ces entreprises sensibles que l’Etat compte racheter

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Quelles sont exactement les activités régaliennes d’Atos que l’Etat compte racheter et quel poids pèsent-elles dans l’activité du groupe informatique en difficulté ? Bruno Le Maire a déclaré dimanche 28 avril sur LCI qu’il “a déposé ce week-end une lettre d’intention en vue d’acquérir l’ensemble des activités souveraines d’Atos”. Cette opération permettrait certaines activités stratégiques “ne pas passer entre les mains d’acteurs étrangers”, a souligné le ministre de l’Economie et des Finances. L’avenir d’Atos était en effet devenu un peu plus sombre jeudi 25 avril, avec la publication de ses résultats du premier trimestre. Le groupe informatique avait annoncé une baisse de chiffre d’affaires de 2,6% sur un an, à 2,48 milliards d’euros, et une érosion de sa rentabilité, retombant à 1,9% de son chiffre d’affaires, contre 3,3% un an plus tôt. De plus en plus critique, sa situation l’a contraint à accorder une semaine supplémentaire, jusqu’au 3 mai, à ses partenaires financiers. Ses repreneurs potentiels – dont David Layani, le patron de Onepoint, mais aussi l’homme d’affaires Daniel Kretinsky, de retour en action chez le canadien CGI – avaient jusqu’à demain vendredi pour lui soumettre de nouvelles propositions, dans le but de remettre l’entreprise à flot.

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Pour réduire sa dette de près de 5 milliards d’euros, Atos avait déjà demandé au début du mois à ses créanciers d’en effacer près de la moitié. Dans le même temps, l’entreprise avait demandé 1,2 milliard de liquidités pour couvrir ses besoins de trésorerie. Mais la détérioration rapide de son activité pourrait l’obliger à se montrer encore plus gourmand.

Cette baisse n’est pas surprenanteestime un ancien cadre. Les grands clients d’Atos se rendent compte qu’ils ne sont plus vraiment la priorité du management, entièrement concentré sur les finances et la restructuration. En matière d’externalisation, les contrats sont rompus et, dans d’autres secteurs, ils sont de moins en moins renouvelés. Atos est entré dans une phase de déclin« .

Rupture sociale et trésorerie sèche

Cet effondrement pourrait déclencher deux nouvelles bombes à retardement. Le premier concerne les ressources humaines. “Les contrats rompus ou non renouvelés risquent de causer des dommages sociaux. Il y aura des plans de restructuration supplémentaires, y compris en , on n’y échappera pas », estime l’ex-salarié. La seconde est due, selon lui, aux méthodes risquées de gestion de la trésorerie d’Atos. Celles-ci consistent à anticiper excessivement les paiements des clients, et à décaler ceux de ses fournisseurs, décrit-il. ” Cela génère une trésorerie totalement virtuelle, qui cache la réalité de ses besoins réels de trésorerie.“, il explique. Comme l’a reconnu publiquement la direction d’Atos en octobre, cette technique comptable avait permis de réduire artificiellement son besoin en fonds de roulement de 1,8 milliard d’euros. Le problème est qu’à mesure que les clients rompent leurs contrats, une partie de cet argent finit par s’échapper, accélérant encore davantage son effondrement financier.

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Tout cela n’augure rien de bon, comme le laisse entendre le dernier communiqué d’Atos, publié jeudi. Le groupe concède qu’il faut encore une fois «ajustez votre plan d’affaires pour tenir compte des performances opérationnelles et des tendances commerciales actuelles« . En bref : il doit demander aux banques d’annuler davantage de dettes ou d’exiger davantage d’argent frais. Ou les deux. Son objectif de parvenir à un accord avec ses créanciers d’ici juillet apparaît donc de plus en plus compromis.

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Cette spirale infernale a relancé une nouvelle fois l’hypothèse d’une intervention de l’État, concrétisée par l’annonce de Bruno Le Maire dimanche. Jusqu’à présent, son engagement se limitait à un prêt de 50 millions d’euros accordé via le fonds de développement économique et social (Fdes). En échange, Bercy avait acquis une action dite privilégiée dans Bull SA, la filiale d’Atos qui contrôle notamment la fabrication et les tests des supercalculateurs. Le principal intérêt de cette action est qu’elle confère à l’Etat un droit d’achat prioritaire. L’État pourrait l’exercer en faisant appel à la ligne de crédit de 1,828 milliard d’euros qu’il a discrètement alloué, dans le cadre du Budget 2024, à la défense de ses intérêts stratégiques.

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L’idée serait d’abord de préserver les activités sensibles d’Atos, principalement concentrées au sein de sa branche Eviden, dans les divisions Worldgrid et BDS (Big Data et sécurité). Spécialisée dans les systèmes de gestion de l’énergie, Worldgrid conçoit notamment les systèmes dits de contrôle-commande qui supervisent nos centrales nucléaires. L’été dernier, l’entreprise a remporté un contrat avec Schneider Electric pour équiper les systèmes des six centrales nucléaires de nouvelle génération qu’EDF compte déployer en France d’ici dix ans.

