L’intersectionnalité de la haine permet de comprendre l’idéologie de Donald Trump et de l’extrême droite

L’intersectionnalité de la haine permet de comprendre l’idéologie de Donald Trump et de l’extrême droite
Descriptive text here

Les stratégies rhétoriques les plus récentes des militants et acteurs politiques d’extrême droite, comme l’ancien président des États-Unis Donald Trump, nécessitent pour les comprendre un nouvel arsenal théorique et conceptuel, auquel peut prétendre le concept « d ». « intersectionnalité de la haine ».

Depuis plusieurs années, plusieurs analystes et universitaires parlent d’une « intersectionnalité de la haine » en s’inspirant de la notion d’« intersectionnalité » que la juriste afro-américaine Kimberley Crenshaw avait développée à Harvard pour désigner une réalité façonnée par le sexisme, le racisme et la haine. le classisme, entre autres (il existe une trentaine de catégories possibles).

Crenshaw nous rappelle que les femmes afro-américaines ont toujours été conscientes de cette réalité complexe. Mary Church Terrell, suffragiste noire, déclarait vers 1920 : « une femme blanche n’a qu’un seul handicap à surmonter : celui du sexe. J’en ai deux : le sexe et la race. »

C’est en menant des recherches sur l’antiféminisme et les discours victimaires des hommes au sujet d’une soi-disant « crise de la masculinité » que j’ai pris conscience de l’imbrication des discours haineux que l’on peut appeler le nouveau concept d’« intersectionnalité de la haine ». . Comme le souligne à juste titre l’historienne française Christine Bard, avec qui j’ai la chance de collaborer, « l’antiféminisme pratique aussi l’intersectionnalité – mais l’intersectionnalité de la haine », en faisant « du sexisme, du racisme, de l’antisémitisme, de la xénophobie et de l’homophobie ».

Cette imbrication des discours de haine peut également être abordée sous différents angles, par exemple à partir de mouvements racistes et xénophobes ou « anti-genre » et transphobes.


A lire aussi : La « crise » de la masculinité ou la revanche du mâle


Innovation conceptuelle

La popularité de « l’intersectionnalité » explique sans doute l’apparition synchronique, des deux côtés de l’Atlantique, de « l’intersectionnalité de la haine ».

L’article « Comment Trump a rendu la haine intersectionnelle » paraît dans le New York Times au lendemain de l’élection de Donald Trump, le 8 novembre 2016. Elle est signée par l’intellectuel afro-américain Rembert Browne, qui explique comment le candidat républicain a fédéré les électeurs. « Il a gagné en rendant la haine intersectionnelle. Il a encouragé les sexistes à être également racistes et homophobes, en plus de dire des choses ignobles sur les immigrés en public et en ligne sur les Juifs. »

La haine se mêle ici à la peur de se voir dépouillé de « son » pays, de ses institutions et de ses réalisations personnelles, et à la colère de ne pas avoir ce à quoi on pense avoir droit simplement parce qu’on est un homme blanc hétérosexuel. Cette attitude n’est pas sans rappeler celle des « Angry White Men » dont on parlait tant il y a quelques années : on ne se limite plus à blâmer un seul groupe pour ses problèmes personnels réels ou imaginaires, on préfère désormais blâmer tous les groupes minoritaires. . Il n’y a donc plus un seul bouc émissaire, mais tout un troupeau.

Simultanément, en France, Christine Bard, qui a montré que l’antiféminisme et la lesbophobie sont étroitement liées et se renforcent mutuellement, a analysé 1 367 articles traitant des femmes, du genre et de la sexualité publiés dans l’hebdomadaire d’extrême droite. Minute.

Elle note ensuite que « l’intersectionnalité de la haine s’y pratique, en associant féminisme, homosexualisme, islamisme et immigrationnisme ». Elle constate notamment que les personnalités politiques et médiatiques sont ciblées avec une intensité particulière si elles sont des femmes, et en outre juives, musulmanes ou d’origine africaine. L’historien conclut que cette intersectionnalité de la haine s’oppose à toute perspective égalitaire et inclusive.

Attaques contre les progressistes

Peu de temps après, le magazine Atlantis : études critiques sur le genre, la culture et la justice sociale a consacré un court dossier spécial à « l’intersectionnalité de la haine », l’associant à l’extrême droite qui s’en prend aux progressistes, accusés d’imposer leurs valeurs et de défendre les « minorités ».

