quelle est la cause de ces morts massives à Bernissart ? – .

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Il s’agit sans doute du plus ancien « cold case » en Belgique. Ces morts massives non élucidées, qui ont eu lieu dans la région du Borinage et sur lesquelles les scientifiques travaillent encore, remontent à… 125 millions d’années. Il s’agit de centaines de dinosaures, tous morts au même endroit, à Bernissart, et retrouvés par hasard en 1878 par des mineurs d’une mine de charbon alors encore en activité. Une trentaine de « cadavres » d’iguanodons ont été remontés à la surface, à 322 mètres sous terre et à la suite de travaux de fouille qui ont duré trois ans. Aujourd’hui encore, le nombre de squelettes entiers et articulés (25) découverts à Bernissart reste unique au monde, mais ces iguanodons seraient bien plus nombreux – plusieurs centaines – à être enterrés au même endroit. Depuis le début de cette découverte, les scientifiques rivalisent d’imagination pour expliquer la cause des décès et cette accumulation très localisée de squelettes, formant le gigantesque gisement des « iguanodons de Bernissart ».

Rester coincé dans la boue d’une rivière parce qu’il est attiré par la nourriture ? Noyade suite à une crue soudaine ? Tomber du haut d’une falaise après avoir été pourchassé par un troupeau de mégalosaures ?… Ou encore la « version Crétacé » d’un cimetière d’éléphants, »où les vieux animaux se seraient retirés pour mourir » ? comme l’imaginait le pionnier de la paléontologie Louis Dollo… Voici les théories avancées depuis cent quarante ans pour expliquer ce mystère.

Troupeau d’iguanodons se dirigeant vers une mort certaine dans les eaux du marais de Bernissart. José Antonio Penas

Décès suite à une catastrophe

Dans un nouvel ouvrage, le paléontologue Pascal Godefroit, référence en la matière en Belgique, tente, en réinterprétant les données scientifiques disponibles, de proposer l’explication la plus crédible. Pour lui, les iguanodons sont avant tout « morts dues à des catastrophes »ce est-à-dire « résultant d’un événement extérieur, de grande ampleur et non sélectif ». Exit donc l’hypothèse d’une « attrition », ou d’une accumulation locale de cadavres morts naturellement en différents lieux et qui auraient ensuite été transportés et rassemblés par une inondation, par exemple.

Un décès par catastrophe fige dans le temps une population telle qu’elle a évolué au cours de sa vie dans un environnement, notamment sa pyramide des âges. Cependant, selon de nouvelles analyses paléohistologiques, on ne trouve que des adultes parmi les iguanodons de Bernissart. Bizarre ? Au contraire. Les scientifiques estiment que pour des raisons d’efficacité des déplacements des troupeaux (ces herbivores regroupés en groupes, avec des relations sociales probablement très élaborées), les bébés et les adultes vivaient séparément, jusqu’à ce que les jeunes atteignent une taille suffisante. En revanche, les squelettes des iguanodons de Bernissart montrent qu’ils étaient en bonne santé, ce qui fait «faire pencher la balance » vers une catastrophe qui aurait décimé brutalement un ou plusieurs groupes d’individus de manière non sélective.

Quant à la cause du décès elle-même, “Il y a eu de nombreuses théories, mais à l’heure actuelle, on pense vraiment que la mort des iguanodons est due à la structure géologique du lieu lui-mêmerésume Pascal Godefroit, qui est également chercheur à l’Institut royal des sciences naturelles. Les iguanodons de Bernissart ont été trouvés dans des « encoches », c’est-à-dire des puits naturels de diamètre réduit. A 1000 mètres sous terre se trouvent des poches de sel avec des eaux hydrothermales qui vont dissoudre ce sel. Un grand gouffre va alors se créer sous l’effet de cette dissolution. Le toit de cette grotte va alors couler en raison du poids des sédiments au-dessus. Finalement, à la surface, de grands trous – appelés dolines – apparaîtront. On les retrouve encore aujourd’hui. De temps en temps, une maison s’effondre quelque part, à cause d’un effondrement profond. Actuellement, nous sommes presque certains que de tels gouffres se sont formés en surface à l’époque où vivaient les iguanodons de Bernissart.»

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Berges friables

Concrètement, ces fosses d’effondrement atteignant la surface du sol se sont rapidement remplies d’eau et ont formé des marécages ou de grands lacs. Problème ? “Lorsque ces dolines atteignent la surface, leurs berges sont extrêmement friables. Si vous avez des troupeaux d’animaux en liberté, les berges couleront sous leur poids. Et cela entraînera la mort de certains de ces animaux qui se retrouveront au fond du marais et qui s’y noieront.

