Entre prison et détention, le parcours du principal suspect

Entre prison et détention, le parcours du principal suspect
Entre prison et détention, le parcours du principal suspect

Dans quelles conditions le principal suspect du meurtre de Philippine a-t-il été libéré début septembre ? La justice a-t-elle fait preuve de laxisme dans cette affaire ? Ces questions sont au cœur d’une polémique qui, dans un contexte très émotionnel, a rapidement pris une tournure politique. Agé de 22 ans et de nationalité marocaine, cet homme, arrêté en Suisse mardi 24 septembre, est soupçonné d’avoir violé et tué Philippine, une étudiante de 19 ans de l’université Paris-Dauphine. « La mort de cet étudiant est terrible. Mais honnêtement, on ne peut pas dire qu’il y ait des dysfonctionnements majeurs de la part de l’administration ou de la justice dans cette affaire. »estime Olivier Cahn, chercheur au Centre de recherches sociologiques sur le droit et les institutions pénales (CESDIP).

C’est avec un visa touristique que le jeune homme, alors âgé de 17 ans, est arrivé en France en juin 2019. En septembre, il a été écroué pour le viol d’une femme de 23 ans dans un bois de Taverny (Val-d’Oise). En octobre 2021, la cour d’assises du Val-d’Oise l’a condamné à sept ans de prison. « Ce n’était pas une peine clémente, étant donné qu’il était mineur et n’avait pas de condamnations antérieures », note un magistrat. Après avoir passé plus de quatre ans et demi derrière les barreaux, il a quitté le centre de détention de Joux-la-Ville (Yonne) le 20 juin, en liberté conditionnelle. Sans pour autant se retrouver à l’air libre.

Trois prolongations successives de détention

Considérant que l’individu représentait une menace pour l’ordre public, la préfecture de l’Yonne lui a notifié, deux jours avant sa libération, une obligation de quitter le territoire français (OQTF). Pour éviter qu’il ne se retrouve dans la nature en attendant son expulsion vers le Maroc, la préfecture l’a placé dans un centre de rétention administrative (CRA) à Metz. Le même 18 juin, la préfecture a envoyé une demande de laissez-passer consulaire au Maroc. Mais le 24 juin, les autorités marocaines ont répondu que la demande devait émaner de la Direction générale des étrangers en France (DGEF), qui dépend du ministère de l’Intérieur. Finalement, la demande de laissez-passer a été envoyée en bonne et due forme le 18 juillet par la DGEF.

Pendant ce temps, le jeune Marocain est toujours au CRA de Metz, avec l’aval de la justice. Sa privation de liberté ayant été prononcée par une autorité administrative, elle doit être contrôlée par un juge judiciaire. C’est ce qui se passe dans ce dossier. À trois reprises, la préfecture de l’Yonne demande une prolongation de la détention. À chaque fois, un juge des libertés et de la détention (JLD) donne son feu vert. Le 21 juin, il accorde une première prolongation de 28 jours, puis 30 jours le 20 juillet, et 15 jours le 19 août. C’est à la quatrième demande de prolongation, le 2 septembre, que tout est décidé. C’est alors la dernière demande possible. Le jeune homme a déjà passé 75 jours au CRA. Au 90e jour, il doit être libéré. ​​Même si le laissez-passer du Maroc, dont on est alors sans nouvelles, n’est pas arrivé.

« S’il avait su que le laissez-passer arriverait deux jours plus tard, peut-être que le juge aurait pris une décision différente. »

Cette fois, le JLD s’est opposé à la prolongation et a décidé de libérer le jeune homme. Le Parisienle magistrat constate que, certes, la personne concernée « ne fournit pas de preuve de logement ou d’insertion sociale ou professionnelle » et qu’il « n’a pas de revenus ». « Le risque de répétition des actes criminels, et donc la menace pour l’ordre public, ne peut être exclu », il croit. Mais il note que l’administration française « ne peut pas établir » qu’elle arrivera d’ici deux semaines pour obtenir le laissez-passer pour le Maroc puis son départ. Le jeune homme retrouve sa liberté le 4 septembre, avec une affectation dans un hôtel et une obligation de se présenter au commissariat. Une obligation qu’il ne respectera pas. Le 6 septembre, le laissez-passer arrive enfin du Maroc.

« Dans ce cas, il me semble difficile d’incriminer le JLD, Olivier Cahn le souligne. “S’il avait su que le laissez-passer arriverait deux jours plus tard, peut-être aurait-il pris une autre décision. Mais un JLD est aussi constitutionnellement garant de la liberté des personnes, qui ne peuvent être privées de leur liberté indéfiniment.” Le nouveau ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, a jugé nécessaire « développer notre arsenal juridique, pour protéger les Français ».

 
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