L’un des pères de l’intelligence artificielle, Yann Le Cun, était l’invité du jeudi soir à 19h30. Le responsable de l’IA chez Meta affirme qu’un jour les assistants virtuels seront omniprésents dans notre vie quotidienne. Ils seront même plus intelligents que nous.
Nous ne pourrons bientôt plus rivaliser avec les machines en termes de capacités intellectuelles. « Cela ne fait aucun doute. Il faut s’y préparer, car ce n’est qu’une question de temps”, explique Yann Le Cun, 64 ans. Reste à savoir quand. «Il y a beaucoup d’incertitudes», constate l’informaticien, présent en Suisse pour recevoir un doctorat honorifique de l’Université de Genève.
Vous craignez peut-être que l’IA nous prenne le relais. Le chercheur en informatique se veut optimiste : les machines seront au service des êtres humains, assure-t-il. « Dans une décennie ou deux, nous nous promènerons peut-être avec des lunettes ou les successeurs des smartphones, dans lesquels résideront des assistants qui nous aideront dans la vie de tous les jours. Ils sont peut-être plus intelligents que nous, mais ils travailleront pour nous. C’est un peu comme avoir une équipe qui travaille pour vous. Lorsque vous formez une équipe, vous voulez des gens plus intelligents que nous », affirme-t-il.
Une différence de point de vue avec Geoffrey Hinton
Yann Le Cun a reçu le prestigieux prix Turing en 2018, qui récompense des contributions essentielles en informatique. L’un de ses co-récipiendaires n’est autre que Geoffrey Hinton. Qui a reçu mardi le prix Nobel de physique avec John Hopfield pour ses travaux pionniers sur l’IA. Le nouveau Nobeliste est néanmoins devenu une voix critique à l’égard de ces technologies, craignant qu’elles puissent en « prendre le contrôle ».
Nous avons besoin de systèmes open Source
Le Franco-Américain balaye ces craintes. « Geoffrey Hinton a toujours été un peu trop pessimiste. Il manque de confiance dans la capacité des sociétés humaines à tirer parti des nouvelles technologies. Il pense que les motivations ne sont pas forcément bonnes. Je suis beaucoup plus optimiste sur la question et nous ne sommes pas d’accord sur ce point, dit celui qui est également professeur à l’université de New York.
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Plaidoyer pour un accès ouvert
Yann Le Cun prévient cependant qu’il ne faut pas concentrer les technologies entre les mains d’une poignée d’entreprises de la côte ouest des Etats-Unis. Cela exclurait « la démocratie et la diversité culturelle », affirme-t-il. « Nous avons besoin de systèmes open Source, qui puissent être formés sur toutes les langues du monde, toutes les cultures et tous les systèmes de valeurs. Tout le monde doit avoir le choix », affirme-t-il.
Ces propos sont surprenants, venant d’un dirigeant du géant Meta, propriétaire de Facebook, Instagram et Whatsapp… Le groupe californien met à disposition gratuitement ses technologies, rétorque Yann Le Cun. « Par exemple, nous distribuons une série de plateformes open Source similaires à ChatGPT appelées Llama. Ils sont utilisables par n’importe qui. Ils peuvent être affinés pour être utilisés par des entreprises, des gouvernements ou des groupes culturels. Cela permet de diffuser l’industrie de l’IA.
Mais pour l’heure, les systèmes d’IA présentent quatre défauts, reconnaît Yann Le Cun. « Ils ne comprennent pas le monde physique, ils n’ont pas de mémoire persistante, ils ne peuvent ni raisonner ni planifier. Et ce sont des caractéristiques essentielles du comportement intelligent chez les humains et chez de nombreux animaux. L’intelligence artificielle porte donc pour l’instant mal son nom. Jusqu’à quand ?
Texte Web : Antoine Michel
Propos recueillis par Philippe Revaz