Entre la fermeture et le partage du code, est-ce « juste » ?

Entre la fermeture et le partage du code, est-ce « juste » ?
Entre la fermeture et le partage du code, est-ce « juste » ?

Dans le domaine du logiciel libre, la licence open Source peut vite devenir controversée. Rejetées par ce milieu qui considère que leurs logiciels ne sont pas suffisamment libres pour être qualifiés d’« ouverts », des startups comme Sentry poussent un nouveau terme : « fair Source ».

Mise à jour le mardi 24 septembre à 10h50 :ajout de la réaction d’Avril en fin d’article.

Un logiciel peut-il être équitable ? Et qu’est-ce que cela signifie ? Après avoir vu fleurir dans nos magasins des produits « issus du commerce équitable », verrons-nous nos logiciels afficher « Source équitable » ? Les questions de licences dans les logiciels sont toujours délicates.

En tout cas, c’est l’expression, « Source équitable »que certaines startups comme Sentry ou Keygen utilisent pour décrire leurs logiciels. Dans un article de blog, Sentry, une startup valorisée à plus de 3 milliards de dollars en 2022, donne sa définition du terme :

Un logiciel « Fair Source » est un logiciel qui :

  • est lisible publiquement ;
  • permet l’utilisation, la modification et la redistribution avec des restrictions minimales pour protéger le modèle économique du producteur ;
  • et fait l’objet d’une publication Open Source différée (DOSP) »

L’entreprise cite plusieurs licences qui seraient compatibles avec cette définition. D’abord la sienne, la Functional Source License (FSL), évidemment, mais aussi la Core License de Keygen et la Business Source License (BSL) de MariaDB.

La FSL, par exemple, convertit automatiquement le code publié en une licence Apache 2.0 ou MIT gratuite après deux ans et prétend éviter le phénomène de « passager clandestin » (le lien vers la page Wikipédia est réalisé par Sentry sur le site de la licence).

Réponse à un bad buzz de l’année dernière

Sentry est une entreprise qui propose des logiciels de surveillance de code et de diagnostic de bugs. Son logiciel phare, comme l’explique TechCrunch, est utilisé par des entreprises comme Microsoft et Disney. En 2019, elle a changé sa licence de 3-Clause BSD à BSL créée par MariaDB.

Sentry a également acquis Codecov fin 2022 et a utilisé en août 2023 le terme « open Source » pour décrire son code, lui aussi sous Business Source License, s’attirant les critiques de la communauté car cette licence n’est pas approuvée par l’Open Source Initiative (OSI). Adam Jacob, créateur du logiciel libre Chef, a suggéré aux entreprises qui souhaitaient utiliser des licences comme la BSL de se regrouper pour créer une « confédération informelle » d’utilisateurs de licences avec des clauses empêchant la concurrence. C’est en le prenant au mot que Sentry propose le terme « fair Source » et sa définition.

Sentry justifie son choix de ne pas utiliser de licence libre. L’open Source n’est pas un modèle économique – l’open Source est un modèle de distribution, c’est avant tout un modèle de développement logiciel « , explique à TechCrunch Chad Whitacre, responsable open Source de l’entreprise. En fait, cela limite considérablement les modèles commerciaux possibles, en raison des conditions de licence. ” ajoute-t-il.

Le danger de la confusion ?

Mais l’introduction d’un nouveau terme peut parfois ajouter à la confusion. Par exemple, lorsque Deepl est invité à traduire « fair Source », le service traduit le terme par « free software ».

Amanda Brock, PDG d’OpenUK, a répondu à Adam Jacob en mai dernier qu’il n’était pas nécessaire de compliquer les choses et a expliqué que ce que Sentry appelle un « code équitable » il s’agit de toute licence non approuvée par l’OSI qui partage la Source « On peut aussi se poser la question de l’utilisation du terme « équitable ». Un code qui ne serait pas dans une licence « code équitable » serait-il injuste ?

Interrogé par Next, le lobby des sociétés de logiciels libres CNLL, nous fait part de son attachement « aux définitions précises de l’OSI (pour « open Source ») et de la Free Software Foundation (pour « logiciel libre »), tout en notant qu’elles varient précisément dans leur degré de précision et la latitude qu’elles laissent à l’interprétation. « dont il considère les définitions comme équivalentes » en pratique « .

Pour son coprésident, Stéphane Fermigier, « Les acteurs qui appartiennent à l’écosystème open Source / logiciel libre peuvent en effet proposer différentes définitions qui répondent à leur besoin de créer des licences spécifiques à leur métier ou à leurs choix éthiques. Pour moi, il n’y a rien de mal à cela tant que cela ne crée pas de risque de confusion. De ce point de vue, « Fair Source » semble respecter ce principe qui me paraît fondamental, à condition que personne ne sous-entende que c’est la nouvelle définition de l’open Source par exemple. Il est possible que de nombreux éditeurs open Source adoptent cette définition et l’une des nouvelles licences qui la respectent, ce qui aura forcément un impact négatif sur l’écosystème open Source « strict » et probablement aussi pourrait provoquer une érosion de la marque « open Source » (ou « logiciel libre ») « .

De son côté, interrogée par Next, l’April affirme que « L’objectif de Fair Source est de légitimer, de rendre honorable, une politique de licences rejetée notamment par la Free Software Foundation et l’Open Source Initiative, en lui trouvant une famille adoptive. Comme celle-ci n’existe pas, les éditeurs l’ont créée de toutes pièces et ont même trouvé une bannière – Fair Source – qui entretient la confusion (comme à l’époque du programme « shared Source » de Microsoft, même si les licences Fair Source sont bien moins toxiques que celles de Microsoft) ” Elle ajoute que ” Fair Source est une pure campagne de communication, qui durera jusqu’à ce que le terme prenne une connotation péjorative. « .

 
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