Comment les accusations de trafic sexuel contre P. Diddy sont utilisées lors de l’élection présidentielle américaine

Comment les accusations de trafic sexuel contre P. Diddy sont utilisées lors de l’élection présidentielle américaine
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Le chanteur Sean Combs arrive aux MTV Video Music Awards à New York le 28 août 2016. EDUARDO MUNOZ / REUTERS

Depuis son arrestation le 16 septembre, les rebondissements de l’affaire Sean Combs (alias Diddy) ont été largement commentés dans la communauté MAGA – du nom des partisans de Donald Trump, d’après le slogan de campagne « Make America Great Again ». Entre la stratégie de dénigrement tous azimuts de Kamala Harris et, parmi les plus radicales, la conviction de l’existence de réseaux pédo-sanistes, les accusations de complicité contre la candidate démocrate se multiplient.

Alors que Donald Trump lui-même relayait les insinuations visant son adversaire, présenté comme un « client » du chanteur et producteur Sean Combs, plusieurs partisans de Kamala Harris ont exprimé leur colère face à ces rumeurs.

Cette séquence politique d’une rare violence est le dernier avatar des attaques diffamatoires, souvent dépourvues de la moindre preuve, perpétrées depuis maintenant huit ans par le camp Trump contre ses adversaires politiques.

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Terrain préparé par le « PizzaGate » et l’affaire Epstein

Dès l’automne 2016, en pleine campagne électorale, un mythe urbain né des forums Internet d’extrême droite accusait les dirigeants du Parti démocrate de se livrer à des orgies pédosatistes dans le sous-sol d’une pizzeria de Washington. Bien que fabriquée, la bombe puante, surnommée « PizzaGate », a pénalisé Hillary Clinton dans sa campagne contre Donald Trump.

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Depuis, elle s’est combinée à une vaste et délirante mythologie complotiste autour d’un personnage imaginaire, Q, et de sa communauté, les QAnon, qui aideraient Donald Trump à faire tomber un réseau pédophile et sataniste mêlant démocrates, Hollywood et élites mondiales. Cet imaginaire sordide s’est nourri d’une affaire authentique, celle de l’influent financier au carnet d’adresses interminable, Jeffrey Epstein, arrêté le 6 juillet 2019 pour trafic sexuel et retrouvé pendu dans sa cellule un mois plus tard, le 10 août. L’enquête a révélé un système organisé de viols d’adolescentes.

Une partie de l’électorat trumpiste espérait alors des révélations fracassantes impliquant leurs adversaires démocrates, en vain. Ce qui n’a pas empêché de nombreux partisans de compiler depuis 2020 des extraits vidéo de Joe Biden en présence de petites filles orientés vers une velléité pédophile. Sa vice-présidente Kamala Harris a également été prise pour cible, souvent avec photoshopée ou générée par intelligence artificielle, la montrant aux côtés de Jeffrey Epstein.

Les germes de l’instrumentalisation

Le 16 novembre 2023, une première plainte pour viols, violences et trafic sexuel est déposée contre Sean Combs. Dans les jours et les mois qui ont suivi, près d’une douzaine d’autres se sont ajoutées, et ont commencé à dessiner un système organisé de violences sexuelles en groupe comparable, dans son ampleur, à celui dont Jeffrey Epstein était accusé.

Et si Sean Combs devenait le nouvel épouvantail de la vie politique américaine ? En mars, alors que ses domiciles venaient d’être perquisitionnés, Fox News soulignait que la star « est depuis longtemps un généreux partisan des démocrates ». La chaîne conservatrice insiste sur ses relations cordiales avec Barack Obama et son engagement auprès de Joe Biden en 2020, mais occulte sa proximité avec Donald Trump.

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Dès l’été, d’autres photos et vidéos, tout aussi manipulées, ont commencé à associer le candidat démocrate au rappeur. « N’oubliez jamais comment Kamala Harris a commencé. Elle n’est pas non plus étrangère aux soirées Diddy à Los Angeles.affirment les récits trumpistes, alors que le vice-président vient de succéder à Joe Biden en campagne. Et tant pis si la soi-disant preuve consiste à chaque fois à montrer non pas Diddy, mais l’ancien compagnon du candidat, l’acteur Montel Williams, également noir.