Écoutes téléphoniques et simulation nucléaire

La division BDS, qu’Airbus a finalement décidé de ne pas acquérir, abrite plusieurs autres métiers jugés encore plus sensibles. Son entité Mission Critical Systems (MCS) déploie par exemple différents systèmes de communication hautement sécurisés utilisés par les pilotes d’éclatement, les fantassins ou les forces navales lors des combats. Elle conçoit par ailleurs des systèmes d’écoutes téléphoniques à destination de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE). Egalement connu pour être très actif en matière de cybersécurité, BDS commercialise également des supercalculateurs qui servent notamment à simuler nos essais nucléaires. Depuis 1996, la France s’appuie sur l’informatique pour garantir la fiabilité de son arsenal, ou pour développer de nouveaux systèmes. Jusqu’en 2005, le Commissariat à l’énergie atomique utilisait des machines américaines, avant d’utiliser des équipements français, en l’occurrence celui de Bull racheté en 2014 par Atos.

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Mais que pèsent toutes ces activités sensibles sur les comptes d’Atos ? L’entreprise gardant secret le détail de ses revenus et de sa rentabilité dans chacune de ses activités, il est nécessaire de se fier à des estimations. En octobre, Philippe Brun, député PS et rapporteur spécial sur les participations de l’Etat, avait proposé un amendement visant à nationaliser ces activités afin de mieux les protéger. ” A cette occasion, nous avons fouillé les comptes et estimé la valorisation de ces actifs à 372 millions d’euros pour BDS et un peu moins de 18 millions pour Worldgrid. », se souvient-il. Si son évaluation est fiable, on comprend un peu mieux pourquoi Airbus a finalement renoncé à acquérir BDS. Jean-Pierre Mustier, le président d’Atos, avait fixé le prix de vente dans une fourchette de 1,5 à 1,8 milliard d’euros.

En termes de chiffre d’affaires, les activités qui pourraient être stratégiques pour la France ne pèsent pas non plus très lourd dans l’activité d’Atos. Selon certaines sources, les revenus de Worldgrid se situeraient entre 100 et 150 millions d’euros. Au sein de BDS, les activités spécialisées de l’entité Mission Critical Systems et les contrats sensibles de cybersécurité généreraient ensemble environ 150 millions d’euros. La commercialisation des supercalculateurs générerait un chiffre d’affaires annuel de 400 à 500 millions d’euros. A terme, les métiers supposés stratégiques ou souverains ne représenteraient donc pas plus de 7% des revenus du groupe (10,7 milliards d’euros en 2023).

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Les supercalculateurs ne sont pas rentables

Généralement corrélées à de gros contrats publics dans des secteurs spécialisés, ces activités de haute technologie seraient pour la plupart plus ou moins rentables, à l’exception des supercalculateurs, qui peinent à atteindre le seuil de rentabilité. La facture moyenne de chacun de ces supercalculateurs peut varier entre 80 et 100 millions d’euros à la livraison, mais Atos n’est pas en mesure d’en faire un distributeur automatique de billets. “La R&D étant très coûteuse, cette activité nécessiterait aussi de développer des services à plus forte valeur ajoutée pour booster les marges, en proposant par exemple des solutions d’intelligence artificielle. Mais Atos n’a pas cette culture», déplore un autre ancien salarié.

Malgré ses difficultés, l’entreprise entend consolider ses positions dans le « calcul intensif », discipline qui fait de notre ancien fleuron national le numéro un européen et le numéro trois mondial du secteur, selon les statistiques du cabinet Hyperion Research. La semaine dernière, Atos a même livré un nouveau supercalculateur à la branche militaire du Commissariat à l’énergie atomique sur son site de Bruyères-le-Châtel dans l’Essonne. Baptisé EXA1 HE, ce supercalculateur capable d’exécuter jusqu’à un million de milliards d’opérations par seconde est le plus puissant de notre sol, et l’un des 15 plus rapides au monde.

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D’ailleurs, cette activité ne s’arrête pas aux frontières françaises. Deux de ses outils numériques équipent respectivement le Barcelona Supercomputing Center en Espagne et le consortium universitaire Cineca de Bologne en Italie. Ces deux monstres de silicium figurent dans le Top 10 des supercalculateurs les plus puissants au monde. Le prochain modèle, qu’Atos fabrique actuellement pour le centre de recherche de Jülich à Aix-la-Chapelle en Allemagne, sera même le premier à dépasser le cap de l’exaflop, sorte de mur de son pour l’informatique numérique : lorsqu’il sera opérationnel, l’année prochaine, son les processeurs effectueront jusqu’à un milliard de milliards d’opérations par seconde !

Comme tous ses supercalculateurs, la machine est assemblée dans son usine d’Angers (Maine-et-Loire) qui compte près de 250 salariés. ” Le site est en pleine modernisation et transformation, puisque nous y avons commencé les travaux de reconstruction d’une nouvelle usine.confie un porte-parole d’Atos. C’est un projet de 80 millions d’euros » L’investissement est soutenu par les Pays de la Loire et Angers Loire Métropole. Ces collectivités s’engagent à garantir une partie du prêt de 27,5 millions d’euros contracté auprès de la CDC. ” Lors de la mise en service de cette nouvelle unité de production au printemps 2025, nous doublerons notre capacité de production et réaliserons un gain de productivité de 30 %. A terme, nous prévoyons même d’embaucher une centaine de salariés. », ajoute le porte-parole. Compte tenu de la situation de son groupe, ses espoirs peuvent paraître un brin anachroniques. Mais après tout, il n’est pas non plus exclu que les dirigeants d’Atos finissent, peut-être un jour, par tenir leurs promesses.

Chaque matin, les à retenir sur le Marchés financiers.

 
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