Cinq questions pour comprendre la victoire mitigée de Narendra Modi en Inde

Cinq questions pour comprendre la victoire mitigée de Narendra Modi en Inde
Cinq questions pour comprendre la victoire mitigée de Narendra Modi en Inde

Comment expliquer le déclin du Bharatiya Janata Party (BJP) suite aux élections législatives en Inde, alors que tous les sondages donnaient une nette victoire au parti du Premier ministre Narendra Modi ? Nous avons discuté avec Gilles Verniers, professeur adjoint invité de sciences politiques à l’Amherst College et chercheur principal au Centre for Policy Research de New Delhi.

1. La majorité échappera à M. Modi pour la première fois depuis 10 ans. Cela vous surprend-il ?

Absolument, d’autant que tous les sondages à la sortie des urnes prédisaient une victoire assez écrasante. Et là, les électeurs indiens ont démontré, une fois de plus, qu’ils conservaient la capacité de surprendre et de déjouer les prévisions des experts, dont peu s’attendaient à un résultat aussi mitigé pour le scrutin. BJP.

LE BJP obtiendrait 240 sièges, bien en dessous des 303 remportés en 2019 et des 272 nécessaires pour obtenir une majorité parlementaire. Avec les alliés de sa coalition, il arriverait cependant à 290 sièges.

Il est vrai que Narendra Modi obtiendra un troisième mandat consécutif, ce qui est historique. Cela ne s’était pas produit depuis Jawaharlal Nehru, dans les premières décennies après l’indépendance. Mais il devra le faire à la tête d’une coalition avec un réel partage du pouvoir, ce qui est totalement nouveau pour lui, puisqu’en 30 ans de carrière, il a toujours exercé le pouvoir seul.

Le fait que le BJP perde sa majorité simple constitue un revers très important.

Une citation de Gilles Verniers, chercheur au Centre for Policy Research de New Delhi
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2. Comment expliquer ce revirement, alors que le BJP pensait atteindre 370 sièges ?

Plusieurs facteurs entrent en jeu, mais le premier qu’il faut mentionner est une certaine lassitude face au pouvoir. LE BJP et le gouvernement a fait de la personne du Premier ministre le seul argument de sa campagne.

Mais force est de constater qu’après 10 ans, une certaine lassitude s’est installée. D’autant plus que le BJP et Narendra Modi ont complètement ignoré des questions fondamentales dont la campagne a révélé l’importance aux électeurs, notamment le manque de perspectives économiques pour l’ensemble de la population, une croissance certes forte, mais qui ne génère pas d’emplois, un taux de chômage plus élevé parmi les jeunes qualifiés. que parmi les jeunes non qualifiés.

Mettre de côté toutes ces questions au profit d’une campagne centrée uniquement sur la personne et les qualités individuelles du Premier ministre est un exercice qui a fini par montrer ses limites.

Une citation de Gilles Verniers, chercheur au Centre for Policy Research de New Delhi

“Le pays a dit à Narendra Modi : ‘Nous ne voulons pas de vous'”, a déclaré le chef du Congrès Rahul Gandhi, réélu avec plus de 364 000 voix d’avance dans sa circonscription.

Photo : Getty Images / –

Par ailleurs, il y avait aussi une opposition qui, après un mauvais départ, a néanmoins réussi à s’organiser au cours de la campagne, a martelé ces grands enjeux absents de la campagne de Narendra Modi et a clairement réussi à interpeller BJP dans de nombreux États.

Le parti du Congrès est en passe d’obtenir 99 sièges, soit presque le double des dernières élections, en 2019, où il en avait obtenu 52.

Mais cette défaite est avant tout causée par le mécontentement des électeurs plutôt que par un effet de la campagne de l’opposition elle-même, qui bénéficie, d’une certaine manière, de l’accumulation du mécontentement depuis plusieurs années.

L’économie indienne, et donc sa population, a subi de nombreux chocs ces dernières années, depuis la démonétisation en 2016, le ralentissement de la croissance et la crise de l’économie agraire en 2017-2018, l’impact non chiffré du COVID et une reprise économique qui n’a bénéficié qu’à les couches les plus riches de la population. C’est beaucoup pour une population qui reste largement pauvre et sans aucune perspective de mobilité sociale.

3. M. Modi a été réélu député de la circonscription de Varanasi, mais son avance s’est réduite par rapport à 2019. Est-ce une preuve de cette lassitude ?

Non seulement une lassitude, mais aussi un désaveu d’une politique anti-musulmane, agressive et nationaliste, qui s’est réellement manifestée au cours de cette campagne.

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Les pèlerins affluent en grand nombre pour visiter le temple Ram, lors du festival Ram Navami à Ayodhya, Uttar Pradesh, Inde, le 17 avril 2024.

Photo : Getty Images/Anindito Mukherjee

Autant le Premier ministre, dans le passé, s’est montré plutôt prudent dans son expression publique, autant dans cette campagne, il a vraiment baissé le masque et multiplié les invectives contre les minorités, contre les musulmans en particulier, au point que celles-ci ont fini par se retourner contre lui. . Non seulement sa marge de victoire dans sa circonscription, qui est une ville religieuse importante, est nettement inférieure, mais le BJP perd son siège dans la circonscription d’Ayodhya, où se trouve le temple qu’il a inauguré il y a quelques mois. Le fait que le BJP perdre dans cette circonscription est lourd de symbolisme.

4. Qu’attendre d’un gouvernement de coalition ?

L’Alliance nationale démocratique (NDA) compte une douzaine de partis. Mais il y en a vraiment quatre qui comptent : le BJPévidemment, le Telugu Dessam Party (16 sièges), parti régional de l’État d’Andhra Pradesh, où le BJP n’a pratiquement aucune présence, le Janata Dal (United) (12 sièges) et une faction dissidente d’un parti régional du Maharashtra, le Shiv Sena (10 sièges).

Dans le passé, le BJP faisait partie de gouvernements de coalition, ce qui a eu pour effet de modérer son nationalisme et son caractère agressif. Toute la question est de savoir si cette configuration est reproductible. Cela me paraît assez peu probable, étant donné que Narendra Modi n’a absolument pas le tempérament d’un leader politique prêt au compromis et à l’exercice partagé du pouvoir, ce qui était moins le cas de ses prédécesseurs.

5. M. Modi tiendra-t-il compte du message des électeurs et modérera-t-il ses commentaires nationalistes et anti-musulmans ?

C’est l’une des deux voies possibles. L’autre voie est pour lui de poursuivre la poussée autoritaire en cours depuis maintenant 10 ans, afin de compenser la perte de terrain politique qu’il vient de subir et de tenir ses partenaires sous contrôle. Compte tenu du tempérament de M. Modi, cette voie semble être la voie privilégiée.

Les remarques ont été éditées et abrégées pour plus de clarté.

Avec les informations de l’Agence France-Presse

 
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