« Rien ne justifie ces prix » : les Turcs boycottent les cafés et restaurants ce week-end – 21/04/2024 à 14h11

« Rien ne justifie ces prix » : les Turcs boycottent les cafés et restaurants ce week-end – 21/04/2024 à 14h11
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Les taux de change de la livre turque sont affichés sur l’avenue Istklal à Istanbul, le 21 mars 2024 (AFP / Yasin AKGUL)

Un appel au boycott dénonçant « les prix exorbitants » des cafés et restaurants a mobilisé de nombreux Turcs ce week-end. Une première en Turquie, prise depuis plusieurs années dans une spirale inflationniste.

« C’est un mouvement populaire. Les gens en ont marre et montrent leur réaction», déclare Iris Cibre, experte en finance à l’origine de cet appel au boycott lancé seulement pour ce week-end et partagé des centaines de milliers de fois sur les réseaux sociaux.

Les cafés et restaurants ont vu leur fréquentation baisser dans certains quartiers d’Istanbul et d’Ankara samedi et dimanche, tandis que d’autres se remplissaient essentiellement de touristes, a constaté l’AFP.

“Avec mes amis, nous avons décidé de nous retrouver dans un parc et non dans un café comme d’habitude”, explique Ceren, une étudiante d’Ankara qui soutient le boycott.

« On est ruinés à chaque fois qu’on sort de toute façon, ça nous fera du bien », sourit-elle.

Pour Iris Cibre, la somme de 880 livres turques (25 euros) payée mi-avril pour un repas et un café dans un bistrot de quartier qu’elle fréquente souvent à Istanbul a été l’élément déclencheur.

« Il y a dix mois, j’ai payé 345 livres (près de 10 euros) pour le même plat et un café. Cela signifie une augmentation de 155 % de la livre turque. Même en dollars, l’augmentation est de 80 %. Mais nous n’avons pas connu une telle inflation », réagit-elle.

Elle décide alors de lancer un appel sur X pour boycotter les cafés et restaurants en Turquie les 20 et 21 avril pour protester contre « les prix exorbitants ».

Son appel est partagé par des centaines de milliers d’internautes qui se plaignent d’« une soupe à 200 livres » (près de six euros) ou d’un sandwich kebab à 300 livres (8,6 euros) et des commerçants « opportunistes » qui « arnaquent » les consommateurs.

La hausse des prix dénoncée par Mme Cibre dépasse les chiffres officiels d’inflation, déjà élevés (68,5% en mars sur un an), mais aussi ceux des économistes indépendants qui l’estimaient en mars à 124,6% en Turquie.

La Banque centrale de Turquie, à Ankara, le 8 février 2024 (AFP/ADEM ALTAN)

Le salaire minimum net est de 17 000 livres turques (489 euros) en Turquie.

Bien que les salaires soient bien inférieurs à ceux de la plupart des pays européens, les prix de nombreux produits et services en Turquie ont récemment approché et parfois dépassé ceux de l’Europe.

– « Opportunisme » –

« Je suis conscient des coûts élevés, ainsi que des mauvaises politiques gouvernementales à l’origine de cette situation. Mais rien ne justifie ces prix qui dépassent l’inflation», s’insurge Mme Cibre.

Son appel individuel, qui ne bénéficie du soutien d’aucun parti politique ni d’aucune ONG, a trouvé un écho au-delà du seul cercle des opposants.

Même les journalistes pro-gouvernementaux, généralement réticents à reconnaître la hausse des prix, se sont joints à son appel au boycott.

Mais il suscite également des critiques. « Je ne pense pas que ce genre d’initiative va changer les choses. Je comprends aussi les commerçants, ils doivent faire face à la hausse des loyers », a déclaré Sabit Gul, employé dans une entreprise pharmaceutique à Ankara.

“Ce boycott sert en fin de compte à exonérer le gouvernement et à désigner les commerçants comme boucs émissaires”, a déclaré Ömer Kuran, un retraité d’Ankara qui a refusé d’adhérer.

Des fidèles font la queue pour une distribution de repas par les autorités locales avant la rupture quotidienne du jeûne musulman pendant le Ramadan, à Istanbul, le 15 mars 2024 (AFP / Yasin AKGUL)

Face aux critiques, Mme Cibre rappelle qu’elle a publiquement dénoncé la politique monétaire passée du président turc Recep Tayyip Erdogan.

Contrairement aux théories économiques classiques, le chef de l’Etat a longtemps défendu des baisses de taux d’intérêt même lors de poussées d’inflation, provoquant, selon les analystes, une hausse des prix et la dévaluation de la livre turque.

Réélu en mai 2023, il a laissé la banque centrale relever son principal taux directeur à 50 % en mars.

« Les mauvaises politiques du gouvernement ont préparé le terrain à l’opportunisme des commerçants. Ils abusent de la perturbation de la perception des prix», précise Mme Cibre.

« Nous ne voulons bien sûr pas qu’ils fassent faillite. Nous voulons simplement des prix raisonnables et éthiques, qui correspondent à l’inflation », ajoute-t-elle.

 
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