Parmi les stars de la délégation française figurent le nageur David Smétanine (49 ans), le para-athlète Pierre Fairbank (53 ans) et le tennisman Stéphane Houdet (53 ans), connus pour leurs performances… et leur longévité.
« Plus vite, plus haut, plus fort »va le refrain. Pour les Jeux paralympiques de Paris, qui se tiennent jusqu’au dimanche 8 septembre, on pourrait ajouter « plus longtemps ». Car chez les « paras », l’âge de la retraite des athlètes est largement supérieur à trente ans, contrairement à ce qu’on constate la plupart du temps chez les participants aux Jeux olympiques. Dans certains cas, on pourrait même parler de destins « mamilympiques » et « papylympiques ». Ainsi, le record du genre est détenu par la tireuse australienne Libby Kosmala, qui a participé aux Jeux de Rio en 2016, à l’âge de 74 ans, avant de prendre sa retraite en 2020.
Le phénomène concerne différentes disciplines. En 2008, Emilie Gradisek était en difficulté avec l’équipe slovène de volley-ball aux Jeux de Pékin, malgré ses 69 ans. Lors de la même épreuve, la joueuse italienne de para-pong Clara Podda avait remporté sa première médaille à 57 ans. A l’époque, sa victime en petite finale s’appelait Isabelle Lafaye, une « jeunette » de 45 ans. « C’est sûr que dans notre sport, on peut tenir très longtemps »note le triple médaillé d’or paralympique. « Vous savez, à Tokyo, une femme russe encore plus âgée que moi [Nadezhda Pushpasheva, 61 ans à l’époque] « Je suis monté sur le podium ! »
Isabelle Lafaye s’est rendue au Japon en 2021 avec une infirmière dans ses bagages pour l’aider à disputer les matchs. D’autant que le niveau a augmenté au fil des années : « Cela n’a plus rien à voir avec mes débuts [à Atlanta, en 1996], “Nous étions dans une équipe où on se connaissait tous et où on savait que le podium se jouerait entre les 3-4 meilleurs mondiaux. Au Japon, l’enjeu était déjà de sortir des poules !”
Cette fois, elle regarde les Jeux de Paris à la télévision. « J’ai fait beaucoup de sacrificesexplique la femme qui a pris sa retraite du sport. Depuis trois décennies, ma vie est exclusivement rythmée par le sport. Le tennis de table semble également propice aux longues carrières dans toutes les catégories : fin juillet, la Luxembourgeoise Ni Xia Lian participait à ses sixièmes Jeux olympiques à l’âge de 61 ans.
« Je vais participer à mes sixièmes Jeux. Michael Phelps ne peut pas en dire autant. »sourit David Smétanine, 49 ans, l’un des plus anciens membres de la délégation française à Paris. Le double champion paralympique du 50 mètres et du 100 mètres nage libre en catégorie S4 à Pékin – il compte également sept autres médailles d’argent et de bronze à son palmarès – martèle sa devise : « Motivation, passion, ambition ! »
Ne lui dites pas que nous sommes les derniers au monde paralympique à cause du manque de compétition. « L’argument de la faible densité était vrai dans les années 1990. À l’époque, on s’entraînait quatre fois par semaine et on se retrouvait aux Jeux. Aujourd’hui, je m’entraîne 24 à 26 heures par semaine, sans compter la musculation. »
La question de l’âge du capitaine passionne Julien Schipman, chercheur affecté à l’accompagnement à la performance à l’Insep. « La carrière d’un para-athlète est en réalité plus longue que celle d’un athlète participant aux Jeux Olympiques »il confirme. Il distingue plusieurs cas : les para-athlètes nés avec leur handicap, ceux touchés durant l’enfance, « qui commencent le sport à 40 ans, qui arrêtent souvent avant 40 ans »et ceux dont la vie change alors qu’ils sont déjà plus âgés. « Pour eux, on ne peut plus parler de carrière en décalé. » S’ils ont une bonne base sportive, « Leurs progrès peuvent être tout à fait fulgurants. »
La nature de la discipline joue également un rôle. Ainsi, l’âge moyen des vainqueurs du podium mondial du marathon en fauteuil roulant a fluctué entre 43 et 48 ans, entre 1999 et 2011, hommes et femmes confondus, selon les calculs du chercheur. « La baisse des performances liée à l’âge est moindre dans les disciplines impliquant les membres supérieurs. »
Ça tombe bien, Pierre Fairbank est bâti comme une armoire à glace pour propulser son fauteuil roulant toujours plus vite. Et à 53 ans, le décuple médaillé en para-athlétisme ambitionne une nouvelle fois de monter sur le podium à Paris. Pas sur 100 mètres : « Je m’aligne là-bas pour m’échauffer, car c’est la première épreuve des Jeux. » Sur 400 mètres, il pourrait le faire. « Mais après 300 mètres, je commence à faiblir. » Non, sa distance préférée est devenue, avec l’âge, le 800 mètres. « C’est une course de tricksters, je me place à couvert, en embuscade, avant le sprint des 100 derniers mètres. » Ayant contracté la polio (maladie causée par un virus pouvant entraîner une paralysie irréversible) avant l’âge de 10 ans, l’athlète néo-calédonien ne se voyait pas tenir aussi longtemps.
