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L’enchaînement d’événements tragiques rapportés en permanence par les médias et les réseaux sociaux crée aujourd’hui une atmosphère agressive qui rend l’éducation de nos enfants et adolescents plus difficile que jamais. Déjà échauffés par les annonceurs, ils se retrouvent en effet plongés et engagés dans une guerre des certitudes alors qu’ils devraient au contraire prendre le temps d’apprendre à douter pour pouvoir y faire face eux-mêmes, une fois devenus adultes. , aux bouleversements qui les attendent.
La crise sanitaire avait déjà créé un climat général d’insécurité psychologique qui les impactait durablement. Lorsqu’un individu se sent menacé dans son équilibre fondamental et que son rapport aux autres et au monde est remis en question, il est tenté de retrouver un semblant de stabilité en s’accrochant à des principes rudimentaires, des schémas simplistes ou des oppositions binaires. Sans soutien culturel, la fragilité intérieure ouvre la voie au dogmatisme et les gens deviennent ainsi des proies faciles pour le populisme et le fanatisme de toutes sortes.
Espace public saturé
C’est sans doute pourquoi les débats essentiels sur les bouleversements sociétaux auxquels nous sommes confrontés – la crise climatique, les guerres qui ensanglantent le monde, la question des migrations, les questions liées au genre et la remise en cause du modèle d’autorité patriarcal – produisent, à côté des réflexions de haut niveau qui acceptent de se confronter à la complexité, à un déferlement de tensions identitaires, à des affrontements sans fin de positions caricaturales, à une incroyable violence verbale qui sature le débat public.
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Or, l’éducation exige tout le contraire : qu’on apprenne à reporter nos pulsions premières, qu’on remette en question nos représentations, qu’on se méfie des lieux communs et des pseudo-évidences, qu’on prenne le temps de réfléchir, de s’informer, de confronter sereinement ses points de vue. voir avec ceux des autres. Que l’on accepte de remplacer, un instant, la satisfaction d’être dans le camp de la vérité par la recherche collective de la précision, de l’exactitude et d’une vérité que l’on sait inaccessible. Pas d’éducation authentique sans un moratoire assumé de certitudes et d’invectives.
C’est ainsi qu’il faut comprendre, je crois, la phrase de Jean Zay : « L’école doit rester l’asile inviolable où ne pénètrent pas les querelles des hommes. » Mais, si l’on peut exiger des élèves qu’ils éteignent leur téléphone portable dans l’enceinte de l’école, on ne peut pas suspendre par décret leurs émotions, leurs ressentiments et leur violence intérieure… Il ne faut pas en conclure, d’autant que les enseignants sont impuissants. Bien au contraire : ils peuvent, en effet, sur chacun des sujets de leur enseignement – et même si ceux-ci semblent très éloignés du débat public –, faire ce travail difficile mais fondamental de démêlage « croire » et « savoir ». « .
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