« Le sentiment anti-japonais existe depuis longtemps » dans le pays

« Le sentiment anti-japonais existe depuis longtemps » dans le pays
« Le sentiment anti-japonais existe depuis longtemps » dans le pays

Pour Tokyo, le meurtre d’un garçon de dix ans, poignardé à mort alors qu’il se rendait à l’école à Shenzhen mercredi dernier, est un symbole du sentiment antijaponais en Chine. Pékin, de son côté, demande à l’archipel voisin de réagir de « manière calme et rationnelle », insistant sur le fait qu’il ne s’agissait que d’un « incident isolé ». Mais le pays du soleil levant, secoué par cet incident brutal, insiste sur la date symbolique à laquelle il a eu lieu. Car le 18 septembre, surnommé le « jour de l’humiliation » en Chine, est l’anniversaire de « l’incident de Mukden ».

En 1931, Tokyo fait exploser un tronçon de voie ferrée à Mukden, dans le nord-est de la Chine. Accusant Pékin d’avoir mené l’attaque, le Japon saisit l’occasion pour envahir la Mandchourie. C’est le début de la deuxième guerre sino-japonaise. « La référence historique est très claire. La Chine, mais aussi d’autres voisins du Japon, ont de très mauvais souvenirs de la Seconde Guerre mondiale » [qui va rapidement suivre] « Le Japon, contrairement à l’Allemagne, n’a jamais fait son autocritique, ce qui lui est reproché dans la région », analyse Jean-Philippe Béja, directeur de recherche émérite au CNRS et au CERI.

Le Japon, cet « ennemi commun »

Malgré les années, le ressentiment reste présent et le souvenir douloureux de la Seconde Guerre mondiale, et plus particulièrement de la Seconde guerre sino-japonaise – surnommée « la guerre de résistance aux Japonais » en Chine – reste présent. Ainsi, en 2023, 63 % des Chinois déclaraient avoir une opinion négative du Japon, selon un sondage du think tank japonais Genron NPO. Un sentiment entretenu par le gouvernement. « La lutte contre le Japon est l’un des éléments de propagande du Parti communiste chinois, qui se légitime en se présentant comme le grand vainqueur » de ce conflit, explique Jean-Philippe Béja.

« La culture populaire, les séries télé, les films et la propagande présentent les Japonais comme hostiles. Cela permet au régime de ramener le pays autour d’un ennemi commun », explique le sinologue. Certains nationalistes extrémistes s’appuient sur ces éléments pour entretenir une haine aveugle contre les Japonais. Si les motivations de l’agresseur de 44 ans de ce petit Japonais ne sont pas encore connues, ce n’est malheureusement pas la première attaque de ce type en Chine.

Les étrangers, ces « espions potentiels »

En juin dernier, un homme avait poignardé un enfant japonais et sa mère à un arrêt de bus. Un préposé chinois au bus scolaire avait été tué après être intervenu. Cette tragédie avait de nouveau été qualifiée d’« incident isolé » par le régime chinois. À l’été 2023, après une attaque à la pierre contre l’ambassade du Japon en Chine, Tokyo avait conseillé à ses citoyens de ne pas parler japonais trop fort dans les rues chinoises. Après ce meurtre commis la semaine dernière, la majorité des grands groupes japonais établis en Chine ont à leur tour appelé leurs employés japonais à la prudence. Panasonic a même proposé de couvrir les frais des expatriés japonais qui souhaiteraient revenir temporairement au pays.

Sur Internet, de nombreuses voix ont appelé à la fermeture des écoles japonaises, estimant qu’elles formaient des « espions étrangers » sur le sol chinois. La ministre japonaise des Affaires étrangères, Yoko Kamikawa, a également appelé Pékin à prendre des mesures contre « les messages malveillants et antijaponais sur les réseaux sociaux, notamment ceux concernant les écoles japonaises, qui ne reposent sur aucun élément factuel », ce que le régime a depuis fait. « Le régime chinois martèle que tous les étrangers sont des espions potentiels. Ils sont gênés par cette affaire car malgré leurs discours sur les étrangers, ils espèrent qu’ils vont investir en Chine, mais il y a de moins en moins d’investissements étrangers », contextualise Jean-Philippe Béja.

Missiles balistiques et eau de Fukushima

Pour autant, « il n’y a rien de dramatiquement nouveau dans cette histoire », relève Jean-Philippe Béja, qui rappelle que « le sentiment antijaponais existe depuis longtemps en Chine ». Dans les années 2000 et 2010, des manifestations antijaponaises ont éclaté à plusieurs reprises dans le pays. Par exemple, en 2010 et 2012, des milliers de Chinois ont défilé contre le Japon à propos du conflit territorial autour des îles Senkaku, qui appartiennent à Tokyo et que Pékin revendique.

Pékin a procédé mercredi à un essai de missile balistique intercontinental dans le Pacifique, sans prévenir le Japon. Tokyo a évoqué une « grave préoccupation » même si de tels essais n’avaient apparemment pas eu lieu depuis des décennies. « Ces tensions sont courantes dans la région et sont parfois remises à l’ordre du jour quand cela arrange l’un ou l’autre », explique Jean-Philippe Béja, qui ajoute que les tensions ont toutefois été moins importantes récemment.

En effet, après un refroidissement des relations, la Chine s’inquiétant du rejet des eaux de la centrale nucléaire de Fukushima dans l’océan, et ce, malgré l’approbation de l’AIEA, les importations de produits japonais ont repris en Chine vendredi dernier. Ce mercredi, Taïwan a emboîté le pas et a assoupli les restrictions sur les importations de produits alimentaires japonais. De quoi probablement apaiser un peu Tokyo…

 
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