Le romancier Gaël Faye, qui faisait partie des favoris du Goncourt, a reçu lundi 4 novembre le prix Renaudot pour son deuxième roman. Jacaranda sur le reconstruction du Rwanda après le génocide de 1994.
Alors que dans son premier roman Petit paysPrix Goncourt des lycéens en 2016 et énorme succès en librairie, l’auteur a pris le point de vue d’un garçon qui a grandi au Burundi, cette fois le narrateur a grandi en France, à Versailles, d’un père français et d’une mère rwandaise. Ce jeune homme, Milan, va découvrir Kigali, l’omniprésence de la mémoire du génocide, et des membres de sa famille.
C’est « beaucoup de joie, une grosse surprise », a réagi Gaël Faye au restaurant Drouant, où sont traditionnellement décernés les prix Renaudot et Goncourt, décernés lundi au romancier franco-algérien Kamel Daoud pour son roman Houris (éd. Gallimard), sur “la décennie noire” en Algérie.
Gaël Faye est un artiste aux talents multiples, dont le travail ne cesse de revenir sur les blessures du Rwanda. Tout sourit à ce jeune homme par le physique, qui ne ressemble pas à ses 42 ans, et dont la grande taille et la gestuelle ample et précise rappellent celle d’un basketteur. Un sport qu’il a beaucoup pratiqué dans sa jeunesse. A la balle orange, puis à une carrière dans la finance qu’il a interrompue, il a préféré le micro, la table de mixage et la plume. Son premier album solo, Pili-Pili sur croissant au beurrel’a révélé en 2013. Il sera suivi d’une Victoire de la musique (révélation scénique) en 2018 et d’un autre disque, Lundi méchanten 2020.
En 2016, son premier roman, Petit pays, avait atteint la finale du Prix Goncourt. Il avait pris sa revanche avec le Goncourt des lycéens. En 2024, le deuxième, Jacarandaétait l’un des favoris des jurys des prix littéraires. Les lecteurs s’y sont joints, non seulement fans de sa musique mais aussi amateurs de littérature contemporaine. « Le succès vient de la grâce de l’homme. Il y a une telle sincérité, un tel magnétisme…», selon Olivier Nora, le patron de sa maison d’édition, Grasset.
Dans l’œuvre littéraire, la plume est aussi alerte que les thèmes sont sérieux. Impossible de rompre avec le génocide qui a dévasté le Rwanda, le pays de sa mère Tutsi, en 1994. « La première fois que j’ai commencé à chanter, c’était lors des commémorations du génocide. J’avais 15, 16 ans. On nous a dit : écrivez des paroles entre deux témoignages », a-t-il déclaré à l’AFP en septembre. « Quand quelqu’un vient de raconter son calvaire, la seule chose que nous pouvons faire est de lui apporter des paroles de réconfort. Cela a toujours été ma façon de faire les choses. »il a ajouté.
Sur le génocide, Gaël Faye, de nationalité française et rwandaise, ne manque jamais une occasion de conseiller la lecture, d’une part, des témoignages de survivants et, d’autre part, les livres d’histoire les plus récents. Sa littérature et les paroles de ses chansons adoptent une autre approche pour dépeindre ce Rwanda où il vit aujourd’hui. Ils adoptent indirectement le point de vue des traumatisés.
La critique littéraire française exigeante a été mitigée sur la qualité de ces romans, leur style, leur construction. Il ne s’agit pas de l’adéquation entre l’auteur, son sujet et son public. « Un produit littéraire bien réalisé », Ou « le jeune adulte reconstituant son enfance la rend bien plus cohérente qu’elle ne l’était sûrement »dit de Petit pays En attendant Nadeau, un magazine littéraire en ligne de premier plan. « Son texte est efficace, généreux, enveloppant. Cela montre les lacunes, mais cela les comble”jugé Le monde à propos Jacaranda. Le quotidien estime que « le langage est fluide, mais ne réserve aucune surprise ».
Sans doute la plume littéraire de Gaël Faye, artiste qui multiplie les canaux d’expression, a encore des pistes à explorer. « Quand je suis arrivé à Grasset, je leur ai dit : considérez-moi comme un auteur. Pas comme le rappeur qui écrit des romans.