La Caisse a jugé que Northvolt était risqué

Il y a un an, François Legault affirmait qu’investir plus d’un milliard de fonds publics dans Northvolt, une jeune start-up suédoise, n’était pas un pari risqué.


Publié à 02h38

Mis à jour à 9h00

Deux mois plus tard, en novembre 2023, la Caisse investit 200 millions dans Northvolt. Mais le pécule des Québécois estimait que c’était un pari risqué. « La Caisse a analysé cet investissement à l’aide d’un cadre risque/rendement en capital de risque », m’a indiqué la Caisse par courriel.

Le capital-risque est l’investissement le plus risqué possible dans un portefeuille. Nous investissons dans des start-up qui n’ont pas fait leurs preuves, mais dont la valeur peut exploser. Huit fois sur dix, vous perdez votre argent. Mais l’essentiel est qu’une fois sur dix, on obtient un rendement fantastique qui compense les autres pertes.

Pourtant, en septembre 2023, François Legault répondait ceci au présentateur Patrice Roy qui lui demandait sur RDI si le projet Northvolt était un pari risqué :

« Non […] Je suis persuadé que nous aurons des véhicules électriques dans les années à venir », a déclaré M. Legault.1.

Northvolt est une jeune entreprise, a insisté Patrice Roy.

«On s’associe à des géants», a répondu M. Legault. D’abord, nous avons annoncé GM, puis nous avons annoncé Ford, puis Northvolt, ils se sont échappés aujourd’hui, ils veulent l’annoncer dans deux semaines, ont-ils dit [que leurs clients] c’est Volvo, c’est BMW, ils ont des commandes fermes1. »

(Ce que l’on sait jusqu’à présent, c’est que Northvolt a un client majeur pour son usine de Montérégie, et non deux. L’identité de ce client est encore secrète.)

Un an plus tard, il ne fait plus aucun doute que Northvolt est un projet risqué. Northvolt traverse une crise de liquidité, a mis en faillite une de ses filiales en Suède et a licencié un quart de ses salariés. On connaîtra dans quelques semaines le sort de sa méga-usine de 7 milliards en Montérégie.

« On ne peut pas utiliser le budget du gouvernement du Québec comme capital de risque et dire : non, ce n’est pas risqué », explique Jean-François Ouellet, professeur d’innovation à HEC Montréal.

Le gouvernement Legault n’a pas seulement commis une erreur de communication dans ce dossier. Il aurait également dû être plus prudent avec son investissement dans Northvolt. En fait, il aurait dû imiter le gouvernement Trudeau.

Québec et Ottawa ont promis chacun d’investir 1,37 milliard pour aider Northvolt à construire son usine de 7 milliards en Montérégie. (Le Québec prévoit investir 436 millions en subventions, 376 millions en prêts et 567 millions en actions Northvolt.) Northvolt prévoit investir le reste (4,26 milliards).

Mais dans les petits caractères du contrat, Ottawa se protège bien mieux.

Northvolt a investi quatre fois moins que Québec

  • Montant dépensé par Québec jusqu’à maintenant pour le projet Northvolt : 510 millions.
  • Montant dépensé par Northvolt pour sa méga-usine en Montérégie : 135 millions2.
  • Amount spent by the Caisse de dépôt in Northvolt: 200 million.
  • Montant dépensé par Ottawa : 0 $.

Vous avez bien lu : jusqu’à maintenant, le gouvernement du Québec a investi environ quatre fois plus que Northvolt dans le projet de la Rive-Sud.

Le Québec a investi dès le départ 270 millions dans la société mère de Northvolt en Suède (un prêt convertible en actions). Québec a également prêté à Northvolt les 240 millions nécessaires pour acheter le terrain de l’usine en Montérégie. Le terrain est la garantie de ce prêt, mais il est loin d’être certain qu’il vaudrait encore 240 millions si le projet avortait.

De son côté, Ottawa a choisi d’investir au fur et à mesure de l’avancement du projet, remboursant les dépenses d’investissement admissibles à Northvolt. Si Northvolt investit, Ottawa rembourse. Ottawa travaille également de cette façon avec les trois usines de batteries de l’Ontario.

Il est toutefois impossible de comparer l’approche du Québec avec celle de l’Ontario, qui n’a pas voulu indiquer s’il avait déjà versé des subventions pour ses trois usines.

>>>>

Ce que disent trois experts

Le Québec a-t-il pris trop de risques en déboursant dès le départ 510 millions dans Northvolt ?

Pour en être sûr, j’ai contacté trois experts en capital de risque, les professeurs Pierre Larouche (Faculté de droit de l’Université de Montréal), Jean-François Ouellet (HEC Montréal) et Michel Magnan (John Molson de l’Université Concordia).

Ils comprennent le choix du Québec.

«Nous avons une conception de la bonne utilisation des fonds publics qui n’est pas tout à fait compatible avec l’innovation», estime Pierre Larouche, spécialiste de la gouvernance économique.

Nous ne sommes pas habitués à ce que les fonds publics soient utilisés dans des situations à risque. Le gouvernement a préféré dire qu’il n’y avait aucun risque, même s’il s’engageait sur des conditions de capital-risque.

Pierre Larouche, spécialiste en gouvernance économique

Michel Magnan et Pierre Larouche soulèvent une autre hypothèse : Québec aurait été obligé d’avancer ces 510 millions à Northvolt pour se démarquer dans les négociations. «Le Québec n’était pas le seul État à la table des négociations», rappelle Michel Magnan.

Northvolt et Québec n’ont pas voulu préciser si l’entreprise demandait d’avancer l’argent aussi rapidement, et si c’était une condition essentielle pour cela.

J’espère pour le meilleur

Je ne suis pas contre les fonds publics investis dans Northvolt. Il faut espérer que le projet fonctionne, malgré la tourmente financière.

Mais si l’enjeu s’échauffe autant au Québec, c’est parce que le gouvernement Legault a mal communiqué le risque de son investissement et parce qu’il a avancé 510 millions rapidement avec peu de protection en cas de problème.

Il y a un an, le ministre Pierre Fitzgibbon prédisait même que les subventions québécoises pour la construction de l’usine ne coûteraient finalement rien aux contribuables québécois.

« Nous avons demandé à être actionnaires du [société] mère [de Northvolt] en Suède, techniquement, nous gagnerons de l’argent avec [cet investissement]. […] Je soutiendrai que ce sera à coût nul si nous estimons que nos capitaux propres dans la société mère […] fonctionnera. »

Sa successeure, la ministre Christine Fréchette, tient depuis un mois un tout autre discours. La CAQ parle désormais de « risque calculé ».

«Nous savions qu’il s’agissait d’un secteur émergent», a déclaré le mois dernier la ministre Fréchette. Tout le monde en parle. Cela comporte donc un certain nombre de risques. Nous avons adopté l’approche la plus prudente possible. »

En dehors de l’approche fédérale.

1. Regardez l’entrevue de François Legault à Radio-Canada

2. Lire le texte « Northvolt dit avoir dépensé 135 millions « de sa poche » au Québec »

Qu’en penses-tu? Participer au dialogue

 
For Latest Updates Follow us on Google News
 

PREV Le prix de cet Airfryer Ninja est passé sous la barre des 300 euros chez Amazon
NEXT Deux Chinois tués dans une explosion à l’aéroport de Karachi, au Pakistan