« Pour justifier leur acte, ils ont dit que mon fils était un pédophile… »

« Pour justifier leur acte, ils ont dit que mon fils était un pédophile… »
« Pour justifier leur acte, ils ont dit que mon fils était un pédophile… »

l’essentiel
« Quand la police m’a appelée ce dimanche midi, je ne voulais pas y croire… » Le 27 juin 2021, Fabienne Steiner-Gaudez apprenait la mort de son fils, Hadrien, qui avait été tabassé la veille au soir à plusieurs kilomètres de son domicile d’Albi : sous le pont de l’Alzou, à Villefranche-de-Rouergue. Il avait 31 ans. Elle témoigne aujourd’hui dans nos colonnes.

Ce jeudi 26 septembre 2024, devant la cour d’assises de l’Aveyron, cinq personnes prendront place dans le box des accusés. Deux d’entre elles devront répondre de ce meurtre, qualification retenue contre elles, les trois autres d’abstention volontaire d’empêcher un crime. Toutes devront s’expliquer sur cette soirée barbecue, qui s’est soldée par une violence inédite, et sur les motivations encore floues de ce crime. Avant l’ouverture des débats, qui devraient durer jusqu’au jeudi 3 octobre, la mère d’Hadrien a tenu à prendre la parole. Pour rendre hommage à son fils mais aussi pour « que justice soit faite ».

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Le procès pour le meurtre de votre fils s’ouvre ce jeudi à Rodez, devant la cour d’assises. Qu’en attendez-vous ?

Ce procès est nécessaire. Il ne ramènera pas mon fils, mais il lui rendra justice. Je n’ai pas eu accès à toute l’enquête, donc je vais découvrir certaines choses. Même si aux côtés de mes avocats (Mes Chantal et Michaël Corbier D’Hauteville, du barreau de Montpellier, NDLR), j’ai été informé de la majeure partie du dossier. Je pense surtout qu’il est important que ce procès contribue à protéger la société de certaines personnes qui sont si dangereuses…

Les premiers jours du procès seront notamment consacrés à la personnalité des accusés. Deux d’entre eux sont des récidivistes : l’un avait déjà été condamné pour meurtre, l’autre pour viol. Attendez-vous quelque chose de leurs explications ?

Le pire pour moi et tous les proches de mon fils a été de lire au cours de cette procédure les motifs totalement inventés par ces gens pour justifier leur acte : ils ont dit que mon fils était pédophile, qu’il était homosexuel… Tout est faux et il n’est pas possible de dire quoi que ce soit pour légitimer un tel acte. J’ai un peu peur de ce qu’ils diront au cours du procès, mais je serai vigilante pour que la mémoire de mon fils ne soit pas ternie. J’ai pu lire les portraits psychologiques des deux principaux accusés, qui se rejettent mutuellement la responsabilité du dernier coup fatal.

L’un a déjà tué, est sorti de prison et a recommencé. Je crains donc qu’on ne puisse plus rien attendre de lui. Le plus important, je pense, c’est qu’il ne puisse plus faire de mal à l’extérieur. Il est un danger pour la société. L’autre accusé principal ne sait ni lire ni écrire, il a déjà violé. Je ne sais pas s’il a un avenir, je l’espère. Je n’ai pas vraiment de haine. J’espère surtout qu’ils regrettent leurs actes. Cela nous a été dur d’entendre que l’un d’eux a pu demander sa libération à plusieurs reprises. Même si on n’a pas eu de chance dans la vie, avoir été frappé par des parents alcooliques, ce n’est pas pour ça qu’on tue plus tard ! Ils m’ont pris mon fils, ils ne pourront plus me prendre : que justice soit faite.

Votre fils Hadrien avait 31 ans. En proie à des problèmes psychiatriques, il alternait hospitalisations et sorties. Quel genre d’enfant était-il ?

Mon fils était schizophrène, mais il n’était ni pédophile ni rien de ce qu’on aurait pu dire. Hadrien a toujours été mystérieux. Enfant, il avait des difficultés d’apprentissage, et son comportement était toujours plus enfantin que son âge. Nous avons appris sa maladie après ses travaux de BEP et de Bac pro paysagiste. Depuis, c’était un combat permanent à ses côtés. Hadrien était avant tout une personne très gentille, toujours là pour ses amis.

