ENTRETIEN. “Les petites langues sont maltraitées, il y en a qui disparaissent chaque année” déplore Claude Sicre, le concepteur du Forum des Langues

ENTRETIEN. “Les petites langues sont maltraitées, il y en a qui disparaissent chaque année” déplore Claude Sicre, le concepteur du Forum des Langues
ENTRETIEN. “Les petites langues sont maltraitées, il y en a qui disparaissent chaque année” déplore Claude Sicre, le concepteur du Forum des Langues

l’essentiel
Ce dimanche a lieu à Toulouse, place Saint-Sernin, le Forom des Langues où plus de 80 d’entre eux seront représentés. Le chanteur Claude Sicre, président du Carrefour Culturel Arnaud-Bernard, concepteur du Forom, explique l’importance de défendre toutes les langues.

Combien de représentants de différentes langues seront présents au forum cette année ?

Nous sommes montés à 180. Cette année nous en aurons 80. Nous n’avons jamais de thème particulier, c’est une célébration où l’on met toutes les langues du monde sur un pied d’égalité.

Est-il indispensable de mettre toutes les langues sur un pied d’égalité ?

C’est très important car partout ils sont traités différemment. Beaucoup de gens ne savent pas que les langues sont linguistiquement égales. Ils ne sont pas égaux devant le droit, ni dans la réalité culturelle, mais linguistiquement, anthropologiquement, toutes les langues sont égales. Il y a beaucoup d’intellectuels et de politiques qui font comme s’il existait des langues plus riches que d’autres, plus claires… Comme s’il existait des langues obscures. Ils le disent tous les jours à la télévision, à la radio, dans les journaux. Mais scientifiquement, cela n’a aucune réalité.

Les langues sont-elles plus maltraitées aujourd’hui que lorsque vous avez lancé le forum il y a trois décennies ?

Eh oui, les petites langues sont constamment maltraitées, certaines disparaissent chaque année. Certains imbéciles disent que c’est leur mort naturelle. Ce n’est pas naturel, personne ne souhaite que sa langue maternelle ou celle de sa maison disparaisse. Il s’agit d’une domination culturelle qui n’est pas nécessairement une domination politique ou économique. La disparition des langues est-elle une bonne chose ? Il y a des gens qui disent que c’est comme une espèce naturelle. Mais ce n’est pas pareil, parce que ce sont des hommes, c’est une histoire. Et avec le langage, les histoires disparaissent, une culture disparaît.

Et est-ce aussi une standardisation ?

C’est une standardisation complète car la langue est liée à une culture. Il y a une autre bêtise que disent tous les intellectuels : chaque langue est une vision du monde. Ce qui est une vision du monde est une culture. Ils confondent langue et cultures, ou œuvres culturelles. Si ce langage disparaît, on ne lit plus les œuvres. Dire qu’il existe des langues mortes est aussi un peu stupide. Par exemple, des œuvres latines sont retravaillées et retraduites. Il existe des découvertes scientifiques qui permettent d’éclairer le sens de tel ou tel mot. A chaque époque, on découvre des choses nouvelles dans les textes latins. Alors tant qu’elles œuvrent dans l’esprit des vivants, les langues ne sont pas mortes. Il vaudrait mieux parler de langues anciennes.

Et peut-on dire qu’il existe de nouvelles langues ?

Oui, il y a de nouvelles langues. Il y a eu celui de l’espéranto au XIXème siècle, qui compte encore aujourd’hui pas mal de locuteurs. Et maintenant, c’est un peu à la mode d’inventer des langues, on les présente chaque année. Mais il n’y en a aucun qui se démarque. Ce sont des langages créés par une personne, un groupe de personnes, qui prétendent résoudre des problèmes de communication. Certains disent que parce que les gens parlent des langues différentes, ils se font la guerre parce qu’ils ne se comprennent pas. Mais c’est totalement stupide parce que les gens se font la guerre même s’ils parlent la même langue ou qu’ils peuvent être amis tout en parlant la même langue. Les guerres sont des problèmes économiques et politiques.

Lesquels sont obligatoires ?

C’est l’anglais qui s’impose à l’international, mais il y a plus de résistances face à l’anglais car il y a de nouveaux blocs qui apparaissent avec par exemple le mandarin. Mais en Chine, il y a aussi d’autres langues qui résistent. Il existe deux tendances majoritaires : celle de la standardisation, et les contre-pouvoirs à cette standardisation.

Existe-t-il encore une défense de la langue occitane ?

Le nombre de locuteurs natifs de l’occitan est en déclin considérable, car celui-ci meurt chaque jour. Les Occitanies qui ont appris le français à l’école, ils ont tous plus de 75 ou 80 ans. Il y a de moins en moins de personnes qui parlaient cette langue à la maison. À partir des années 1960, on constate une forte baisse. Aujourd’hui, ils sont plus nombreux à l’apprendre à l’école, mais cela ne remplacera pas tous ceux qui meurent. Sur l’ensemble de la population, en 1935, il y avait 8 millions de personnes qui comprenaient l’occitan et 4 millions qui savaient le parler. Aujourd’hui, l’UNESCO affirme qu’elle est en danger de mort. Il y a aussi le mouvement qui porte l’occitan depuis les années 1960, un mouvement très politique qui considérait qu’il était culturellement colonisé et que cela était la conséquence d’une colonisation économique et politique. Cela a donné lieu à des mouvements, ils n’ont pas disparu, mais ils sont aussi en grand déclin. Ce qui prend le dessus maintenant est davantage un mouvement culturel. Mais c’est long à mettre en place.

Deux rencontres autour des peuples du monde

Les associations Escaambiar et le Carrefour Culturel Arnaud-Bernard invitent
Les Toulousains sont en déplacement ce week-end avec deux événements. « Peuple et Musique au Cinéma » se tiendra du 24 au 26 mai 2024 à la Cinémathèque de Toulouse (8 € Plein tarif – 4,50 € pour les moins de 18 ans – réservations sur www.lacinemathèquedetoulouse.com).

Et dimanche, la place Saint-Sernin accueille la nouvelle édition du Forom des Langues avec des échanges et des conversations en présence de l’ancien ministre délégué auprès du ministre de l’Intérieur et de l’Outre-mer, chargé de l’Outre-mer, Jean-François Carenco, la professeure de langue et littérature arméniennes, Liana Khachatryan, la conseillère régionale chargée des langues et cultures occitanes et catalanes Benjamin Assié ou encore Abraham Bengio, l’ancien président de la commission Culture de la LICRA. C’est gratuit, à partir de 10h

 
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