En Russie, « les sanctions retournent la société contre l’Occident plutôt que contre Poutine »

En Russie, « les sanctions retournent la société contre l’Occident plutôt que contre Poutine »
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Au pouvoir depuis vingt-quatre ans, Vladimir Poutine restera président encore six ans avec une victoire record. Les instituts de sondage liés à l’État prévoyaient 82 % des voix, mais Poutine est arrivé en tête avec 87,28 %. Le monde et la Russie n’ont pas été surpris. Peut-être par les 87 %. La période à venir n’augure que de faibles chances d’apaisement entre la Russie et l’Occident. La guerre continue. La Russie doit vivre avec les sanctions auxquelles elle essaie de s’habituer, afin que ses grands centres, Moscou et Saint-Pétersbourg, les ressentent le moins possible.

La place Pouchkine est située à seulement un quart d’heure du Kremlin. L’URSS l’a rebaptisé ainsi lors du centenaire [en 1937] de la mort du poète et dramaturge. Les Soviétiques détruisirent le monastère qui le dominait depuis trois cents ans. L’une des églises servit un temps de musée antireligieux prêchant la victoire idéologique de l’URSS. Mais ce lieu incarne aussi le lieu de sa défaite symbolique. En 1990, le premier McDonald’s du pays y a ouvert ses portes. Les Russes ont fait la queue pendant plusieurs heures rien que pour goûter aux saveurs occidentales.

L’URSS disparaît à la fin de l’année suivante, tandis que la chaîne de restauration rapide s’étend d’année en année. Jusqu’en 2022. Après que la Russie a lancé la guerre contre l’Ukraine, l’entreprise a annoncé qu’elle abandonnait le territoire russe. De nombreuses entreprises internationales ont suivi, des magasins de meubles aux constructeurs automobiles. Mais certains sont restés. Aujourd’hui, Spar et Auchan poursuivent leurs activités en Russie.

Un petit changement

La marque au nom révélateur Vkousno i totchka (« Délicieux, point final ») a repris le réseau McDonald’s. Notamment place Pouchkine, où l’on aperçoit le logo ressemblant vaguement au M de la chaîne américaine. Le propriétaire, un homme d’affaires sibérien, dirigeait autrefois 25 McDonald’s dans la partie asiatique de la Russie. Enrichi grâce à l’industrie pétrolière, Aleksandr Govor affirme avoir récupéré le réseau à un prix inférieur aux prix du marché. Cependant, McDonald’s s’est retiré du pays à la condition de pouvoir racheter le réseau d’ici quinze ans à Govor, en contact permanent avec le siège. Burger King et KFC, en revanche, fonctionnent toujours.

Pour le consommateur de McDonald’s, le changement est minime. L’équipement de la cuisine est le même qu’avant. L’interface de commande est presque identique. Seuls quelques noms de hamburgers diffèrent. Les yeux fermés, les disparités entre les sandwichs anciens et actuels sont infimes, comme celles entre le Coca-Cola et le Dobry Cola proposé à la place. D’après ma mini-enquête non représentative, deux lycéennes trouvent l’offre moins bonne, préfèrent le café d’avant et attendent le retour du fast food original. Un couple d’une vingtaine d’années ne se soucie pas de savoir s’ils mangent chez McDonald’s ou chez Vkousno i totchka. Barre de points.

Mais qu’est-ce que Dobry Cola ? En réalité, il s’agit aussi d’un produit Coca-Cola, d’où l’absence de différence entre les deux boissons. Dobry Cola est fabriqué par les mêmes machines qui produisaient la gamme de boissons Coca-Cola distribuées en Russie.

En 2005, le fabricant Dobry est racheté par la société suisse Coca-Cola HBC, dont la filiale russe, propriétaire de Dobry, devient Multon Partners en 2022. Du coup, Coca-Cola remplace Coca-Cola par l’intermédiaire de Dobry Cola. Parallèlement, une dizaine de colas font leur apparition en Russie. Ceux qui veulent des bouteilles de Coca-Cola peuvent les obtenir, mais elles viennent d’Azerbaïdjan. Les consommateurs n’ont presque pas remarqué le départ de Coca-Cola.

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