« Il faut un an pour préparer une opération comme celle-là »

« Il faut un an pour préparer une opération comme celle-là »
« Il faut un an pour préparer une opération comme celle-là »

Des explosions simultanées de téléavertisseurs et de talkies-walkies utilisés par des membres du Hezbollah à travers le Liban, mardi et mercredi, ont tué au moins 26 personnes.

Une opération sans précédent qui n’a pas été revendiquée mais que de nombreux observateurs attribuent au Mossad, notamment en raison du modus operandi.

Pour en savoir plus, TF1info a contacté l’historien français Yvonnick Denoël, auteur du livre « Les Guerres secrètes du Mossad ».

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Israël et le Hamas en guerre

L’explosion simultanée mardi à travers le Liban de milliers de téléavertisseurs portés par des membres du Hezbollah a fait au moins 12 morts et près de 3.000 blessés ce mardi au Liban. Ce mercredi, c’était talkies-walkiesIl était utilisé par des membres de l’organisation chiite libanaise pro-iranienne qui a explosé, tuant 14 personnes.

Pour l’historien français Yvonnick Denoël, auteur du livre Les guerres secrètes du Mossad (aux éditions Tallandier, 2014), tout porte à croire que le puissant service de renseignement extérieur israélien, chargé des opérations spéciales, est à l’origine de cette attaque sans précédent.

Pour de nombreux experts, cette attaque sans précédent porte la marque du Mossad. Est-ce aussi votre avis ?

A 90 %, cela ressemble terriblement à une opération du Mossad. D’abord parce que cette opération a nécessité beaucoup de moyens et beaucoup de temps de préparation. C’est aussi un geste audacieux que peu de services peuvent réaliser. Et puis il y a la motivation, seul Israël a la motivation aujourd’hui pour mener une opération offensive d’une telle ampleur contre le Hezbollah. En termes de moyens, la CIA en serait capable, mais elle n’a aucune raison de vouloir le faire aujourd’hui, puisqu’elle cherche plutôt à calmer les esprits au Moyen-Orient.

Les experts suggèrent que la charge explosive aurait pu être placée à l’intérieur des téléavertisseurs en infiltrant la chaîne d’approvisionnement. A-t-on déjà eu recours à des pièges électroniques pour commettre des assassinats ciblés ?

Cela s’est produit au moins une fois à ma connaissance. En 1996, un responsable du Hamas a été tué lorsque son téléphone a explosé alors qu’il vivait caché dans la bande de Gaza. C’est un mode opératoire qui a déjà été utilisé par le Mossad, mais c’est la première fois à une telle échelle. Il faut un an pour préparer une opération comme celle-là. C’est colossal !

Le Mossad fait l’objet de nombreuses spéculations. On lui attribue d’innombrables opérations secrètes visant à réduire au silence les ennemis de l’État juif. Est-ce vraiment le cas ?

Les éliminations physiques sont toujours une possibilité dans le monde des services secrets. Mais cette méthode est toujours utilisée avec parcimonie, sauf au Mossad. C’est très probablement le service secret qui a à son actif le plus d’éliminations physiques au monde. Il est relativement difficile de donner un chiffre précis. D’autant qu’il y a parfois des victimes collatérales. Mais on estime qu’entre 3 000 et 5 000 personnes sont tombées sous les balles du Mossad depuis sa création, non seulement des auteurs d’actes terroristes, mais aussi des cadres politiques, des officiers de haut rang et des scientifiques de pays hostiles. Généralement, le Mossad essaie d’éviter de faire des victimes parmi les civils. Il y a eu des cas d’opérations avortées parce qu’elles risquaient de blesser ou de tuer des enfants. Mais depuis les attentats du 7 octobre, il n’y a plus de réelle retenue.

C’est un peu le couteau suisse du renseignement.

Yvonnick Denoël

Pouvez-vous nous en dire plus sur la genèse de ce service et sa fonction officielle au sein de l’appareil de défense israélien ?

Le Mossad a été fondé en décembre 1949, un peu plus d’un an après la naissance de l’État d’Israël, par Reuven Shiloah, un ancien chef du Shay, un service de renseignement plus embryonnaire fondé par une milice juive. Il est vraiment utilisé comme un outil de survie de l’État d’Israël. C’est un peu le couteau suisse du renseignement. On lui fait faire plein de choses, en dehors du renseignement et des opérations spéciales. Aider à l’évacuation ou à l’exfiltration de juifs lors de grandes crises humanitaires ou géopolitiques, par exemple. Il peut aussi s’agir de diplomatie secrète avec des États arabes qui ne veulent pas donner l’impression de négocier avec Israël. Fournir des services ou enquêter pour le compte de personnes dont on veut s’attirer les faveurs. Le champ de leurs interventions est extrêmement large.

Le Mossad est considéré comme l’un des meilleurs services de renseignement au monde. Pourquoi ?

Au début des années 1950, le Mossad était considéré par les autres services de renseignement comme un petit service amical. Mais en quelques années, il a réussi à gagner l’amitié et l’admiration de la CIA, des services de renseignement français et britanniques. Il y a d’abord eu le vol du célèbre discours de Khrouchtchev en 1956, dans lequel il critiquait très vertement les excès du stalinisme. Ce discours n’était pas destiné à être rendu public. Le Mossad a réussi à mettre la main sur une copie et l’a fournie aux Américains, qui ont décidé de la faire fuiter dans le Le New York TimesQuelques années plus tard, il y eut aussi le vol d’un MIG dans la flotte égyptienne. Le Mossad réussit à convaincre un pilote de l’armée de l’air égyptienne de faire défection. L’avion put être livré aux Américains, qui purent le dépouiller à loisir. Ce sont ces coups d’éclat qui permirent au Mossad de se faire un nom dans le petit monde du renseignement.

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Quels sont les domaines dans lesquels le Mossad excelle particulièrement ?

Il y a une dizaine d’années encore, on reprochait au Mossad de ne pas être suffisamment porté sur la technologie et d’avoir une sorte de culte du renseignement humain, ce qui a toujours été sa marque de fabrique : à savoir recruter des sources humaines, y compris dans les environnements les plus hostiles. Mais ce n’est plus le cas aujourd’hui. En 2020, le Mossad a mené une opération très spectaculaire pour éliminer l’un des leaders du programme nucléaire iranien, Mohsen Fakhrizadeh. Il n’y avait personne sur place. Le Mossad a utilisé une mitrailleuse automatisée qui était reliée à un système de reconnaissance faciale. Toute l’opération a été menée à distance, depuis les locaux du Mossad. C’est un tournant dans la mesure où nous avons affaire à la technologie de pointe de l’assassinat.


Matthieu DELACHARLERY

 
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