40 ans plus tard, pourquoi une telle fascination ?

40 ans plus tard, pourquoi une telle fascination ?
40 ans plus tard, pourquoi une telle fascination ?

Comme toujours avec la disparition d’enfants, cela n’a pris qu’un instant. Le 16 octobre 1984 vers 17h20, Grégory Villemin, 4 ans, disparaît du tas de graviers sur lequel il jouait depuis moins d’un quart d’heure, devant la maison familiale de Lépanges-sur-Vologne, à les Vosges. Le soir même, son corps est retrouvé en Vologne.

A l’heure de la photo argentique, qu’il faut développer, du téléphone fixe, et de la grand-messe du 20 Heures pour prendre le pouls du monde, il suffit de 36 heures pour que le visage doux et malicieux du petit garçon soit révélé. propulsé partout en Une. L’affaire du petit Grégory, deux mots qui seront désormais systématiquement prononcés ensemble par la entière, commence lorsqu’il est retrouvé mort moins de quatre heures après sa disparition, à 7 km de Lépanges. Ses mains et ses pieds étaient attachés, sa casquette était passée sur sa tête. Un appel anonyme au petit frère de Jean-Marie Villemin, le père du garçon, a indiqué aux gendarmes que l’enfant avait été jeté dans les eaux vives de la Vologne. Une lettre anonyme, envoyée avant ou au moment de l’enlèvement, donne comme motif la vengeance, une curieuse vengeance que, encore aujourd’hui, rien ne semble expliquer.

« Chaque rebondissement cristallise l’intérêt »

Ce sont trois des raisons qui font de l’affaire de Grégory « une affaire exceptionnelle face à d’autres faits divers », reconnaît Lucie Jouvet-Legrand, maître de conférences à l’Université de Franche-Comté. « Comme l’affaire Dominici, elle reste dans les annales pour ses nombreux mystères, et chaque rebondissement cristallise l’intérêt. Comme l’affaire Outreau, c’est une affaire qui interroge les dysfonctionnements du traitement judiciaire et médiatique.» Mais surtout, selon le chercheur, c’est un drame qui aurait pu arriver à n’importe quel parent : « Qui n’a pas laissé son enfant jouer dehors pendant un quart d’heure pour finir son repassage », s’interroge le socioanthropologue. C’est banal, la vie de tous les jours, pour tout le monde. Le capital de projection est énorme. Tout le monde peut ressentir la douleur qui a ravagé Jean-Marie et Christine Villemin», estime-t-elle.

“Le phénomène d’empathie est énorme”, renchérit Martine Batt, professeur de psychologie à l’université de Lorraine et juriste. « La photo nous montrait un enfant beau comme tout, candide, impuissant, on a tout de suite appris qu’il avait été ligoté, comme pour le rendre encore plus impuissant. Tout le monde est sensible à cette vulnérabilité » et effrayé par « la méchanceté humaine ». La mort de Grégory n’est pas un accident, « c’est un infanticide planifié, organisé, en guise de vengeance. Avec l’intention de tuer pour faire du mal », insiste-t-elle.

A l’époque, Martine Batt habitait en face de la prison de Metz où était incarcérée Christine Villemin, soupçonnée d’être le « corbeau ». Enceinte de six mois, refusant de s’alimenter, elle a été libérée sous contrôle judiciaire. « Des gens venaient à la prison, non seulement des journalistes qui avaient tout envahi, mais aussi des anonymes, émus, curieux », témoigne la psychologue.

40 ans après les événements, ce « corbeau » qui empoisonne la vie de la famille Villemin depuis des mois, est une figure incontournable de la fascination, car l’alpha et l’oméga de l’affaire Grégory. Malgré l’ampleur des études et des comparaisons graphologiques, on ne sait toujours rien de lui, ni d’eux, ni de ses motivations, réelles ou supposées. On comprenait à peine qu’il en voulait à Jean-Marie Villemin d’avoir accédé au statut de contremaître dans une usine de campagne, lui permettant d’envisager la construction d’une nouvelle maison sur les hauteurs du village, pourtant meublée à crédit. . Il parle de son « argent », mais ce n’est peut-être qu’une illusion. L’incompréhension demeure, un peu de voyeurisme aussi, de la part des adeptes du « web sleuthing ».

«J’adore ce métier»

A Lépanges, les visiteurs du cimetière sont nombreux à la recherche de leurs tombes. Grégory n’est plus là, ses parents ont fait exhumer sa dépouille il y a longtemps ; ils se tournent vers le livre d’or de l’église. Le carnet regorge de références au « petit ange » parti « injustement ». “J’ai roulé deux heures pour te voir parce que j’aime ce métier”, écrit même un enfant dans les dernières pages, selon une photo prise mardi par un photographe de l’AFP.

Une photo prise mardi 15 octobre dans le livre d’or de l’église de Lépanges-sur-Vologne. AFP/Jean-Christophe Verhaegen AFP ou concédants de licence

Sur les forums de discussion ou sous les vidéos YouTube dédiées à l’affaire, chacun a son commentaire, analysant le timing, les paroles de corbeau, les intonations des enregistrements sonores, etc. Un compte X de « réflexions sur l’affaire Grégory » compte près de 4 000 abonnés. ; le groupe Facebook « Grégory Villemin 24 août 1980-16 octobre 1984 », créé en octobre 2013, compte toujours plus de 15 100 membres. Certains continuent d’accuser Christine d’avoir jeté son fils à la rivière, pour cacher un accident domestique ou une liaison. D’autres estiment que Murielle Bolle, la belle-soeur de Bernard Laroche, détient, sinon la réponse, du moins une partie du secret.

En revanche, beaucoup d’entre eux comprennent que le père de Grégory, fou de chagrin et convaincu de la culpabilité de son cousin Bernard Laroche, en quête d’aveux, est allé le tuer cinq mois après la mort de son fils. La mort de Laroche est la seule qui ait donné lieu à un procès. Car pour le reste, « il n’y a pas de vérité judiciaire confirmée. Cela laisse place à beaucoup de spéculations », constate Lucie Jouvet-Legrand.

“Cette histoire n’a pas de fin”

Ce procès, en décembre 1993, qui a conduit à la condamnation de Jean-Marie Villemin à quatre ans de prison pour le meurtre de Bernard Laroche, est le point d’ancrage du premier tome de la bande dessinée « Grégory », écrit Jean- Marie Villemin et publié le 3 octobre chez Les Arènes, maison « conviviale » du couple Villemin. « Ce procès est le seul moment où tous les protagonistes de l’affaire sont réunis au même endroit », explique leur éditeur, Laurent Muller.

La curiosité, pour lui, « vient du fait que l’histoire n’a pas de fin. Jean-Marie et Christine en rêveraient mais chaque film, chaque téléfilm, chaque trace d’ADN qui permet de relancer les enquêtes, ravive aussi l’attention générale. Même la mort de personnes qui auraient pu dire ce qu’elles savaient. Cela ne vient pas seulement des générations qui ont vécu l’affaire, affirme l’éditeur : le documentaire Netflix, sorti fin 2019, a touché des jeunes qui n’étaient pas nés en 1984. 3.000 exemplaires de l’album, selon Laurent Muller, sont vendus en librairie depuis sa sortie.

 
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