L’objectif d’inflation de 2% est-il un frein à la transition écologique ? – .

L’objectif d’inflation de 2% est-il un frein à la transition écologique ? – .
L’objectif d’inflation de 2% est-il un frein à la transition écologique ? – .

A quelques jours des élections européennes, le rôle de la Banque centrale européenne revient sur le devant de la scène… notamment celui qu’elle doit jouer dans la transition écologique de l’Europe.

Cependant, pour certains responsables politiques européens, le gardien de l’euro n’en fait pas, pour l’instant, assez. C’est du moins l’avis d’Emmanuel Macron. Rappelant, lors d’une conférence à la Sorbonne, fin mars, que les investissements pour la décarbonation de l’Europe nécessiteront entre « 650 à 1 000 milliards d’euros de plus par an, qui ne peuvent être reportés à demain », le président français a pointé l’incompatibilité entre les objectifs monétaires de la BCE et ce financement.

On ne peut pas avoir une politique monétaire dont l’objectif est uniquement un objectif d’inflation, de surcroît dans un environnement économique où la décarbonation est un facteur de hausse structurelle des prix. “, a-t-il précisé.

Après plus de vingt ans d’existence, l’institution de Francfort a, en effet, conservé sa seule et unique mission » maintenir la stabilité des prix (avec) un taux d’inflation de 2% à moyen terme », dans ses statuts.

Une transition écologique inflationniste

Or, ” la transition écologique sera probablement inflationniste », assure Patrick Artus, conseiller économique de Natixis, interrogé par La galerie. Entre la taxe carbone qui augmentera les prix des biens carbonés pour les consommateurs, le financement de capacités massives de production d’énergies renouvelables et les investissements dans des équipements, machines et autres bâtiments moins émetteurs de CO2, le monde de demain devrait être plus cher que celui d’aujourd’hui. aujourd’hui, estiment de nombreux économistes.

Une dynamique qui pousserait alors » la BCE à augmenter ses taux directeurs à chaque fois que l’inflation dépasse 2% pendant un certain temps, ce qui augmentera le coût du crédit et donc, par ricochet, les investissements publics et privés dans la transition écologique », explique Jézabel Couppey-Soubeyran, économiste spécialiste de politique monétaire et maître de conférences à l’université Paris 1.

Dans cette logique où la politique monétaire ralentirait le financement de la décarbonation de l’économie, » l’Union européenne ne pourra pas respecter son engagement de neutralité carbone d’ici 2050, à moins de soutenir les financements publics par des hausses d’impôts et les investissements privés par une réduction de la rémunération des actionnaires pour orienter l’argent vers la décarbonation de leurs activités. », prédit Patrick Artus.

Inclure le financement de transition dans le mandat de la BCE

Le point de vue d’Emmanuel Macron est donc partagé par plusieurs économistes qui estiment qu’augmenter l’objectif d’inflation à 3 ou 4% permettrait d’éviter cette réaction contre-productive. D’autant que cette réforme de la BCE pourrait être mise en œuvre à la seule initiative du Conseil des gouverneurs qui pourrait décider d’augmenter son objectif d’inflation ou d’élargir sa mission au financement de la décarbonation de l’Europe, à l’image de la Réserve fédérale américaine qui jongle entre le maintien de l’inflation et la croissance.

Ce qui empêche le verdissement de la politique monétaire, ce ne sont donc pas des obstacles institutionnels, mais des obstacles doctrinaires. », raconte Jézabel Couppey-Soubeyran.

Et pour une bonne raison, ” Les gouverneurs des pays d’Europe du Nord refuseront de modifier le mandat de la BCE parce qu’ils ont une vision rustique de la politique monétaire », souligne l’économiste de Natixis.

Crainte de perte de contrôle sur l’inflation

Ces derniers sont en effet très vigilants quant au risque de voir l’inflation s’éloigner, ce qui pèserait sur les portefeuilles des ménages. ” Car si l’inflation européenne est durablement plus élevée et que les salaires ne suivent pas, les faibles revenus en souffriront et il n’y aura pas de soutien populaire pour cette transition. », prévient Jézabel Couppey-Soubeyran. A l’heure où l’extrême droite européenne en a assez des mesures restrictives pour la transition écologique, le sujet de l’acceptation sociale est donc au centre des préoccupations des partis politiques.

Une solution pourrait venir d’une indexation des salaires sur l’inflation. ” Mais de nombreux économistes considèrent cette idée comme dangereuse, car elle pourrait alimenter l’inflation grâce à un mécanisme de boucle prix-salaires. », prévient Patrick Artus.

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Le risque d’une perte de crédibilité et d’indépendance de la BCE

Un autre problème, ” la BCE est confrontée à un risque réel de perte de crédibilité », alerte Eric Heyer, directeur du service analyse et prévision à l’OFCE. La crédibilité de l’institution de Francfort – qui définit en partie la valeur de l’euro – vient de sa rigueur sur son objectif d’inflation et de sa cohérence avec les autres banques centrales. Pour éviter de provoquer une baisse du prix de l’euro, la BCE devrait donc clairement justifier son changement d’objectif.

L’idéal serait que sa cible d’inflation soit modifiée en maintenant l’objectif de 2%, mais en précisant qu’elle « exclut l’impact de la transition écologique »estime l’économiste de l’OFCE. « Mais nous n’avons pas les outils nécessaires pour déterminer quelle part de l’inflation est due au financement de la décarbonisation. », regrette-t-il, affirmant qu’une modification du mandat de la BCE est « difficile à envisager et non souhaitable « .

Autres pistes pour un coup de pouce monétaire à la transition écologique

Au-delà du sujet épineux de la modification du mandat de la BCE, il existe de nombreuses pistes pour amener la politique monétaire à soutenir davantage la transition écologique.

Dans Le pouvoir de l’argent, les économistes Jézabel Couppey-Soubeyran et Augustin Sersiron proposent que la BCE puisse créer de la monnaie sans dette ni achat d’actifs en échange, pour financer des investissements dans la transition écologique. Une mesure qui pourrait être efficace », mais [qui] créerait une inflation monétaire extrême », prévient Patrick Artus.

Autre proposition de ces mêmes économistes : mettre en place des prêts à taux préférentiels pour les investissements verts. ” Pour financer la partie non rentable des investissements de transition, la BCE pourrait prêter aux banques à des taux plus bas à condition qu’elles augmentent la part des crédits verts dans leurs bilans. », explique Jézabel Couppey-Soubeyran. ” Mais comment juger si un investissement est vert ? » s’interroge Eric Heyer qui s’inquiète du risque de perte d’indépendance d’une BCE qui trierait elle-même les projets bas carbone même si ce n’est pas son rôle », ajoute l’économiste de l’OFCE. Ces derniers préféreraient donc que l’Union européenne mette en place un grand plan européen au niveau budgétaire soutenu par la politique monétaire. ” Sur 60 milliards d’euros d’investissements publics par an, dont 30 milliards proviendraient de la dette, la BCE pourrait racheter les 30 milliards par an de dettes des Etats. », suggère Eric Heyer.

 
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