Il était toujours généreux envers les autres. Il avait aussi un côté très naïf, il donnait facilement sa confiance et cela peut aussi expliquer ce qui s’est passé. C’était la proie idéale pour les prédateurs. Il ne voyait pas le mal et je l’ai sorti de plusieurs situations où sa gentillesse était abusée. Il avait 31 ans, mais 12 ans dans sa tête.

Il habitait Albi. Savez-vous ce qui a bien pu l’amener à Villefranche-de-Rouergue le 26 juin et à participer à ce barbecue au bord de l’Alzou ?

Il avait son propre appartement à 150 mètres de chez moi. J’ai demandé au juge d’enquêter sur son trajet jusqu’à Villefranche. J’espère le savoir lors du procès. Je ne sais même pas comment il a pu y arriver, car il avait peur des transports en commun… En tout cas, il avait une affection particulière pour cette ville. C’était pour lui un idéal de nature. Il avait souvent envie d’y aller pour se ressourcer. Hadrien a toujours aimé la nature. À Albi, par exemple, il affectionnait particulièrement l’échappée verte, un sentier de randonnée bordé d’arbres à côté d’un ruisseau en contrebas de la ville. Il aimait ces endroits. C’est ici que reposent ses cendres.

Votre vie à ses côtés fut aussi celle d’un combat acharné contre la maladie…

Comme je le disais : avec Hadrien, j’ai appris à parler « la deuxième langue schizophrène ». Le problème, c’est qu’après sa majorité, je n’avais plus vraiment de contrôle sur ses hospitalisations. Je me suis toujours battue pour qu’il ait un suivi, car dès qu’il prenait son traitement, il allait bien. Mais parfois, ses angoisses revenaient et il m’appelait pour l’emmener à l’hôpital psychiatrique du Bon Sauveur, à Albi. La période du Covid a été très éprouvante pour lui. Début juin 2021, je l’ai déposé devant l’établissement pour qu’il soit admis, car il n’allait pas bien du tout. C’est lui qui me l’a demandé.

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Hélas, il n’a pas été pris en charge en raison d’un afflux de patients trop nombreux. Malheureusement, je n’ai pas été prévenue, car lors de sa dernière hospitalisation, une erreur administrative avait été commise par le BS et j’avais perdu tout droit de regard sur les soins prodigués à mon fils. Cela a changé son destin, car une semaine plus tard, il était à Villefranche-de-Rouergue… J’avais senti qu’il se passait quelque chose, et je le cherchais partout dans Albi… La baie vitrée de son appartement était fermée. Ses proches m’ont dit qu’ils ne l’avaient pas vu depuis longtemps. Lorsque le dimanche 27 juin à midi, la gendarmerie de Villefranche-de-Rouergue m’a appelé, je savais que c’était pour Hadrien, mais je ne voulais pas y croire.

Ce ne sera pas l’objet de ce procès, mais je souhaite faire passer ce message sur la difficulté de prendre en charge des parents confrontés à la maladie de leurs enfants. Lorsqu’ils sont adultes, nous n’avons plus aucun droit sur leur suivi. On m’a dit pendant l’intervention que c’était « un autre combat ». Mais c’était aussi le mien. Et c’était un combat quotidien.

Cinq accusés, une semaine de procès

Pendant une semaine, jusqu’à jeudi prochain, jour où est attendu le verdict du jury de la cour d’assises de l’Aveyron, cinq accusés comparaîtront dans le cadre du meurtre d’Hadrien Gand. Les deux principaux accusés, ayant reconnu l’agression, encourent la réclusion criminelle à perpétuité. A leurs côtés, un couple devra expliquer son abstention volontaire d’empêcher un crime. Le duo était présent au barbecue fatal, tout comme le cinquième accusé : l’homme qui a invité la victime… Les débats seront présidés par Sylvie Rouanne, ancienne juge du tribunal de Rodez.

 
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