Des insinuations relayées par Trump lui-même

Depuis le 16 septembre, l’arrestation de Sean Combs à New York et son placement en détention provisoire pour trafic sexuel et extorsion, la machine de diffamation trumpiste a intensifié ses attaques. Le 17 septembre, The Right to Bear Memes, un compte humoristique pro-Trump, a publié une version falsifiée d’une photo prise lors d’un événement caritatif en 2001. Par un photomontage grossier, la tête de Montel Williams a été remplacée par celle du rappeur Diddy. « La liste des clients de Diddy va jusqu’au sommet »» renchérit Red Pill USA, un important compte conspirationniste pro-Trump, dans un message vu plus d’un million de fois.

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Dans un tweet supprimé depuis, l’ancien compagnon de Kamala Harris, Montel Williams, est agacé d’être confondu par les militants de MAGA avec Diddy : « Et voilà, ils recommencent avec « tous les noirs sont pareils ». » Mais rien ne fonctionne. D’autres posts dégradants générés par l’intelligence artificielle l’été inventent une Kamala Harris, vêtue de robes de soirée ultra-sexualisées, partenaire de débauche de Sean Combs.

Surtout, la célèbre photo truquée de Kamala Harris et Montel Williams remplacés par Diddy, est diffusée sur TruthSocial, le réseau social fondé par Donald Trump. « Kamala Harris se tape Diddy ? Madame la Vice-présidente, avez-vous déjà participé à l’une des orgies sexuelles de Puff Daddy ? »demande la légende. Dans la soirée, le post a été brièvement repartagé par Donald Trump lui-même, suscitant l’ire du camp démocrate.

En réponse, l’ancien basketteur professionnel Rex Chapman, partisan de Kamala Harris, a partagé un assemblage d’une demi-douzaine de photos montrant Donald Trump en compagnie de Diddy. “En attendant, ceux-ci sont authentiques”rétorque-t-il. Ils le sont effectivement : comme l’attestent les archives photographiques, les magnats de l’immobilier et du rap se réunissent souvent lors d’événements caritatifs. Comme le rappellent les partisans démocrates, Donald Trump l’a décrit comme “bon ami” et de “bon gars” en 2012.

L’affaire Diddy récupérée par les théoriciens de QAnon

Depuis, le candidat républicain n’a pas réitéré ses attaques, mais sa base complotiste n’a rien oublié de la séquence. Le compte Red Pill USA, encore une fois, affirme que “Diddy et Epstein ne sont que la pointe de l’iceberg”et relie ces véritables affaires criminelles à une vaste théorie du complot qui impliquerait la CIA, l’agence de renseignement américaine.

Sur Telegram, où prospèrent les théories complotistes les plus folles, le groupe « New World Order Conspiracy » s’enthousiasme : « Le monde est sur le point de découvrir à travers l’affaire Diddy que le Parti démocrate est l’État profond »surnom du fantastique État profond qui contrôlerait le monde en secret. Derrière l’affaire Diddy, Donald Trump et ses alliés auraient « infiltré Hollywood, l’industrie musicale et la communauté noire » pour démanteler un réseau «Sataniste, pédophile et corrompu»jubilant un autre.

Alors que le média people américain TMZ publiait des photos d’archives d’une soirée de 2004, au cours de laquelle Sean Combs mangeait des fruits posés sur une femme nue allongée, un post X suggère même qu’il aurait procédé à un rituel de sacrifice humain pour récupérer de l’adrénochrome, un supposé corps corporel. substance aux propriétés régénératrices dans le mythe du complot QAnon. Le message a été vu trois millions de fois. Huit ans après la fantasmagorie PizzaGate, cinq ans après l’arrestation de Jeffrey Epstein, le monstre manichéen du complot trumpiste a digéré et intégré une nouvelle affaire morale.

Guillaume Audureau

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