également sous protection diplomatique française, est avant tout « un lieu saint »points proches duAFP Père Laurent, recteur de la basilique Sainte-Anne. « Ici en Israël, les lieux saints sont des lieux particulièrement protégés. Nous n’entrons pas avec des armes.il a ajouté.
Chirac en 1996, Macron en 2020… des précédents
D’autres incidents se sont produits à Jérusalem dans des domaines français. Le 22 janvier 2020, Emmanuel Macron s’est agacé lors de sa visite à la basilique Sainte-Anne, devant laquelle une bousculade a éclaté. Lui demandant de quitter l’église, le président français a déclaré en anglais à un policier israélien : « Je n’aime pas ce que tu as fait devant moi » (“Je n’aime pas ce que tu as fait devant moi”).
Mais l’incident le plus connu reste celui de 1996, lorsque le président Jacques Chirac s’est également mis en colère contre les soldats israéliens qui l’entouraient de trop près en lui jetant des balles. : « Veux-tu que je retourne à mon avion ? » ( “Voulez-vous que je remonte dans mon avion?” »), avant d’exiger que les militaires quittent le domaine Sainte-Anne.
Selon la Source diplomatique, l’incident impliquant des policiers israéliens jeudi demeure “sans précédent”évoquant un « arrestation violente » où se trouvait l’un des deux gendarmes « violemment projeté au sol avec une clé de bras ».
L’ambassadeur d’Israël à Paris sera convoqué “dans les prochains jours” pour discuter de cet incident, a annoncé le ministère français des Affaires étrangères.