« Sans pression extérieure, il n’y aura pas de solution politique à moyen terme »

« Sans pression extérieure, il n’y aura pas de solution politique à moyen terme »
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La démission, mardi 16 avril, d’Abdoulaye Bathily, qui était chef de la Mission des Nations unies en Libye (Manul), met en lumière un conflit qui dure depuis 2011, mais qui est presque tombé dans l’oubli. Avec la dégradation de la situation internationale et la multiplication des conflits, la Libye n’est plus la principale préoccupation de la communauté internationale. Cette démission – qui n’est pas la première à ce poste – révèle l’aspect quasi inextricable de cette mission onusienne, confrontée aux divisions internationales et internes qui prédominent en Libye, comme l’affirme Kader Abderrahim, chercheur et auteur du recueil Géopolitique de la Libye, publié en mars chez Bibliomonde. Il répond aux questions de Houda Ibrahim.

RFI : Peut-on considérer aujourd’hui, après la démission d’Abdoulaye Bathily, que la situation est complètement bloquée ?

Kader Abderrahim : C’était avant la nomination d’Abdoulaye Bathily, puisqu’après la démission de son prédécesseur, Jan Kubis, il a fallu plusieurs mois pour que l’ONU et les pays rivaux se mettent d’accord sur un nouvel envoyé. La situation de blocage existait donc préexistante. Et, aujourd’hui, je dirais que ce n’est ni pire, ni mieux d’ailleurs. C’est ce qui est inquiétant, car je crois qu’il faudra encore plusieurs mois pour désigner un successeur à Abdoulaye Bathily, compte tenu des intérêts contradictoires : d’abord des Libyens, mais aussi des pays qui s’immiscent dans cette situation. et dans ce chaos libyen.

On constate que le seul envoyé spécial africain (sur neuf), Abdoulaye Bathily, n’a pas été aidé par les démocraties occidentales. Pourquoi, à votre avis ?

Encore une fois, c’est parce que je crois qu’il y a des intérêts contradictoires et cela, fondamentalement, notamment pour les pays qui ont participé à la guerre en 2011. Pour la France, la Grande-Bretagne et les États-Unis, via l’OTAN – ce qui était une manière de contournant également le Conseil de sécurité, mais surtout l’Union africaine – leurs intérêts sont contradictoires. Mais ils considèrent aussi que le statu quo, dans la mesure où le conflit ne déborde pas les frontières libyennes, leur convient parfaitement. C’est donc à géométrie variable, car parfois le conflit déborde, et notamment sur la question migratoire qui est un enjeu extrêmement important pour la politique intérieure des Etats européens. Rien n’a effectivement été fait pour soutenir la démarche d’Abdoulaye Bathily, qui a eu beaucoup de difficultés et qui, lors de la conférence de presse qu’il a tenue pour annoncer sa démission, a également exprimé sa grande déception face au multilatéralisme.

Alors que signifie ce nouvel échec pour l’ONU en Libye ?

C’est la preuve qu’au fond, lorsque les grandes puissances ne trouvent pas de terrain de convergence ou de compromis, les conflits s’enlisent. Et nous préférons un conflit gelé – c’est le cas en Libye – à un conflit ouvert, qui nécessiterait évidemment des mesures plus énergiques : on l’a vu récemment entre Israël et l’Iran, on le voit à propos de l’Ukraine. Il semblerait que le conflit en Libye, qui est aujourd’hui non seulement politique, mais aussi une question de défense et de sécurité, puisse être contenu à l’intérieur des frontières libyennes. Et tant que cela ne déborde pas, en fin de compte, les Européens et les Américains considèrent que leurs intérêts sont épargnés et que, au fond, ils peuvent se contenter d’une situation qu’ils ont eux-mêmes créée avec la guerre en Libye. en 2011.

Quels sont les scénarios futurs pour ce pays ? Les États-Unis, via Manul numéro deux, prendront-ils le contrôle de ce dossier ? Et quelles implications cela implique-t-il ?

Premièrement, cela permet aux États-Unis de garder le contrôle de la question. Et, deuxièmement, cela permettra encore une fois aux Américains de dicter ou d’orienter de manière générale les propositions que pourrait faire le successeur. Cela dit, il y a aussi d’autres enjeux puisque, à travers les Etats-Unis, ceux qui agissent en seconde main, ce sont notamment les pays du Golfe, avec les Émirats arabes unis, avec l’Egypte, qui ont des intérêts stratégiquement importants. Il s’agit d’un pays limitrophe de la Libye et les alliés des Américains seront sans doute rassurés par cette prochaine nomination. Évidemment, cela doit être confirmé.

 
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