La tempête de grêle battait son plein samedi 27 avril, lorsque la représentation jouée à l’auditorium du Village Alzheimer de Dax a réchauffé les cœurs. «Parfois le ciel est un peu lourd», chantaient les huit habitants ayant participé au projet lancé par l’association Chantons sous les pins. Le festival itinérant propose également des médiations culturelles, et pour la première fois, la structure Dacquoise en a bénéficié. Une expérience dans l’expérience.
Samuel Bernos, animateur au Village et saxophoniste, ne pouvait qu’y être favorable malgré l’ampleur du défi : écrire, composer, enregistrer et restaurer une chanson. « Nous nous dirigeions vers l’inconnu. » Mais pas sans guide. « Plusieurs groupes ont été proposés mais je suis resté sur Jota B. Le profil accordéoniste et multi-instrumentiste m’a parlé. J’ai regardé ce qu’ils faisaient et j’ai aimé ça, je savais que ça irait bien avec les villageois. »
Construire une chanson
Dès le mois de novembre, et à raison d’une séance hebdomadaire, Arnaud Estor et Jean-Baptiste Pène, membres du quatuor landais, ont piloté la réalisation de ce projet ambitieux. « À chacune de nos médiations, ceux pour qui nous intervenons expriment un sentiment et nous le mettons en forme », explique le binôme.
De son côté, Samuel Bernos a identifié un groupe d’intéressés parmi les villageois. « Nous en avons perdu en cours de route, qui ne pouvaient plus tenir le projet. Mais tout a commencé avec les habitants. Du choix du thème aux idées de paroles. »
« La principale difficulté, c’est d’affronter la maladie. On l’a pris en face”
Et méthodiquement. “Il fallait tout marquer, toutes les idées, les rayer au fur et à mesure sans les effacer car parfois on y revenait”, poursuit l’animateur. Cela les a aidés à construire la chanson et aussi à se souvenir des sessions précédentes. »
Des bénéfices partagés
« Merci Henri », tel est le titre de la chanson, dépeint le quotidien au cœur du Village Alzheimer. Les paroles, sérieuses et belles à la fois, évoquent ce « voyage » entre ces « villageois » qui tirent leur « force » de « l’unité » malgré le « brouillard », « le chagrin », « l’inconnu » ou encore « l’ignorance ». ».
“Quand le thème a été choisi, je me suis dit “wow”, ça va être quelque chose pour aborder ça”, se souvient Samuel Bernos. J’ai découvert bon nombre de leurs sentiments tout au long de l’initiative. Les villageois et Moi avons vécu beaucoup d’émotions. » Et le binôme Jota B, habitué des médiations aussi.
Arnaud Estor et Jean-Baptiste Pène ont ensuite interprété plusieurs chansons du répertoire de leur groupe Jota B.
Nathalie Guironnet
« La principale difficulté, en réalité, c’est d’affronter la maladie », explique Jean-Baptiste Pène, chanteur et accordéoniste. Nous l’avons pris en pleine face. Nous étions ignorants – il est dit dans le texte : « c’est l’ignorance qui nous fait mal » – et nous avons découvert des facettes très compliquées à gérer. » Il a fallu s’armer.
«C’est très dur parce que parfois on arrivait à oublier la maladie et puis elle finissait par revenir», raconte Arnaud Estor, chanteur et guitariste. Quand on vient chaque semaine depuis novembre, on finit par s’attacher. Voir qu’en quinze jours tout peut se dégrader chez une personne, cela nous a un peu désillusionné. »
“Alors c’était beau?” », a déclaré à son public l’un des huit résidents, auteurs et interprètes. L’approbation est bel et bien venue, et les sourires avec. « Les résidents sont très accompagnés au quotidien, mais aujourd’hui, les participants ont pu reprendre confiance en eux, ils se sont exprimés, libérés. Ce n’est pas rien”, a savouré l’animateur.
“Merci Henri”
C’est un village un peu secret Bien caché sur la carte de France Qui semble un peu abandonné Les gens, par leur indifférence Oui mais tous ceux qui vivent Ici Vous accueillent plein de tendresse Même s’ils souffrent d’une maladie Celle de l’oubli, de la détresse
Refrain : C’est notre histoire que nous racontons Elle nous permet de nous échapper Nous pouvons être laissés pour compte Ici notre force c’est l’unité
Dans ces endroits, il n’y a pas d’asphalte, Pour éviter les blessures De temps en temps une petite brume Vient mettre un voile sur nos pensées Moi avec mon regard d’enfant Qui ne connaît pas les âges Je peux te dire que maintenant c’est avec eux que je voyage
Refrain
Parfois le ciel est un peu lourd Il nous prive d’hier, de demain Par ce brouillard qui, un jour A apporté un chagrin immense Avec un avis extérieur On pourrait croire que c’est banal C’est l’inconnu qui nous fait peur Et l’ignorance qui nous fait mal
Refrain
Une main sur la mienne suffit Pour apporter du réconfort Pour se dire qu’on n’est pas seuls ici Et qu’ensemble on est plus fort Pour un peu plus de douceur Quelques caresses aux animaux Eux qui nous offrent tant de bonheur Eux qui comprennent tous nos ennuis
Refrain
C’est notre histoire qu’on raconte Celle du village Alzheimer A la maison pas de place pour la honte Et on la chante avec le cœur