« À chaque fois, après les Jeux, je me dis : j’arrête ! La première fois, c’était après Sydney, en 2000. »
Pierre Fairbank, para-athlèteà franceinfo
Un mois, deux mois, trois mois de pause, une petite sortie en fauteuil roulant pour s’échauffer… et la fièvre paralympique prend le dessus. Cette année encore, c’est sûr : « Après les Jeux de Paris, c’est fini ! Et bien, après ça, si un fabricant arrive à faire une chaise de moins de 6 kg… »
Les progrès considérables en matière de matériel sont en effet l’un des facteurs de longévité des stars des disciplines techniques. « Quand j’ai commencé [à la fin des années 1990]nous étions assis sur nos fauteuils, les pieds en avant, et la machine devait peser au moins 15 kgdéclare Pierre Fairbank. Un jour, un type est arrivé avec un modèle avec les pieds en arrière. On a bien rigolé. Mais pas pour longtemps. Quand il a fait ses « performances », on a tous changé pour le même modèle que lui.
Les évolutions technologiques prennent du temps à être comprises par les nouveaux venus dans différentes disciplines. «Il faut au moins trois à quatre ans à une personne amputée d’une jambe pour maîtriser pleinement ses lames.explique Julien Schipman. Un Oscar Pistorius [athlète sud-africain, six fois champion paralympique, condamné à 13 ans de prison en 2017 pour le meurtre de sa compagne] pourrait encore être parmi les meilleurs car il excellait dans l’aspect technique. » Aux Jeux de Paris, Le sauteur en longueur allemand Markus Rehm, 36 ans, reste le grand favori de cette discipline explosive, battant les records du monde les uns après les autres. « Les jeunes n’ont pas la même maîtrise du maniement des lames que lui. »tranche Julien Schipman.
Par ailleurs, si l’arrivée de pays paralympiques émergents comme la Chine ou le Brésil a forcé les autres nations à progresser en matière de détection, cela ne signifie pas pour autant que les successeurs des champions se bousculent à la porte, encore moins les jeunes talents. En France, le programme La Relève a été lancé en 2019 pour repérer les joueurs potentiels passés par le réseau des clubs. « Nous avons été immédiatement approchés par des trentenaires“Nous sommes très heureux de cette initiative. Nous sommes ravis de l’accueil que nous avons réservé à nos candidats. Nous sommes ravis de l’accueil qu’ils nous ont réservé … « Nous ciblons tous les publics, il assure, Mais parmi les femmes, il y a moins de concurrence en ce moment.
Sylvie Ruth Morel, une para-escrimeuse canadienne d’une soixantaine d’années, était du même avis en 2021 : « J’ai été seul pendant les vingt dernières années. D’autres vont et viennent, personne ne reste dans le programme, a-t-elle déploré sur la chaîne CBC. C’est trop cher, à moins que nous soyons subventionnés. [par les services gouvernementaux].” Dans certaines disciplines sinistrées, un athlète peut même passer de débutant à champion paralympique en cinq ans, à l’image de la Japonaise Keiko Sugiura, double médaillée d’or en paracyclisme à Tokyo à 50 ans. Elle pratiquait le triathlon en loisir avant l’accident qui, en 2016, l’a laissée handicapée.
Il n’en demeure pas moins qu’année après année, l’âge moyen des participants aux Jeux paralympiques baisse inexorablement, assure Jean Minier. Même chez les Français, alors que le document (PDF) décrivant la stratégie nationale sport-handicap (2020-2024) du ministère soulignait il y a quatre ans que « l’âge moyen des médaillés et de la délégation française reste[e] supérieur aux pays restant dans le top 10 des nations”Que se passera-t-il après les Jeux de Paris ? « Personne n’aura plus jamais une carrière comme la mienne en natation.. « Vraiment, ce ne sera plus possible »assure le paranageur David Smétanine.