« Face au risque accru d’inondations rapides, nous devons réévaluer notre comportement »

« Face au risque accru d’inondations rapides, nous devons réévaluer notre comportement »
Descriptive text here
En quelques minutes, une averse tombe du ciel. Les crues soudaines comptent parmi les intempéries les plus spectaculaires et les plus meurtrières. Le bilan des dernières inondations dévastatrices de ce type, liées à la dépression Monica, s’élève à sept morts dans les départements du Gard et de l’Ardèche. L’occasion de revenir sur le danger souvent mal conscient que représentent ces intempéries qui ont vocation à devenir de plus en plus fréquentes avec Isabelle Ruin, socio-hydrologue au CNRS, spécialiste de la perception du danger et auteur d’une thèse sur le comportement. des automobilistes lors d’inondations rapides.

Dans chaque épisode d’inondations rapides, les automobilistes sont parmi les premières victimes, comment expliquer cela ?

Les crues éclair se produisent en raison de précipitations intenses, souvent localisées et de courte durée, qui provoquent un ruissellement impressionnant, affectant particulièrement le réseau routier. Les nombreux départements du sud de la touchés par ces épisodes de précipitations intenses sont également présents. de là des paysages vallonnés entrecoupés de nombreux petits torrents, à peine visibles et disséminés dans un paysage entrecoupé de nombreux axes routiers. Ainsi, dans des départements comme le Gard, les Alpes Maritimes, l’Hérault, le relief et l’augmentation des surfaces urbanisées imperméables favorisent l’accélération des vitesses d’écoulement, augmentant encore la capacité destructrice de l’eau.

Ces intersections et promiscuités entre le réseau routier et le réseau hydrographique sont autant de lieux sensibles où les automobilistes effectuant leurs trajets habituels peuvent être surpris par une montée des eaux rapide. Ainsi, l’exposition des populations à ce type d’événements ne se limite pas aux lieux de résidence ou de travail, mais elle est encore plus importante sur les routes car les voitures et leurs passagers sont très vulnérables à ces phénomènes. ruissellement localisé. Près de 40 % des décès lors de crues soudaines surviennent dans ces circonstances. Aux Etats-Unis, le chiffre est encore plus impressionnant, notamment au Texas (jusqu’à 70 %) où les déplacements en voiture sont la règle et les passages à gué sont monnaie courante.

En période de pluie, la première difficulté est donc de se rendre compte à quel point il est dangereux de voyager dans ces conditions. Mais bien souvent, en tant qu’automobiliste, nous sommes en mode « pilote automatique » et notre attention est focalisée sur l’objectif de notre trajet. Il peut donc être difficile d’évaluer si les pluies et la quantité d’eau sur la route sont suffisamment graves pour remettre en cause nos horaires rigides.

La voiture procure également un faux sentiment de sécurité. Peu de gens réalisent la force de l’eau et le danger qu’elle représente, surtout en voiture. Le véhicule est perçu comme une résidence secondaire, procurant un sentiment de contrôle et de sécurité. Mais, outre le risque d’aquaplaning, lorsqu’il y a 30 cm d’eau et que l’on roule, la voiture est très vite soulevée par la poussée d’Archimède et devient vite incontrôlable. Ensuite, une fois que l’eau atteint les portes, il devient difficile de les ouvrir et bien souvent les vitres électriques ne fonctionnent plus car le moteur est noyé. La voiture se transforme alors en un véritable piège.

Cette vidéo de prévention rappelle qu’en cas d’inondation, 30 cm d’eau suffisent à emporter un véhicule, et que depuis cette profondeur d’eau, ouvrir une porte peut être difficile pour de nombreux enfants et adultes.

Alors pourquoi les gens continuent-ils à conduire par si mauvais temps ?

Nous sommes généralement plus facilement conscients du risque sur notre lieu de résidence ou de travail car nous avons une meilleure idée de notre environnement immédiat pratiquée au quotidien. Si vous êtes propriétaire, vous apprenez également lors du processus d’achat si vous êtes dans une zone inondable ou non. D’autant qu’à ces endroits, la protection du bâtiment nous rend moins vulnérables aux phénomènes de ruissellement localisés. En revanche, le risque encouru lors de nos voyages est impensable, et pourtant c’est là que nous sommes les plus vulnérables.

La dangerosité de nos déplacements quotidiens lors d’épisodes pluie-inondation est en effet mal évaluée. Contre-intuitivement, ce sont par exemple les petits cours d’eau, souvent à sec au cours de l’année, qui seront les plus dangereux pour les automobilistes en cas de crues rapides. Car le danger est lié à la taille du bassin versant, c’est-à-dire à la surface de captage des eaux : plus celle-ci est petite, plus la durée qui sépare les pluies des crues est courte. Ainsi, quelques dizaines de minutes suffisent parfois pour transformer un filet d’eau en torrent déchaîné. Mais lorsqu’on interroge les résidents sur le cours d’eau le plus proche de leur domicile, ils citent généralement la grande rivière où ils voient régulièrement de l’eau et oublient le tout petit ruisseau. En période de crue, ils penseront donc à éviter les zones autour des grands fleuves, mais ne se diront pas forcément qu’ils doivent modifier leur itinéraire pour éviter ce petit ruisseau tout proche de chez eux qui, il y a quelques heures encore, était à sec.

Lors de fortes pluies, de petits ruisseaux asséchés peuvent soudainement voir arriver une grosse vague.

