NASA, James-Webb, Hubble… Les photos spatiales sont-elles truquées ? On vous explique

Par

Martin Leduc

Publié le

2 novembre 2024 à 21h03

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Non, la Terre n’est pas plate et non, les images des premiers pas de l’être humain sur la Lune n’ont pas été filmées dans un centre de la NASA. En revanche, les photographies de planètes, nébuleuses et autres objets spatiaux que l’on voit régulièrement sont (un peu) truquées. C’est vrai.

Plus c’est pour une bonne causeet en plus, ce n’est pas vraiment un truc. «Disons plutôt que c’est amélioré», résume Thomas, administrateur du compte Twitter @SpaceScience_, avec-.

Pour faire simple, les télescopes sont capables de détecter des choses que nous, les êtres humains, sommes incapables de voir. Deux (et demi) « astuces » sont à noter : les combinaisons et les filtres de longueur d’onde. La « moitié » est la pose longue, qui n’est pas non plus une triche au sens littéral du terme. Nous allons vous l’expliquer.

Pose longue, obligatoire pour les objets éloignés

Déjà, lorsqu’il s’agit de photographie astronomique, la pose longue constitue la base des bases. Plus un objet est éloigné, moins sa lumière nous parvient. « Si on regarde, par exemple, une nébuleuse avec un télescope classique, on la voit grise. L’objet est trop loin et sa lumière est trop diffuse », constate le passionné d’astronomie.

C’est ici qu’interviennent les appareils numériques qui parviennent à stocker la lumière. En gros, ils vont “geler” l’objet cibléque nous appelons le signal, pour stocker la lumière qu’il émet. On parle de pose longue : une photo qui n’est pas instantanée, et qui demande un peu de temps entre le moment où l’on appuie sur le bouton et le moment où la photo est prise. L’objectif : qu’un maximum de lumière soit captée par l’appareil.

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Un peu comme lorsqu’on tente de prendre une photo dans le noir avec un smartphone : la capture est longue : l’appareil photo est en mode pose longue, mais en mode simplifié. C’est ce mode de fonctionnement qui permet d’observer des objets distants.

D’ailleurs, avant de vous demander : oui, la Terre tourne sur son axe, donc prendre une photo en pose longue peut s’avérer complexe. C’est pourquoi les télescopes sont équipés de montures qui leur permettent de compenser la rotation de la Terre.

Filtres et longueurs d’onde

Eh bien, pour l’instant, la photo que nous avons n’est pas « truquée ». C’est juste pris avec une procédure spéciale. Cela reste une vraie photo, mais en revanche, elle ne sera pas forcément réussie.

Pour donner l’apparence d’une photo astronomique, les télescopes voient des couleurs que l’œil humain est incapable de percevoir. C’est une question de spectre colorimétrique et donc de longueurs d’onde.

Plus l’objet est éloigné, plus vous devrez regarder dans l’infrarouge pour le voir. Notez que tous les télescopes ne sont pas « réglés » sur les mêmes longueurs d’onde.

Les photographies prises par Hubble pourraient se rapprocher de ce qu’un œil humain pourrait voir, (à la bonne distance, évidemment) mais avec plus de détails, car cela entre un peu dans le spectre infrarouge. (©NASA et J. Olmstead)

D’ailleurs, ce n’est pas le télescope qui capture l’image. Il s’agit d’une caméra associée à l’appareil. Le télescope, en gros, sert uniquement à voir.

Et ce n’est pas tout : ils peuvent (et sont, en règle générale), équipés de filtres, voire de roues à filtres afin de pouvoir les changer selon les besoins. Un filtre est un verre spécifique qui est ajouté, et qui ne laisse passer que certaines longueurs d’onde. Ils sont faits exprès pour une tâche. Certains laissent passer la longueur d’onde émise par l’oxygène, d’autres laissent passer l’hydrogène, etc., etc.

C’est grâce aux filtres on arrive à avoir un maximum de détails sur certaines photos.

