Le djihadiste Peter Cherif reconnaît avoir participé à la détention de trois otages français au Yémen

Le djihadiste Peter Cherif reconnaît avoir participé à la détention de trois otages français au Yémen
Le djihadiste Peter Cherif reconnaît avoir participé à la détention de trois otages français au Yémen

Bien qu’il ait nié toute implication durant le procès, l’ancien djihadiste admet avoir servi d’interprète devant les juges.

Bien qu’il ait toujours nié toute implication dans les actes reprochés, le vétéran du jihad français Peter Cherif a reconnu mardi, lors de son procès devant la cour d’assises spéciale de Paris, avoir été l’un des geôliers de trois humanitaires français enlevés au Yémen en 2011.

« Je reconnais les faits (…). Je suis le traducteur. » qui servait d’interface entre les otages et leurs ravisseurs yéménites d’Al-Qaïda, a déclaré d’une voix faible l’accusé de 42 ans. Des déclarations inattendues du jihadiste, muet depuis le début de son procès, soupçonné notamment d’avoir joué un rôle aux côtés d’un des assaillants de Charlie Hebdo en janvier 2015, a eu l’effet d’un coup de tonnerre dans la salle d’audience réservée aux « grands procès ».

« Je regrette d’avoir participé à tout ça », « Je n’étais pas au courant du projet d’enlèvement » des humanitaires, a expliqué Peter Cherif debout dans sa loge en costume noir, chemise blanche et cravate. « C’était une situation compliquée pour moi »il a assuré. « Ce que j’ai pu faire, dire, c’était les ordres du chef ». « Si je n’avais pas été là, je suis convaincu que les conditions (de détention des otages) auraient été encore plus difficiles »il s’est justifié.

Face à face avec un ancien otage

Au cours de l’enquête, Peter Cherif a nié toute implication dans cet enlèvement. « Nous ne nous attendions pas à ces aveux »a admis Benjamin Chambre, l’un des procureurs généraux, avant de noter que « ces confessions » sont accompagnés d’un nouveau “légende” au bénéfice de l’accusé. Le magistrat s’est ainsi moqué des tentatives de l’accusé de minimiser son rôle, voire d’affirmer que sans lui la situation des otages aurait été pire.

Les bras croisés et la tête légèrement baissée, Peter Cherif a refusé de répondre aux questions du procureur antiterroriste. Avant les aveux tardifs de l’accusé, les enquêteurs avaient déjà établi qu’il était présent au Yémen lorsque les trois humanitaires français de l’ONG lyonnaise Triangle Génération Humanitaire ont été enlevés en mai 2011 par Al-Qaïda dans la péninsule arabique (AQPA).

Les déclarations de Peter Cherif interviennent après le témoignage émouvant devant le tribunal d’une des anciennes otages, Amélie, 45 ans, qui a reconnu l’accusé comme l’un de ses geôliers. « J’ai le sentiment que, clairement, c’est cette personne (sur le banc des accusés) qui était là » pendant notre détention, dit-elle. Elle souligne le “corpulence” de l’accusé, son « chevilles abîmées » correspondant à des blessures lors d’un saut en parachute à cette époque. Et surtout son “voix”qu’elle a entendu au tribunal lundi.

La dure histoire des conditions de détention

« Pourquoi reconnaître les faits maintenant ? »s’interroge la présidente de la cour d’assises spéciale, Frédérique Aline. « Je veux que Madame (Amélie) puisse tourner la page de cette histoire. J’assume mes responsabilités. Par respect pour cette personne. Le silence n’aurait pas aidé. »Peter Cherif répond : « Quand le président tentera d’obtenir des détails sur son séjour au Yémen, il redeviendra silencieux. »

Les trois humanitaires français ont été enlevés le 28 mai 2011 alors qu’ils rentraient chez eux dans la ville yéménite de Seyoun. “grotte” du désert puis vers d’autres lieux, ils ne seront pas libérés avant novembre 2011.

Amélie et les deux autres ex-otages, Pierre et Léa (qui ont tous deux témoigné par vidéo) ont décrit des conditions de détention très éprouvantes. La nuit notamment, les otages avaient des chaînes aux pieds. « Je me sentais comme un objet, une marchandise, comme rien »Amélie se souvient, la voix tremblante.

« Le procès n’est pas terminé »

Pour communiquer avec les ravisseurs qui ne comprenaient ni ne parlaient le français ou l’anglais, ils communiquaient avec « le traducteur »qu’ils avaient également surnommé « le Français » à cause de son français parfait. « Je regrette d’avoir contribué à vos souffrances… indépendamment de ma volonté. Je vous présente mes excuses. »Peter Cherif l’a dit aux anciens otages.

Arrêté à Djibouti en décembre 2018, Peter Cherif est jugé pour association de malfaiteurs terroriste. Outre son implication dans l’enlèvement de coopérants français au Yémen, il doit également répondre du rôle qu’il aurait joué dans le recrutement de son ami d’enfance, Chérif Kouachi, l’un des auteurs de l’attentat de Charlie Hebdo.

Juste avant la suspension de l’audience en début de soirée, l’avocat des parties civiles, Me Antoine Casubolo-Ferro, a exhorté l’accusé à ne pas se replier sur lui-même. « Le procès n’est pas terminé »Peter Cherif dit simplement avant, de manière lunaire, défendre le patriarcat.

 
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