On n’y croyait plus ! Il aura finalement fallu dix-sept ans de travaux, soit douze ans de retard, pour que le réacteur nucléaire EPR de Flamanville (Manche), le 57e du parc actuel, démarre enfin. Pour un coût final estimé en 2020 par la Cour des comptes à 19,1 milliards d’euros, prenant en compte notamment de nombreux « coûts de financement supplémentaires », au lieu des 3,3 milliards initialement prévus.
La direction d’EDF a annoncé la nouvelle lundi 2 septembre. « A 21 heures, les équipes étaient dans les starting-blocks pour lancer la réaction », a expliqué Régis Clément, directeur adjoint de la division production nucléaire. La demande d’autorisation de procéder à cette « divergence » avait été adressée à l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), l’organisme de contrôle de la filière, le 30 août. Cette phase, hautement critique, consiste à bombarder l’uranium qui constitue le combustible avec une première salve de neutrons afin de lancer la réaction en chaîne de fission nucléaire.
L’une des catastrophes industrielles les plus importantes (et les plus coûteuses) de notre histoire
“Cela permet d’initier une réaction nucléaire stable à très faible puissance, 0,2% de la capacité nominale, c’est la première étape, avant une montée en puissance très progressive sur plusieurs mois”, a ajouté le directeur adjoint. Avant le démarrage de Flamanville 3, les dernières centrales à être entrées en service étaient celles de Chooz (Ardennes), en 2000 et de Civaux (Vienne), en 2002.
De quoi mettre un terme à ce qui restera sans doute l’une des plus grandes (et plus coûteuses) luttes industrielles de toute notre histoire. La première pierre a été posée en 2007, sur le même site que deux autres réacteurs déjà en production. La mise en service était alors prévue cinq ans plus tard, en 2012. Hélas ! Difficultés techniques, malfaçons, défauts de fabrication, défauts de soudure et autres anomalies se sont accumulés année après année.
Au point que le projet est menacé d’être définitivement interrompu à plusieurs reprises. L’accident nucléaire de Fukushima au Japon en 2011 n’arrange rien. Pas plus que la volonté de François Hollande, élu président de la République en 2012, de réduire la part du nucléaire à 50 % dans la production d’électricité.
Le réacteur le plus puissant du monde
De nombreuses associations de protection de l’environnement attaquent régulièrement le décret autorisant la construction de ce réacteur de nouvelle génération. Contre toute attente, les équipes d’EDF tiennent le cap, profitant d’un retour en grâce de la technologie sur fond de crise énergétique, et de la relance du secteur par Emmanuel Macron, à partir de 2020.
Cette mise en route ne signifie pas le début de la production d’électricité. Le réacteur le plus puissant du monde (1 650 mégawatts, ou MW) devra d’abord atteindre le quart de sa puissance nominale avant d’être « couplé » au réseau national. « Cette manœuvre, qui consiste donc à injecter l’électricité produite, devrait être réalisée à la fin de l’automne », ajoute Régis Clément, directeur adjoint de la division production nucléaire. À terme, si tout se passe bien d’ici la fin de l’année, ce réacteur alimentera l’équivalent de trois millions de foyers.
Malgré cette mise en service tardive, l’EPR de Flamanville restera finalement un modèle unique en France. Trois autres réacteurs de ce type ont été construits dans le monde, deux à Taishan en Chine et un à Olkiluoto en Finlande. Deux autres sont encore en construction à Hinkley Point en Angleterre. Mais face aux nombreuses difficultés techniques rencontrées, EDF a décidé de changer radicalement de stratégie. Les six prochains réacteurs prévus seront des EPR2, une version largement simplifiée du modèle initial.