Vingt ans après la mort de l’ours Cannelle, l’événement retrouve un autre écho en vallée d’Aspe et dans le département des Pyrénées-Atlantiques, ce 1er novembre 2024. Le dernier ours de souche pyrénéenne a été tué au-dessus d’Urdos alors que des chasseurs et leurs chiens menaient une chasse au sanglier. Cannelle a été abattue par René Marquèze mais a été vue pour la première fois par Francis Claverie. Cet habitant d’Urdos promet qu’il n’oubliera jamais.
Des chasseurs « pointés du doigt » depuis longtemps
“C’était difficile parce que nous étions mis à l’écart», souffle Francis Claverie, pull en laine sur le dos. Le Béarnais est assis à table, les mains sur les genoux. “J’ai reçu un courrier – je ne sais de qui, il n’y a jamais eu de nom – me souhaitant la mort de mes enfants. C’est de la folie. Chaque année, pendant dix ans, je recevais du courrier à l’occasion de l’anniversaire de la mort de Cannelle. La mairie et l’Hôtel des Voyageurs ont également reçu du courrier et des menaces de mort à cause de l’ours. Et personne n’en parle. Même parmi nous les chasseurs, on n’en parle pas.»
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Ce silence écrasant inhérent à l’affaire s’alourdit à mesure que l’on progresse dans la vallée d’Aspe. De nombreuses portes restent fermées à l’évocation de la mort de Cannelle. Francis Claverie ouvrit le sien, la salle à manger était éclairée, ses yeux aussi. Le Béarnais a voulu partager son histoire avec tous ceux qui voulaient encore l’entendre. La chasse, les cris des fox-terriers et des ours, l’odeur de la peur, du sang et du doute.
“L’ours est venu vers lui, il est tombé dans la falaise”
“Le 1er novembre, je m’en souviens très bien. Je traquais les renards, je descendais un chemin en pente et les autres étaient postés sur la crête. J’ai entendu le chien aboyer et j’ai pensé que c’était un sanglier. Alors je suis descendu et tout d’un coup j’ai vu un ours sortir. L’ours a attrapé le chien. J’avais un fusil à trois coups, je tirais en l’air. Elle est venue vers moi, j’ai enlevé ma veste et je la lui ai jetée. J’ai tiré en l’air avec mon arme et je suis allé avertir les autres. C’est effrayant.»
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“je revenais en courantpoursuit Francis Claverie, presque essoufflé. L’ami, René Marquèze, était posté en haut d’une falaise, au pied d’un couloir. Il m’a entendu crier, il a entendu le chien. L’ours s’approcha de lui, il tomba dans la falaise et s’arrêta sur un buis. Quand elle est passée, il lui a tiré dessus, il l’a tuée.» La balle a touché Cannelle dans les côtes, dans l’artère fémorale. L’animal est mort un peu plus bas.
La dépouille de Cannelle retrouvée, l’ours transporté à Toulouse
Les chasseurs étaient sous le choc, abasourdis, se souvient Francis Claverie. “Que fallait-il faire ? Tout le monde se posait la question. J’ai dit qu’il fallait appeler le maire, les gardes de l’ONCFS sont arrivés. J’ai cherché du sang, j’ai trouvé le sang et puis j’ai trouvé les restes plus bas. Elle était déjà mangée par les vautours. C’était terrible. Mais bon, c’est fait, c’est fait.»
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A l’époque, la nouvelle suscite des réactions dans toutes les Pyrénées mais aussi à Paris. Au conseil des ministres, Jacques Chirac a déploré la mort de la dernière ourse de souche pyrénéenne et avait estimé que c’était «une grande perte pour la biodiversité« . La carcasse de l’ours a été transportée par avion à Toulouse, à l’école vétérinaire. L’ours a été autopsié et une enquête a été menée. Le procès a eu lieu en 2008. Le chasseur René Marquèze est acquitté des accusations criminelles mais condamné aux accusations civiles à verser 10 000 euros pour indemniser les associations de protection de la nature.
Malgré l’ours localisé à Urdos, la chasse au sanglier a été maintenue
La pluie et le vent ont depuis longtemps lavé la RN 134 de graffitis rouges accusant les chasseurs de «gros idiots“Cependant, Francis Claverie ressent le besoin de répéter qu’il n’a jamais vu d’ours à cet endroit.”Soi-disant Gérard Caussimont du fonds d’intervention éco-pastorale m’a trouvé en montagne, il m’a dit « Attention, il y a de la Cannelle dans un tel endroit ! », Mais il ne faut pas oublier que Cannelle se trouvait à côté d’une cabane de bergers à Cet-Eygun. Un gardien la filmait tous les jours. Il l’a dit à tout le monde. Entre 200 et 300 personnes sont montées et Cannelle est passée par ici, elle est allée au Parc National et elle est revenue. Elle était dérangée, eh bien ! Il y avait des gens qui le dérangeaient constamment. Personne ne dit ça, ils ne veulent pas le dire parce que c’est de leur faute.»
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L’avocat des associations environnementales, Me Jean-François Blanco, rappelle que les chasseurs avaient également été informés par la Fédération de Chasse de la présence de l’ours, ils avaient reçu pour consigne de ne pas aller à la chasse au sanglier.