Outre les dangers posés par l’habitacle de la voiture et la proximité d’un cours d’eau, la route elle-même présente-t-elle également des risques ?

Oui, sur la route, au début d’un épisode pluie-inondation, il est difficile d’évaluer la hauteur de l’eau. Souvent l’eau est trouble et il est difficile de se faire une idée de sa profondeur. De plus, la violence du ruissellement provoque souvent des dommages aux fondations ou au revêtement routier pouvant créer des effondrements difficiles à détecter avec la faible visibilité liée aux conditions météorologiques. Il pleut aussi, donc intuitivement nous préférons rester au sec à l’intérieur de notre véhicule plutôt que de sortir et de nous réfugier à pied dans un endroit plus élevé.

Les régions récemment touchées sont en effet habituées aux inondations rapides. Cependant, leurs principales victimes sont généralement des habitants qui connaissent les risques et leur territoire. Cela peut paraître contre-intuitif…

Oui, c’est effectivement frappant. Une enquête réalisée il y a une quinzaine d’années auprès des touristes montrait qu’ils annuleraient plus facilement leurs voyages et activités que les locaux, en situation d’alerte.
Pour comprendre ce comportement des habitants du pourtour méditerranéen fréquemment exposés à ces événements, il faut être conscient que les crues rapides sont très difficiles à prévoir et à localiser avec certitude. Ainsi, les habitants sont alertés plusieurs fois par an par des alertes pluie-inondation (celles utilisées pour prévenir les crues rapides) de niveau orange (niveau 3 sur 4) qui sont émises à l’échelle d’un département. Or ces événements sont frappants, finalement, à une échelle bien moindre que celle du département. Dès lors, la vigilance orange pourrait perdre son caractère dangereux et avoir tendance à être sous-estimée. Lorsqu’ils prendront la décision de vaquer à leurs activités quotidiennes ou d’éviter toute exposition, les résidents seront facilement tentés de continuer à faire comme prévu initialement, car le pire n’est pas certain.
Malheureusement, c’est en alerte orange et non rouge que surviennent la plupart des décès. En alerte rouge, le sentiment de danger imminent est bien perçu, et les comportements sont généralement adaptés en conséquence. En vigilance orange, on est dans un entre-deux, on se dit « On ne va pas changer nos plans » d’autant qu’avec nos horaires rigides et chargés il est souvent difficile de bousculer nos routines quand la perception de danger dès le sa probabilité est loin d’être évidente.

Serait-il alors possible de mieux prévoir la localisation et le degré de risque ?

Malgré tous les progrès réalisés grâce aux radars météorologiques, une certaine incertitude demeurera toujours. Chacun doit donc être conscient que les informations ne peuvent être parfaitement fiables et précises.
Ce qui est sûr cependant, c’est qu’il va falloir s’adapter, car ces épisodes vont devenir plus fréquents et plus généralisés du fait du réchauffement climatique, de l’urbanisation et de l’exposition accrues, et toucher des régions françaises qui n’y sont pas habituées. Il va falloir apprendre à vivre avec ce risque plutôt que de chercher à se cacher en pensant être abrités par des digues et des ouvrages de protection.

Les crues rapides font en effet partie des phénomènes météorologiques les plus meurtriers, car, du fait de la violence et de la rapidité de leur apparition (quelques dizaines de minutes à quelques heures), elles laissent très peu de temps aux personnes exposées pour se déclencher. protection. Elles touchent généralement de petites zones, mais le taux de mortalité rapporté au nombre de personnes exposées est ainsi bien plus élevé que pour les crues des grands fleuves qui se propagent très lentement (plusieurs jours).

Comment s’adapter ?

Comme nous pouvons le constater, les inondations rapides continuent de surprendre les gens dans leur vie quotidienne. La plupart du temps, ce sont les activités comme aller travailler ou aller chercher les enfants à l’école qui sont les plus difficiles à annuler. Les inondations sont donc plus meurtrières lorsqu’elles surviennent en semaine et pendant les temps de trajet. Il faudrait donc que tous les différents acteurs d’un territoire s’accordent pour intégrer plus de flexibilité dans leurs organisations quotidiennes. Que les employeurs acceptent par exemple, en cas d’alerte, d’éventuels retards ou un télétravail occasionnel.

Il faut aussi apprendre à changer nos réflexes. En état d’alerte, le premier réflexe est de vouloir rentrer chez soi et réunir la famille, alors récupérez vos enfants à l’école et prenez la route au moment le plus dangereux. Souvent, les réactions sont motivées par l’émotion, car l’inquiétude et parfois le manque de contact avec les proches conduisent à de mauvaises décisions. Cependant, le mieux serait que chaque membre de la famille se mette en sécurité dans un endroit en hauteur où il se trouve pendant les quelques heures de l’événement. A l’école, les enfants sont pris en charge car chaque école doit avoir un plan de sécurité spécifique (PPMS). Au travail comme à la maison, chacun doit préparer sa propre protection et celle de sa famille ou de ses salariés en cas de risque en mettant en œuvre son propre plan de sécurité familial.

Isabelle Ruin, Chercheuse, CNRS, Institut des géosciences de l’environnement, Université Grenoble Alpes (UGA)

 
For Latest Updates Follow us on Google News
 

PREV Ermittler lance une grande action ab Mittwoch – Anwohner rücken in den Fokus
NEXT Apple corrige au moins 16 vulnérabilités, mais affirme qu’une d’entre elles pourrait avoir été exploitée