Le repositionnement risqué de Trump

Le repositionnement risqué de Trump
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Calendrier électoral cruel que celui d’un Etat fédéral grand comme dix-sept fois la ! Trump pensait s’être débarrassé d’une de ses plus grandes préoccupations de campagne, d’un de ses points faibles, sur lequel les démocrates martelaient sans vergogne depuis des mois, espérant faire de la question de l’avortement l’un des thèmes majeurs du scrutin de novembre. La première élection présidentielle se tiendra après l’annulation, en juin 2022, par la Cour suprême, de l’arrêt Roe c. Wade qui avait autorisé – ou plutôt dépénalisé – l’avortement depuis 1973.

Le candidat républicain, conscient d’être en retard sur une tranche clé de l’électorat, celui de « femmes de banlieue », ces femmes, majoritairement blanches, venues des banlieues (au sens américain du terme, c’est-à-dire qui vivent loin des centres-villes), diplômées, qui vont parfois à l’église, mais peu enclines à soutenir un homme qu’elles considèrent comme trop macho à leur goût. En annonçant lundi dernier qu’il laisserait aux Etats le soin de décider de la limitation du délai d’interruption de grossesse s’il revenait à la Maison Blanche, Donald Trump pensait sans doute s’être soulagé d’une question majeure. Une fois pour toutes.

Cependant, rien ne s’est passé comme prévu. Donc le candidat est obligé de faire Macron, c’est-à-dire de faire ” en même temps “. A la fois vilipendé par les plus conservateurs, à la fois critiqué par les plus libéraux. Et donc à la fois pro-vie et pro-choix.

Au lendemain de l’annonce de sa décision, la Cour suprême de l’Arizona, État clé remporté par Joe Biden en 2020 avec seulement une dizaine de milliers de voix d’avance, a annoncé qu’une loi de 1864 interdisant l’avortement sous peine de cinq ans de prison (sauf en cas de danger pour la vie de la mère) est désormais applicable.

Les juges du plus haut tribunal de Phoenix (tous républicains) saisis par l’ancien procureur général (également républicain) ont donc réactivé une disposition datant de la guerre civile adoptée à une époque où l’Arizona n’était même pas encore un État. Un mauvais cadeau fait à Donald Trump qui, lorsqu’il était président, avait nommé des juges conservateurs à la Cour suprême des États-Unis : les mêmes qui, en abrogeant l’arrêt Roe vs Wade, ont permis à l’Arizona de réintroduire l’interdiction quasi totale de avortement.

Le reste après cette annonce

La veille, sur son réseau Truth Social (sorte de réseau conservateur « Mon opinion est que la question de l’avortement est désormais à un point où tout le monde le souhaitait d’un point de vue juridique. Il appartiendra aux États de décider par référendum, par voie législative ou par les deux. Et ce qu’ils décideront, ce sera la loi du territoire, en l’occurrence celle de l’État. »

L’idée selon laquelle le Parti républicain peut abandonner son opposition à l’avortement tardif est une erreur, car la plupart des Américains y sont opposés.

Lindsey Grahamsénateur de Caroline du Sud

Il n’en fallait pas plus pour que cette annonce suscite l’opposition de la frange la plus à droite du parti républicain. Lindsey Graham, sénateur de Caroline du Sud, partisan d’une limite fédérale à quinze semaines de gestation, a déclaré que “L’idée selon laquelle le Parti républicain peut abandonner son opposition à l’avortement tardif est une erreur, puisque la plupart des Américains y sont opposés”. Ajoutant que pour « le mouvement pro-vie, il s’agit d’enfants et non de géographie : un fœtus de quinze semaines suce son pouce à New York comme en Californie ». En Amérique, l’Oregon autorise ainsi, sans restriction, les avortements jusqu’à la fin de la grossesse, tandis que d’autres États, notamment au sud, dans la Bible Belt, les interdisent à tout moment.

Le refus de Trump de s’exprimer met surtout en lumière les errances du milliardaire sur la question : favorable dans les années 1990 à “le choix de la mère”il révisa son opinion à mesure que les portes du pouvoir lui étaient ouvertes, devenant plus “anti-avortement” quitte à y laisser des plumes.

Trump est Trump. C’est-à-dire la stratégie

Lors des élections de mi-mandat de 2022, le Parti républicain n’a pas remporté les victoires espérées, laissant, contre toute attente, le Sénat aux mains des démocrates. Trump n’a pas tardé à comprendre les conséquences d’une attitude trop conservatrice. «Beaucoup de bons républicainsil a estimé, a perdu les élections à cause de ce problème. Et des gens comme Graham, qui sont intransigeants, donnent aux démocrates la Chambre, le Sénat et peut-être la présidence. »

Trump est Trump. C’est-à-dire la stratégie. Avec ce cynisme qui a souvent fait sa chance. Il ne voit pas comment les plus conservateurs (et notamment les évangéliques) pourraient lui échapper, maintenant que la compétition primaire est derrière lui. Son élection, pense-t-il, vaut bien cette petite trahison. En 2020, 54 % des femmes des banlieues ont voté pour Biden. Combien reverront leur jugement sur Trump grâce à son changement de ton ?

La décision de la Cour suprême de l’Arizona, que l’on doit indirectement à Trump, pourrait cependant lui coûter les sacrifices de ce repositionnement. “Cette décision va trop loin”s’est-il empressé de commenter, poussant même Kari Lake, figure locale du trumpisme, candidate au Sénat en 2024 (après avoir perdu l’élection du gouverneur en 2020) à désavouer la Cour suprême de son Etat “pas en phase avec les Arizoniens” même si, quelques mois plus tôt, ce dernier vantait les mérites de la loi de 1864.

Les démocrates, en retard dans les sondages sur presque tous les thèmes de campagne, saluent presque ouvertement ce micmac. Dès jeudi, et pour un million de dollars, Joe Biden a lancé une campagne publicitaire destinée aux femmes sur les chaînes de télévision de l’Arizona. « À cause de Donald Trump, des millions de femmes ont perdu la liberté fondamentale de contrôler leur propre corps », l’entend-on dire dans une publicité également diffusée en espagnol. Dans d’autres États charnières, le candidat démocrate prévoit de dépenser pas moins de 30 millions de dollars en publicité pour attaquer Trump sur l’avortement. Les voix des femmes des banlieues sont chèrement achetées aux États-Unis.

 
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