Une mousson destructrice renforcée par le changement climatique

Une mousson destructrice renforcée par le changement climatique
Une mousson destructrice renforcée par le changement climatique

Plus de 2,5 millions de personnes touchées et au moins 465 morts. C’est le bilan provisoire des pluies torrentielles et des inondations qui ravagent l’Afrique centrale et de l’Ouest depuis plusieurs semaines, publié début septembre par leETLes catastrophes naturelles se sont poursuivies en septembre, portant le bilan à plus de 900 morts, selon Le monde.

Dans la vaste région du Sahel, et un peu au nord de celle-ci, les pluies torrentielles du mois d’août ont été 120 fois supérieures à celles du mois précédent. % à 600 % par rapport à la moyenne des années 1991-2020, selon l’analyse du Centre régional pour le climat en Afrique de l’Ouest et au Sahel. Les inondations destructrices s’étendent du Sénégal à l’ouest au Soudan à l’est.

Le nord du Tchad est l’une des régions les plus touchées, avec près de 1,7 million de personnes touchées et 503 morts au 21 septembre, selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies. Au Nigéria, le barrage d’Alau a été détruit par la puissance des eaux, submergeant partiellement la ville de Maiduguri, comme le montrent les images satellites ci-dessous :

La survenue de pluies intenses n’est pas, dans l’absolu, une surprise au Sahel : la région est soumise chaque année à de fortes précipitations pendant la mousson, qui s’étend de juin à octobre environ. Mais deux phénomènes ont rendu la mousson extrême cette année.

D’abord, la mousson s’est propagée plus au nord que d’habitude. Le nord du Tchad, particulièrement touché, n’est habituellement pas touché par la mousson. « Mes collègues là-bas n’avaient jamais vu ça. Là-bas, c’est la porte d’entrée du Sahara. La mousson est arrivée dans une zone vraiment inhabituelle. »affirme Benjamin Sultan, climatologue et directeur de recherche à l’Institut de recherche pour le développement (IRD).

Ensuite, même là où la mousson est un phénomène normal, elle est cette année d’une intensité rare. « Il existe une variabilité naturelle et décennale dans la quantité de pluie déversée par la mousson.explique Françoise Vimeux, également climatologue à l’IRD. Depuis le milieu des années 2000, nous sommes dans une phase où la mousson est plus active. »

Cette variabilité est-elle d’origine purement naturelle ou le réchauffement climatique d’origine anthropique influence-t-il ces mécanismes ? Pour comprendre cela, revenons sur le fonctionnement de la mousson.

Plus l’air est chaud, plus il peut contenir d’humidité. Les masses d’air chaud transportent donc de grandes quantités de vapeur d’eau. Mais l’air chaud a une autre propriété : il est moins dense que l’air froid et a donc tendance à monter en altitude (c’est ce qui fait voler les montgolfières, par exemple). En s’élevant, il se refroidit et perd sa capacité à retenir l’eau : l’eau se condense, ce qui forme des nuages, puis de la pluie. La rencontre de masses d’air aux propriétés différentes peut provoquer ce type de réaction.

« Les précipitations ont tendance à être de plus en plus intenses »

« Tout est une question de contrasterésume Benjamin Sultan. La mousson résulte du contraste entre la température de l’air chargé d’humidité venant de l’océan et celle de l’air venant des continents. Le relief joue également un rôle : lorsque les alizés arrivent perpendiculairement à la masse d’air continentale, et sont confrontés à des reliefs continentaux très élevés, cela augmente la capacité de l’air à s’élever. Il devient plus froid et doit libérer de l’eau sous forme de précipitations. »

Le changement climatique affecte tout cela de différentes manières. Tout d’abord, il tend à rendre les précipitations plus intenses car l’air contient plus d’humidité et donc plus de pluie potentielle. La relation est linéaire : pour chaque degré de chaleur supplémentaire, l’air peut contenir 7 % d’eau en plus. « C’est vrai partout dans le monde, y compris en : quand il pleut, les pluies ont tendance à être de plus en plus intenses. »note le climatologue.

Une mousson de plus en plus extrême

C’est également ce que nous observons ces dernières années pour la mousson au Sahel. « De graves inondations ont également eu lieu en 2022 au Tchad, au Nigéria et dans le bassin du Niger. Une étude d’attribution a ensuite montré que l’événement avait été rendu jusqu’à 80 fois plus probable par le changement climatique dans la région du lac Tchad, et jusqu’à 20 fois plus probable par la suite. % plus intense »rapporte Françoise Vimeux.

Le chapitre du dernier rapport du GIEC consacré à l’Afrique alerte sur le fait que la fréquence et l’intensité des fortes pluies vont augmenter, notamment au Sahel, quel que soit le scénario de réchauffement, augmentant l’exposition aux inondations. Les différents modèles climatiques utilisés par les chercheurs convergent vers la même conclusion : lorsque des pluies extrêmes tombent pendant la mousson, elles risquent de devenir de plus en plus violentes sous l’effet du changement climatique.

Avec une subtilité importante : « Si les modèles s’accordent sur l’évolution des précipitations extrêmes, ils ne s’accordent pas tous sur l’évolution des cumuls pluviométriques pendant la mousson. Certains montrent une augmentation, d’autres l’inverse, il existe donc une forte incertitude sur ce cumul saisonnier. »explique Françoise Vimeux. Autrement dit, même si des épisodes pluvieux de plus en plus intenses vont concentrer les précipitations, il n’est pas certain que le Sahel reçoive au cours de la saison une quantité totale d’eau plus importante qu’auparavant.

Mécanique du vent

Un autre effet du changement climatique influence la mousson : les continents se réchauffent plus vite que les océans. Ces derniers, étant très profonds, emmagasinent la chaleur avec une inertie bien plus grande. Résultat : le contraste thermique augmente, ce qui amplifie la mousson.

Ce contraste pourrait également expliquer la montée exceptionnelle de la mousson vers le nord. « Plus il fait chaud, plus la dépression thermique du Sahara a le pouvoir d’attirer les vents du sud. »“Un peu comme des engrenages mécaniques, ces vents secs qui tournent en sens inverse des vents de mousson les font monter vers le nord, jusqu’à ce que leur montée en altitude provoque ces pluies intenses”, a déclaré Benjamin Sultan.

Mais cette hausse ponctuelle est également complexe à projeter dans le futur. « On ne sait pas encore quels autres mécanismes pourraient être à l’origine de cette augmentation de la latitude de la mousson. Il faut encore l’étudier plus en détail. »ajoute Françoise Vimeux.

Un besoin crucial d’adaptation

Reste un facteur déterminant dans la survenue de ces catastrophes : l’adaptation. La rupture dramatique du barrage d’Alau au Nigeria en septembre dernier en est une illustration : adapter nos infrastructures et l’aménagement du territoire (renforcer les ouvrages anciens, limiter l’artificialisation des sols qui aggrave les inondations, etc.) sont cruciaux pour que les aléas climatiques extrêmes deviennent le moins possible des vulnérabilités humaines.

Un rapport de l’Organisation météorologique mondiale publié début septembre a souligné l’exposition particulièrement élevée de l’Afrique subsaharienne aux aléas climatiques, mettant à rude épreuve le continent « charges et risques disproportionnés »Sans mesures adéquates, jusqu’à 118 millions de personnes extrêmement pauvres pourraient être exposées à la sécheresse, aux inondations et à la chaleur extrême en Afrique d’ici 2030.

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