Les attaques racistes et sexistes se conjuguent donc avec des accusations virulentes contre les « marxistes culturels » (ou « wokes ») qui contrôleraient l’État pour développer des programmes de « discrimination positive » et le système éducatif pour endoctriner les jeunes avec le « politiquement correct ».

Chaque attentat est l’occasion de rappeler que l’essence des États-Unis serait européenne, anglo-saxonne, chrétienne, hétérosexuelle, capitaliste et méritocratique. Ces attentats permettent enfin de détourner l’attention de l’élite qui domine réellement le pays, composée de multimilliardaires à la Maison Blanche et à la tête des grandes entreprises et des médias.

L’intersectionnalité de la haine est également diffusée par les médias traditionnels influents (Fox News) et Internet (Tempête quotidienne Et Fil quotidien), des groupes de réflexion comme le National Policy Institute et des polémistes comme Christopher Rufo et Ben Shapiro.

Terrorisme

La notion d’« intersectionnalité de la haine » est reprise dans l’analyse des discours de haine et de ceux associés aux attentats. Ainsi, une étude en Europe, Discours de haine intersectionnel en ligneconclut que « les femmes restent le groupe le plus attaqué par les discours de haine intersectionnels ». […]en particulier les musulmans, les Roms et les femmes de couleur. […] Un autre groupe de femmes ciblées par les discours de haine intersectionnels sont celles qui occupent des postes publics.

Europol évoque également « l’intersectionnalité de la haine » dans son rapport Rapport sur la situation et les tendances du terrorisme, publié en 2020. L’agence présente une liste d’attaques dont les motivations recoupent l’antiféminisme, le racisme et la xénophobie. Elle donne l’exemple de celui perpétré en 2011 en Norvège par le nazi Anders Breivik, qui affirmait dans son manifeste défendre la civilisation chrétienne européenne, et qui massacra 76 jeunes socialistes.

Anders Breivik et son avocat Marte Lindholm au tribunal de district d’Oslo, le 8 janvier 2024. Breivik, qui a tué 76 jeunes Norvégiens en 2011, tente de poursuivre l’État norvégien pour violation de ses droits. Plusieurs terroristes s’inspirent aujourd’hui de son geste.
(Cornelius Poppe/NTB Scanpix via AP)

Europol mentionne également Elliot Rodger, qui a commis l’un des premiers meurtres de masse associés à célibataires involontaires (célibataires involontaires) en Californie en 2014, et qui a également exprimé sa haine sexiste et raciste dans son manifeste.

“J’étais anti-tout”, a répondu devant le tribunal un ancien gendarme français qui lui a demandé s’il était homophobe, lors d’un procès pour avoir planifié plusieurs cibles d’attentats. L’accusé avait également écrit un manifeste néo-nazi célébrant Anders Breivik.

D’autres auteurs d’attaques islamophobes avaient envisagé de s’en prendre aux féministes. Celle qui a ciblé la mosquée de Québec en 2018 s’intéressait aux groupes féministes de l’Université Laval, et celle qui a décimé une famille musulmane en Ontario en 2021 avait repéré des cliniques d’avortement.

Enfin, la journaliste britannique Helen Lewis souligne, dans son article « L’intersectionnalité de la haine », paru dans L’Atlantique et s’adressant à un tireur de masse qui a ciblé la communauté afro-américaine de Buffalo en 2022, que son manifeste contenait des caricatures antisémites.

Rhétorique des victimes

L’intersectionnalité de la haine fonctionne donc par superposition de cadres d’analyse similaires qui déduisent systématiquement de la réalité les mêmes dynamiques et conduisent toujours à la même conclusion : l’homme blanc hétérosexuel est victime des « minorités » contre lesquelles il doit résister. .

Cette rhétorique contribue à légitimer des dérives, même les plus flagrantes, comme voter pour un aspirant dictateur d’un jour, Donald Trump, ou imposer sa vision des choses par la violence terroriste.

L’intersectionnalité de la haine vise également les progressistes et reflète le refus de reconnaître que la « majorité » des hommes blancs hétérosexuels est en réalité une minorité, dont la prétention à la supériorité, voire à la suprématie, est bel et bien contestée, au nom de la justice sociale.

 
For Latest Updates Follow us on Google News
 

PREV Course contre la montre au Brésil pour secourir les victimes des inondations – rts.ch
NEXT l’essence et le diesel plus chers aujourd’hui