Il y a des spectacles qui nous emportent comme des chansons, surtout quand ils nous plongent dans des histoires de famille qui mêlent le grand et le petit. La pièce commence par une rencontre amicale entre un producteur et un auteur en manque d’inspiration. On échange, on se taquine entre vieux amis, on plaisante. Petit à petit, Guillaume le producteur se met à murmurer à Eric l’auteur et réalisateur, les indices d’une histoire fantastique… Mais si ! Guillaume avait un grand-père chanteur, Charles Gentes, surnommé « La Voix d’or » qui se produisait avec sa femme dans les cabarets de Montmartre et dans les premières émissions de télévision dans les années 1950. Aux Trois Ânes et à Patachousera donc le point de départ d’une histoire vraie, celle d’un homme pris dans l’étau de la Seconde Guerre mondiale et dans la résistance armée, mais qui a pu, grâce à son talent vocal et sa beauté physique, avoir son heure de gloire.
La pièce d’Eric Bu, metteur en scène, et Thibaud Houdinière, metteur en scène, déroule ses pépites musicales et familiales de la France à l’Egypte, laissant derrière elle la vie de femmes et de jeunes filles, soumises à l’extrême violence du traumatisme. Elodie Menant, Sandrine Seubille, Grégory Benchenafi, Stéphane Giletta, Benjamin Egner et Charlie Fargialla sont les remarquables interprètes de cette histoire où chacun joue, chante et danse. Dans une mise en scène artisanale à la poésie baroque, on chante Aznavour, Ferré et Brassens, on aime et on se dispute, on s’embrasse et on se déchire. Stéphane Isidore accompagne tout ce monde au clavier, tout en soufflant dans son mini harmonica et c’est étonnant. On aura vécu mille vies, traversé le XXe siècle, connu des personnages réels façonnés par la fiction du théâtre. Un régal.
Hélène Kuttner
