que peut faire le ministre de l’intérieur par voie réglementaire ?

que peut faire le ministre de l’intérieur par voie réglementaire ?
que peut faire le ministre de l’intérieur par voie réglementaire ?

Interrogé sur les mesures qu’il comptait prendre concernant l’immigration, le nouveau ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, a estimé que des adaptations législatives pourraient être nécessaires. Néanmoins, le ministre a indiqué qu’il utiliserait son « pouvoir réglementaire pour aller jusqu’au bout de ce que nous pouvons faire », ajoutant qu’il pourrait « aller assez loin », et notamment sur la réforme de l’Aide médicale d’État (AME).

L’an dernier, lors des débats sur la loi sur l’immigration, le groupe LR avait plaidé pour une transformation de l’AME en Aide médicale d’urgence, restreignant ainsi son champ d’application. Un amendement, porté par le groupe LR de Bruno Retailleau, prévoyant le remplacement de l’AME avait également été voté au Sénat l’an dernier. La mesure avait finalement été abandonnée et la Première ministre de l’époque, Élisabeth Borne, avait promis une réforme de l’AME par voie réglementaire, sur la base du projet de loi sur l’aide médicale d’urgence. Rapport Evin-Stefanini. Enjeu clé pour la droite, la suppression de l’AME ne devrait cependant pas être possible par décret. Au moment des négociations pour l’adoption de la loi sur l’immigration, la droite avait obtenu un certain nombre de concessions du gouvernement (visant notamment à restreindre accès à l’aide personnalisée au logement ou à l’allocation personnalisée d’autonomie), avant que ces mesures ne soient censuré par le Conseil constitutionnel.

Sur l’AME, « les marges sont relativement faibles »

« La marge de manœuvre du ministre de l’Intérieur en matière réglementaire constitue une question constitutionnelle majeure : celle de la répartition des compétences entre le Gouvernement et le Parlement en matière législative, celle de la conciliation des articles 34 et 37 de la Constitution. En principe, dès qu’une liberté est atteinte, c’est au Parlement d’intervenir », précise Marie-Laure Basilien Gainche, professeure de droit public à l’université Lyon 3. Par ailleurs, l’Aide médicale d’État, créé par une loine peut être supprimée que par une autre loi.

« Pour l’AME, il faut une loi, et de plus, sa suppression serait contraire à la Constitution. Le passage à l’Aide médicale d’urgence est éventuellement possible, sous réserve de respecter la Constitution, mais là encore cela nécessite une loi. Les marges sont relativement réduites », estime Serge Slama, professeur de droit public à l’université Grenoble-Alpes. « Certaines choses peuvent être faites, mais à la marge », confirme Tania Racho, docteure en droit européen et spécialiste du droit de l’immigration. En revanche, s’agissant de l’AME, il est possible de modifier par décret certaines dispositions touchant à l’éligibilité des personnes au dispositif.

Dans son projet de réforme de l’AME par décret, le précédent gouvernement envisageait d’inclure les ressources du conjoint (Français ou étranger en situation régulière) dans les critères de ressources ouvrant droit à l’AME. Or, l’AME est réservée aux personnes gagnant moins de 847 euros par mois. « Le ministre de l’Intérieur peut potentiellement agir par voie réglementaire, notamment sur le calcul des critères d’éligibilité », confirme Tania Racho.

Ajustements marginaux dans le respect des obligations constitutionnelles et conventionnelles

D’une manière générale, l’autorité de régulation doit respecter les obligations constitutionnelles et conventionnelles énoncées dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et la Convention européenne des droits de l’homme. Par conséquent, la marge de manœuvre est limitée. « Le cadre européen encadre un certain nombre de situations, sur le regroupement familial par exemple », rappelle Tania Racho. Les modifications apportées par décret ne peuvent donc pas toucher aux droits fondamentaux comme le droit d’accéder à la prévention en santé et de bénéficier de soins médicaux. « Le principal obstacle pour le ministre de l’Intérieur, ce sont les droits fondamentaux », assure Serge Slama.

Le ministre de l’Intérieur a toutefois la possibilité de modifier les dispositions réglementaires relatives à l’immigration. Dans un avis du 26 janvier 2023, le Conseil d’État a estimé qu’il était possible de modifier, par décret, le niveau de langue requis (sur la base du Cadre européen de référence pour les langues) pour obtenir un titre de séjour. En outre, « il existe éventuellement la possibilité de modifier les décrets d’application, notamment ceux de la loi Darmanin », envisage Serge Slama.

« Dans le cadre de son pouvoir hiérarchique, le ministre de l’Intérieur peut influer sur les conditions de régularisation »

Au-delà du seul pouvoir réglementaire, Bruno Retailleau a déclaré vouloir « réunir les 10 préfets des départements où il y a le plus de désordre migratoire pour leur demander d’expulser plus et de régulariser moins ». Obligations de quitter le territoire français (OQTF) et décisions de régularisationIl s’agit notamment de mesures administratives prises par les préfets qui sont eux-mêmes placés sous l’autorité hiérarchique du ministre de l’Intérieur. Dans ce cadre, le ministre peut publier des circulaires, qui ne relèvent pas du pouvoir réglementaire, pour interpréter les dispositions normatives. « Dans le cadre de son pouvoir hiérarchique, le ministre de l’Intérieur peut donner des instructions aux préfets, il peut toucher aux conditions de régularisation qui est un pouvoir discrétionnaire des préfets », affirme Serge Slama. La régularisation peut se faire par le travail, pour des motifs liés au regroupement familial ou pour d’autres motifs. En 2012, la circulaire Valls a fixé des critères pour uniformiser le traitement des demandes formulées auprès des préfectures. Afin « d’expulser plus et de régulariser moins », le ministre de l’Intérieur pourrait donc procéder par circulaire.

Or, si la France est l’un des pays de l’Union européenne qui délivre le plus d’OQTF, c’est aussi celui qui observe l’un des taux d’exécution les plus faibles. La principale raison de ce faible taux d’exécution est l’absence de délivrance de laissez-passer consulaires par les pays vers lesquels le renvoi est effectué. « Nous avons un nouveau ministre de l’Intérieur qui tient le même discours que ses prédécesseurs depuis Charles Pasqua sur l’immigration et le résultat sera identique », ironise Serge Slama.

 
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