En Espagne, des inondations favorisées par l’artificialisation des sols

En Espagne, des inondations favorisées par l’artificialisation des sols
En Espagne, des inondations favorisées par l’artificialisation des sols

Le bilan des inondations apocalyptiques de cette semaine dans le sud-est de l’Espagne a atteint 205 morts vendredi 1er novembre à midi, alors que les recherches se poursuivaient. « des dizaines et des dizaines de disparus ». Du jamais vu en Espagne depuis les inondations meurtrières d’octobre 1973. Selon l’agence météorologique espagnole (Aemet), certaines localités ont connu “l’équivalent d’une année de précipitations” dans quelques heures. La ville de Chiva, à l’ouest de Valence, a enregistré 491 mm de pluie par mètre carré, soit 491 litres…

Ce déluge a été provoqué par un phénomène courant à cette période de l’année, appelé la « goutte froide ». Cette dépression isolée en altitude a été amplifiée par le réchauffement climatique, selon Jorge Olcina, professeur de climatologie à l’université d’Alicante. Les gouttes froides peuvent avoir des effets “très similaire” à ceux d’un ” hurricane “insiste ce chercheur.

« Avec le réchauffement climatique, l’anormal devient normal », s’alarme Clément Gaillard, docteur en urbanisme. Mais le changement climatique ne peut à lui seul expliquer l’ampleur des dégâts subis par la région. L’urbanisation galopante des côtes espagnoles, en partie portée par le tourisme de masse, a probablement contribué aux inondations spectaculaires de ces derniers jours.

Une artificialisation excessive

Entre 1987 et 2005, les 500 premiers mètres du littoral espagnol ont été artificialisés, à raison de deux hectares par jour, l’équivalent de deux terrains de football. C’est le bilan dressé par un rapport de l’ONG Greenpeace, publié en 2018. Une artificialisation à outrance qui n’a pas été contrecarrée par les pouvoirs publics. L’Espagne ne dispose pas de plan d’adaptation au changement climatique.

Un peu plus de 23 % de la superficie littérale de Valence est bétonnée. Selon Greenpeace, c’est le deuxième plus artificiel d’Espagne, en deuxième position juste derrière la Catalogne qui dépassait les 26 %. Une situation qui rend une zone touristique plus vulnérable par nature soumise aux aléas selon Clément Gaillard : « Une zone touristique est par définition une zone vulnérable : en montagne, les avalanches ; par la mer, les inondations et le retrait des côtes. »

La disparition des vergers

L’« une urbanisation incontrôlée et mal adaptée aux caractéristiques naturelles du territoire » Ces dernières années démontrent un manque de vision politique en matière d’artificialisation des terres, souligne Pablo Aznar, chercheur à l’Observatoire socio-économique des inondations et de la sécheresse (Obsis). La densité urbaine est fondamentale pour expliquer l’impact de ces inondations. L’aire métropolitaine de Valence (sud-est), où ont eu lieu la grande majorité des décès, compte 1,87 million d’habitants. C’est la troisième plus grande ville d’Espagne.

“Le problème de Valence est qu’elle est une ville de débouché pour un bassin versant, où les eaux convergeront. C’est pourquoi un canal a été créé en 1950, pour limiter les débits d’eau, en les faisant passer du nord vers le sud, moins urbanisé de la ville, explains Clément Gaillard. À cela s’ajoute la disparition des vergers, qui constituaient une zone tampon, ce qui a accru la vulnérabilité du territoire au fil des années.

Entre 1956 et 2011, 9 000 hectares de ces vergers ont été supprimés, soit presque la taille de Paris intra muros (10 540 ha). « À l’ouest de Valence, vous avez une immense zone commerciale, l’eau ne s’infiltre pas, comme s’il s’agissait d’une immense bâche en plastique. Idéalement, l’eau devrait s’infiltrer et cela passe par la construction de bassins de rétention. »continue-t-il.

Selon un rapide calcul de l’urbaniste, l’artificialisation de cette surface – et donc de sa capacité à absorber les eaux de pluie – aurait contribué au ruissellement d’environ 13 500 000 mètres cubes d’eau supplémentaires. “Cela représente l’équivalent de 5 400 piscines olympiques, qui se sont également déversées dans les rues et les maisons et ont aggravé cette inondation et ses conséquences”, souligne-t-il.

Réinventer l’urbanisme

Face à ces défis, une législation doit être développée » qui prévoit l’urbanisation du littoral. Ce fut le cas à La Grande Motte, construite à la fin des années 1960 pour offrir aux Français une alternative aux vacances en Espagne. 30 % des zones urbanisées et 70 % des espaces naturels ont été aménagés. explains Clément Gaillard.

Pourtant, dès 1956, une catégorisation des sols avait été introduite en Espagne, mais ce n’est qu’en 2007 que l’État les a divisés en deux statuts : zone rurale et zone urbaine. En 2013, une loi s’est concentrée sur la protection des zones menacées par l’érosion. Mais la législation espagnole n’a pas d’équivalent juridique à la notion d’« artificialisation des terres », souligne un rapport du Sénat français.

En réalité, pour lutter contre ces phénomènes, il faut « Développer une culture du risque, comme au Japon avec les tremblements de terre. Former les enfants à réagir et améliorer les systèmes d’alerte » estime l’urbaniste, qui souligne que dans les pays méditerranéens, les périodes de sécheresse liées aux canicules extrêmes s’accompagnent de périodes de pluies intenses. « Il est curieux que le gouvernement ne pense pas ensemble au stress hydrique et aux inondations.il conclut. Ce sont cependant les deux faces d’une même médaille..

 
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