L’Ukraine tente de rendre son armée « sexy »

L’Ukraine tente de rendre son armée « sexy »
L’Ukraine tente de rendre son armée « sexy »

« J’aime bien le troisième coup », confie cette jeune femme, blottie contre un motocycliste, arme au poing.

AFP

Le panneau publicitaire est incontournable dans les rues de Kharkiv, une grande ville du nord-est de l’Ukraine. Une jeune femme élégante, aux cheveux savamment coiffés et un pistolet à la main, est blottie contre un motocycliste. Le slogan ? “J’aime le troisième assaut.”

L’esthétique soignée est celle d’une pub de parfum, le ton celui d’une appli de rencontres, mais le but est d’inciter les passants à rejoindre cette fameuse brigade, l’armée manquant cruellement de recrues.

Le soldat Volodymyr Degtyarov, portant des lunettes de soleil et une veste bleue, gère les communications de la brigade Khartia concurrente. Voir ces panneaux, admet-il, le rend « un peu jaloux ».

Dans l’armée, personne “n’avait fait quelque chose d’aussi courageux” en matière de marketing, salue cet homme de 44 ans, à la terrasse d’un bar. “Cela rend le service militaire sexy.”

« Une saine concurrence »

L’Ukraine a adopté une nouvelle loi de mobilisation en mai pour enrôler des dizaines de milliers de soldats, mais son armée reste en déficit par rapport aux troupes russes.

Toutefois, les brigades du pays peuvent recruter leurs propres soldats, contournant ainsi le processus traditionnellement critiqué.

Affiches publicitaires, réseaux sociaux qui peuvent accumuler des centaines de milliers de membres : les brigades se mettent en avant, rivalisant entre elles dans l’espoir d’attirer les meilleures recrues et dons.

Pour Volodymyr Degtyarov, qui dirigeait avant l’invasion une agence de relations avec la presse, tout cela donne lieu à une “concurrence excellente et saine”, avec la victoire comme objectif commun.

“Les femmes t’aimeront”

L’occasion de se démarquer en montrant la « personnalité » de son équipe, selon lui, ou, pour parler de marketing, son image de « marque ».

Par exemple, la récente campagne de la Troisième Brigade d’assaut, qui combat les Russes et recherche des soldats énergiques, « cible un public jeune et lui dit : ‘rejoignez-nous et les femmes vous aimeront’ », analyse-t-il.

La brigade de Volodymyr Degtiarov insiste par exemple sur des salaires attractifs pour toucher un public « un peu plus âgé » et expérimenté.

Ivan, militaire chargé des communications d’une autre unité, le bataillon Aïdar, explique qu’il tente de faire une démonstration d’équipements « modernes ». Il est peu probable que les vieilles armes soviétiques fassent rêver les candidats.

Le militaire de 28 ans, rencontré dans la région de Donetsk, assure toutefois être « honnête » et évite de trop jouer sur « les émotions » pour attirer les candidats.

Image faussement glamour

C’est exactement ce que beaucoup critiquent à l’égard de la campagne de la Troisième Brigade d’assaut et de son modèle de revolver, qui a suscité un débat en Ukraine. Pour ses détracteurs, cela donne une image faussement glamour de la guerre.

“Tous les moyens sont bons”, répond Yuri, un quinquagénaire rencontré par l’AFP dans les rues de Kiev.

Si un passant « voit une photo d’un militaire avec une jeune et jolie femme, il s’imaginera être à sa place », poursuit-il.

L’efficacité de ces campagnes est difficile à estimer. Selon Volodymyr Degtyarov, cela reste une étape nécessaire.

Problèmes budgétaires

« Il y a 150 brigades en Ukraine. Si vous allez parler aux gens, ils pourront peut-être en nommer 10, 15 », dit-il. Ceux qui ne communiquent pas assez ? “Nous ne les connaissons pas.”

La brigade Khartia de Volodymyr affirme être contactée par davantage de candidats potentiels lorsqu’elle renforce ses annonces, sans donner de chiffres précis.

Mais il faut composer avec des budgets qui laissent peu de place à l’imagination et Volodymyr Degtyarov bénéficie de réductions sur les emplacements publicitaires de la ville, ainsi que auprès des agences de publicité.

Ivan, du bataillon Aidar, se limite aux réseaux sociaux les moins chers. Sa principale plateforme est Facebook, avec environ 172 000 membres.

La messagerie Telegram est également largement utilisée, notamment en raison de sa politique de modération plus flexible. Les brigades partagent par exemple des images de soldats russes suivis et tués par des drones.

Sur Telegram, “on peut tout montrer”, y compris les armes et la violence, note Ivan, fustigeant la suppression de certaines de ses vidéos par les plateformes les plus attentives.

Ce monde des réseaux sociaux a été une totale découverte pour le jeune homme. Avant la guerre, il était ingénieur spatial.

“Je n’avais aucune expérience”, a-t-il déclaré, s’excusant de savoir “simplement” construire des fusées.

Encore une affiche glamour sur le « troisième assaut », visible à Kharkiv.

AFP

(AFP)

 
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