Pascal Godefroit devant un iguanodon de Bernissart au Muséum des Sciences naturelles de Bruxelles. ©EDA

D’autant que ce sont probablement de multiples dolines qui sont apparues, déstabilisant fortement l’environnement de Bernissart. “On imagine qu’un grand troupeau de gros animaux comme les iguanodons, pesant chacun 4 à 5 tonnes, et se déplaçant près du lac remplissant ces dolines, sans doute pour aller s’abreuver, a lui-même déclenché ces glissements de terrain. , et la noyade de nombreux individus dans le lac (il reste à démontrer qu’ils savaient nager), surtout si le troupeau était en panique fuyant les prédateurs ou les incendies., décrit le paléontologue dans son livre Les Iguanodons de Bernissart, des fossiles et des hommes (Académie Royale de Belgique). Les individus les plus petits, donc les plus agiles (sous-représentés dans les spécimens de Bernissart), auraient pu s’échapper, car ces glissements dits « sous-marins » démarrent assez lentement.

Mais peut-être existe-t-il un deuxième « assassin », qui aurait agi de concert avec le premier. Un empoisonneur, celui-là. “A 1 000 mètres de profondeur, les poches de dissolution de sel par les eaux hydrothermales dont nous avons parlé provoquent des émanations de gaz plus ou moins toxiques, qui pourraient remonter à la surface pour tuer des animaux. Ce genre d’événement se produit encore aujourd’hui. Le fait que de nombreux cadavres apparaissent d’un coup et s’accumulent au fond pourrait s’expliquer par des remontées de gaz assez locales, en lien avec ces effondrements.ajoute Pascal Godefroit.

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La scène du crime a disparu

Cela dit, “la question n’est pas encore résolue. Pour l’instant, c’est la plus plausible, la moins science-fiction. Nous avons essayé de passer en revue les différentes causes d’une accumulation de décès catastrophiques connus et nous avons beaucoup travaillé par élimination. Comme un “d’indices”, le scientifique s’est également appuyé sur les résultats d’études de sol limitées réalisées sur le site en 2003, ainsi que sur des plans réalisés par les ingénieurs des mines au moment des fouilles et très récemment numérisés. Des plans qui permettent notamment de déterminer la configuration des iguanodons dans le gisement. De plus, étant donné que les fouilles ont déterminé qu’il y avait 4 ou 5 couches d’iguanodons, on peut penser que ce désastre s’est répété, tuant plusieurs fois des groupes d’animaux.

Mais pour vraiment résoudre le mystère et identifier avec certitude le ou les meurtriers, il faudrait retourner sur les lieux du crime : là où les iguanodons ont été découverts, à 322 mètres sous nos pieds : «De nouvelles fouilles seraient nécessaires, avec des analyses sur place avec les outils actuels. Mais ce n’est plus possible. Nous sommes vraiment dans un cold case : la scène du crime n’est plus là donc nous sommes obligés de travailler avec les indices qui ont été rangés dans les cartons au fond des étagères du Musée comme dans un vrai cold case… »

Les Iguanodons de Bernissart au Muséum des Sciences Naturelles de Bruxelles. ©EDA

Pourquoi ne pas poursuivre les fouilles à Bernissart et revenir sur place ? En 1881, après trois années de fouilles, l’arrêt de celles-ci décidé par l’État belge qui finançait l’effort, ne devait être que momentané. Mais les recherches n’ont finalement jamais repris. Selon Pascal Godefroit (Muséum des sciences naturelles), un nouveau projet coûterait certainement plusieurs centaines de millions d’euros. “Nous avions fait une estimation dans les années 1980 et, avant de débuter pour accéder au gisement, il aurait fallu injecter un milliard de francs belges. Toutes les galeries de Bernissart sont sous l’eau et tout est interconnecté. Compte tenu de l’exploitation minière, le sous-sol est une sorte de fromage suisse doté de galeries où l’eau, accumulée depuis les années 1920, doit être évacuée avant de pouvoir accéder aux gisements.

Une chose est sûre cependant, poursuit-il : «L’endroit regorge encore de squelettes d’iguanodons. En 2002, nous avons réalisé un relevé d’une dizaine de centimètres de diamètre. Les chances de rencontrer des os étaient proches de zéro. Et nous en avons trouvé quatre. Ces quatre os correspondent aux quatre niveaux dans lesquels les iguanodons de Bernissart ont été découverts à l’époque. Cela vaudrait-il la peine d’y retourner ? “Est-ce que ça vaut le coup d’injecter cette quantité ? Nous pourrions trouver des iguanodons, mais nous en avons déjà 30 ici. Si vous me donnez cet argent, je creuserai ailleurs, et je vous ramènerai une cinquantaine de nouvelles espèces de dinosaures… »

 
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