Par exemple, s’il y a une sorte de nuage de gaz sur le terrain, nous appliquerons un tel filtre afin que la longueur d’onde de ce nuage ne soit plus visible. Et comme ça, on arrive à voir derrière ce nuage. Nous ne colorisons pas les photos, bien au contraire : nous laissons voir certaines couleurs, pas d’autres.

Thomas
Administrateur de compte @SpaceScience_
Les piliers de la création. A gauche, par James Webb, à droite, par Hubble. (©NASA/ESA/ASC)

Si l’on compare les photographies prises par les célèbres télescopes Hubble et James-Webb, on constate qu’elles ne sont pas pas du tout pareil. Et pourtant, c’est le même objet qui est visé.

Comme les longueurs d’onde capturées par James-Webb (en haut à gauche) et Hubble (en bas à droite) ne sont pas les mêmes, ils peuvent viser le même objet, ici la galaxie spirale NGC 628, et avoir un résultat totalement différent. (©NASA, ESA, CSA, STScI, Janice Lee (STScI), Thomas Williams (Oxford) et l’équipe PHANGS)

C’est tout simplement parce que les longueurs d’onde captées, grâce notamment aux filtres, ne sont pas les mêmes. Idem sur ces photos, prises, en fait, par Thomas :

« C’est la même photo. Mais après, je l’ai retouché à l’aide d’une palette à l’aide d’un logiciel. Il donne, pour l’un, une dominante d’oxygène (bleu/cyan) là où sur le premier, la dominante était d’hydrogène (rouge). »

Oui, certains télescopes « trichent » vraiment, mais c’est pour la bonne cause

Certains télescopes réfléchissent certaines longueurs d’onde dans une couleur différente de celle qu’elles devraient apparaître. On peut donc parler de « tricherie ». Mais encore une fois, c’est plutôt pour la bonne cause. « On voit des choses réelles mais modifiées. Pas dans le fond mais dans la forme, pour augmenter le contraste, ou étudier un détail », admet Thomas.

Combiner plusieurs photos

Donc si on résume : nous avons un télescope équipé d’un appareil photo qui prend une photo longue pose, et avec le bon filtre. Eh bien, même avec ça, la photo ne sera toujours pas parfaite comme les magnifiques photos que l’on peut voir chaque jour sur Internet et dans les magazines astronomiques.

« Il n’y a jamais de photos isolées d’une planète ou d’une nébuleuse », souligne Thomas.

Il s’agit notamment à cause du “bruit”un phénomène bien connu des photographes, provoqué par un certain nombre de facteurs. Il donne un aspect granuleux par endroits des photographies, mais jamais les mêmes. Aussi, combiner les photos permettra d’atténuer ce fameux bruit, d’éliminer ce grain, et de faire ressortir le signal.

On utilise également la combinaison d’images lorsque le zoom d’un télescope est trop important. « Cela peut paraître paradoxal, mais parfois, lorsque les objets que l’on vise sont immenses, le zoom est tout simplement trop fort. Il faut donc capter beaucoup de lumière. Si l’objet est trop grand et que le zoom n’est pas adapté, nous prendrons plusieurs photos et réaliserons une sorte de mosaïque», explique Thomas, plus de 130 000 abonnés sur X (anciennement Twitter).

« Tricher », pour finalement mieux comprendre l’espace

Alors oui, les astronomes « trichent » un peu. C’est vrai. Mais ce n’est pas une question pas là pour inventer une réalité alternative. Bien au contraire.

Ce sont autant de méthodes qui permettent d’observer des objets stellaires aussi majestueux. Des époustouflants piliers de la création à notre Soleil, tous, ces photos ont permis, et permettent encore, de comprendre un peu mieux le fonctionnement de notre univers.

« Nos sens sont nos fenêtres sur le monde, mais ils ne sont que de minuscules hublots donnant sur une mer immense qui nous est inconnue. Cette réalité à laquelle nos sens ont accès n’est pas la totalité de ce qui existe », explique le physicien Christophe Galfard. Autant s’aider du mieux qu’on peut dans ce cas. Non ?

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