« Pour moi, c’était un paysan, pas un voyou »… Ces Géorgiens auraient-ils pu empêcher le meurtre ?

« Pour moi, c’était un paysan, pas un voyou »… Ces Géorgiens auraient-ils pu empêcher le meurtre ?
« Pour moi, c’était un paysan, pas un voyou »… Ces Géorgiens auraient-ils pu empêcher le meurtre ?

Il ne fallait pas placer trop d’espoir dans cette audience. Elle sera pourtant la seule, sauf appel, qui permettra de percer les nombreux mystères entourant le meurtre de Magali Blandin. Cette mère de famille de 42 ans a été tuée en février 2021 à son domicile de Montfort-sur-Meu, près de Rennes (Ille-et-Vilaine). Jérôme Gaillard, avec qui elle a eu quatre enfants mais dont elle était séparée depuis quelques mois, a fini par avouer l’avoir tuée de deux coups de batte de base-ball le 11 février 2021, avant d’enterrer son corps à Boisgervilly, tout près de chez elle.

Mis en examen pour meurtre, ce mari décrit comme un tyran qui dominait sa femme et l’avait récemment frappée, s’est donné la mort en novembre 2021 dans sa cellule de la prison d’Angers où il était incarcéré. Ses parents, complices du meurtre et qui avaient déjà perdu leur autre fils après une séparation, se sont eux aussi donné la mort en 2023 à leur domicile de La Turballe. Dans une lettre, ils expliquaient ne pas vouloir subir un procès qu’ils jugeaient immérité à leur encontre. Ce mardi, c’est donc sans les trois principaux accusés que la justice s’est penchée sur cette affaire hors norme.

« Je voulais juste rembourser la dette de mon cousin »

Dans la salle d’audience du tribunal correctionnel de Rennes, seuls deux des trois Géorgiens mis en examen dans cette affaire sont présents. Zaza, l’homme accusé d’avoir détruit la voiture ayant servi à transporter le corps de Magali Blandin, est en fuite. Son avocat n’a pas eu de ses nouvelles. Quant aux deux hommes présents, ils continueront de minimiser leur implication dans cette affaire de meurtre. Jugés pour tentative d’extorsion, les deux hommes avaient été accusés par Jérôme Gaillard de lui avoir volé 20 000 euros. Une somme versée par le mari pour faire tuer sa femme. Un contrat de mort qui n’aurait pas été exécuté et qui aurait « contraint » Jérôme Gaillard à agir lui-même. L’homme avait expliqué ne pas supporter la séparation et la perspective de perdre la ferme de ses parents mais aussi la garde de ses enfants. Le plus jeune des deux, qui avait reçu les confidences du meurtrier, est également jugé pour omission volontaire d’empêcher un crime.

Ce mardi, les deux hommes de nationalité géorgienne ont tenté d’expliquer à la cour leur rôle dans cette affaire, en essayant, bien sûr, de le minimiser. Et ce n’est pas simple. Severiani, qui parle difficilement le français, n’a plus d’avocat. Il lui est reproché d’avoir tenté de faire chanter Jérôme Gaillard lors de deux rendez-vous. « Je voulais juste récupérer la dette de mon cousin. Je ne connaissais personne, ni Magali, ni Jérôme, ni ses parents, ni personne. Je ne savais pas », explique-t-il, le corps tordu. Mal à l’aise, il ne semble pas mesurer l’ampleur de l’affaire pour laquelle il est jugé. Alors que l’audience s’éternise, il semble même s’endormir, manquant de tomber du banc sur lequel il est assis. Dans la salle, les parents et la sœur de Magali Blandin hochent parfois la tête, comprenant qu’ils n’obtiendront sans doute pas les réponses qu’ils espéraient de la bouche de cet homme visiblement dépassé par les enjeux.

The home of Jérôme Gaillard, husband of Magali Blandin, in Montauban-de-Bretagne, west of Rennes.– Mathieu Pattier

L’interrogatoire de Giorgi leur a peut-être apporté davantage de réponses. Cet homme, âgé d’une trentaine d’années et déjà condamné pour extorsion, connaissait bien Jérôme Gaillard. « Je l’ai rencontré à ma sortie de prison en 2019. Il avait hébergé mon frère. Je n’ai pas été surpris quand il m’a appelé, on se connaissait bien. Il voulait me voir car il disait avoir trouvé un client pour acheter ma caméra de télévision. » Une caméra qui avait été volée et qui servirait d’alibi à cet homme pour « faire chanter » Jérôme Gaillard. Car dès novembre 2020, il l’avait entendu parler de sa volonté de se débarrasser de Magali Blandin. Pourtant, il n’en a jamais parlé à personne. C’est pourquoi il est poursuivi pour non-empêchement volontaire d’un crime. Selon Jérôme Gaillard, Giorgi aurait même proposé à un tueur à gages de tuer sa femme, ce qu’il nie. Au lieu d’aller voir la police, il décide d’enregistrer les confidences de Jérôme Gaillard concernant son projet de tuer sa femme, avant de lui réclamer de l’argent pour acheter son silence.

Face aux questions, il s’effondre

Plus sûr de lui que sa compagne, Giorgi parle très bien français. Il avoue avoir voulu faire chanter Jérôme Gaillard pour récupérer de l’argent. « On a cru qu’il était coupable quand on a appris que Magali avait disparu. On a voulu profiter du fait qu’il nous devait de l’argent. C’est pour ça que je l’ai fait chanter. Je sais que ce n’est pas bien. » Le discours de ce type solide et large d’épaules va se briser au fur et à mesure que le président l’interroge, confronté à des déclarations fluctuantes. Puis il va s’effondrer brutalement devant l’avocat de la famille de Magali Blandin. « Vous connaissiez Magali ? Vous n’avez aucun regret ? », demande William Pineau. Le prévenu s’effondre. « Je ne pouvais pas l’empêcher de le faire, sinon je l’aurais fait. » Il pleure et enlève ses lunettes. « Je ne l’ai pas pris au sérieux, c’est pour ça que je n’ai rien fait. » « Je ne voulais pas créer de problèmes dans le couple. Pour moi, Jérôme Gaillard n’était pas un voyou, pas un criminel. » « C’était juste un paysan », répond Giorgi.

Dans sa plaidoirie, Me Pineau a fustigé l’attitude du prévenu. « Ce meurtre ne vous est pas légalement imputable. Mais humainement, monsieur, où êtes-vous ? Comment vous voyez-vous ? Vous avez parlé avec cet homme qui projetait de mourir. Mais si vous vous levez et vous y opposez, peut-être que cela n’arrivera pas. » L’avocat du prévenu s’est laissé emporter par cette accusation. « Une non-prévention d’un crime ne peut pas durer quatre mois. C’est impossible, c’est une contradiction juridique », a martelé Me Antoine Ory, l’avocat de Giorgi, estimant que son client servait de « paratonnerre » dans un procès « qui servirait de lot de consolation ».

Le tribunal a condamné Giorgi à quatre ans de prison et l’a déclaré pleinement responsable du préjudice causé à la famille Blandin. L’homme de 34 ans devra indemniser les parents, la sœur et les enfants de Magali Blandin. Les accusations de tentative d’extorsion ont été requalifiées en tentative de chantage. Severiani a été condamné à deux ans de prison et à une interdiction du territoire français pendant cinq ans. Zaza a été condamné à un an de prison.

 
For Latest Updates Follow us on Google News
 

PREV il faut un directeur parlementaire du budget, insiste le PLQ
NEXT Lézat-sur-Lèze. Great success for Heritage Day