Elles sont devenues un fléau sur les plages et dans les filets des pêcheurs : les méduses prolifèrent en Méditerranée. Piquant, mal-aimé et mal connu. Medus’Oc, un grand projet pour les étudier et les valoriser va être lancé. Il est géré par le bureau d’études Seaneo, basé à Perpignan.
Fascinant, intrigant mais irritant, dans tous les sens du terme ! Les méduses envahissent nos côtes et nos lagons, un cauchemar pour les vacanciers qui craignent les brûlures en se baignant. Cauchemar pour les professionnels de la pêche dont ils bouchent les filets.
Alors que pouvons-nous faire contre la prolifération ? Et si la méduse, une fois récupérée, pouvait avoir un intérêt économique ?
C’est tout l’enjeu du projet Medus’Oc qui vient de remporter l’appel à projets « Avenir Littoral 2023 ». Le prix est de 200 000 euros pour étudier et imaginer les opportunités de ces mystérieuses créatures gélatineuses.
Seaneo coordonnera le projet ; c’est un bureau d’études spécialisé dans le milieu marin et le littoral qui dispose d’une antenne à Perpignan. Il travaillera d’autres comédiens d’Occitanie. « Ce sont les pêcheurs qui nous ont défiésexplique le réalisateur Nicolas Dalias. Ils sont de plus en plus confrontés au problème. Humainement et techniquement, nous y travaillons depuis un moment. Mais nous saurons accélérer.
Les méduses de chou-fleur nagent principalement au large, en eaux profondes.
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© FTV Occitanie
Ces experts du milieu marin s’intéresseront particulièrement à trois espèces :
- Rhizostoma Pulmo (la méduse chou-fleur qui arrive en bancs en été, la fameuse méduse fleurit)
- Pelagia noctiluca
- Mnémiopsis Leidyi
Cette dernière n’est pas une espèce endémique de Méditerranée. Originaire des Etats-Unis, il est arrivé dans les eaux de ballast d’un cargo. C’est une espèce envahissante présente toute l’année qui dérive au gré des courants et finit dans les lagons.
Quand vous plongez la tête sous l’eau, vous les voyez partout, partout, partout ! Nous sommes en excédent. Leur utilisation rééquilibrerait l’écosystème.
Clément Larrouy, chef de projet Médus’Oc, bureau d’études Seaneo
La méduse Mnemiopsis Leidyi est une espèce envahissante qui n’est pas originaire du bassin méditerranéen.
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© Bruno C. Vellutini
Comment expliquer la prolifération des méduses ? De nombreuses inconnues subsistent, mais les scientifiques ont avancé quelques explications. Les méduses naissent en hiver et atteignent l’âge adulte en été lorsque l’eau se réchauffe. Mais le changement climatique et la surpêche ont amplifié le phénomène.
L’augmentation de la température de l’eau en Méditerranée favorise le développement des polypes, les cocons des méduses avant qu’elles ne deviennent adultes. Des bancs de méduses dérivantes s’échouent sur nos plages, portées par des vents d’est de plus en plus fréquents.
Mais il existe également un problème de déséquilibre des écosystèmes. Moins de poissons dans la mer signifie plus de méduses. Parce qu’ils ont plus de plancton à manger et moins de concurrence.
Quant aux prédateurs des méduses (thon, espadon, tortue caouanne, etc.), ils ne sont pas assez nombreux pour réguler la population.
Ce mardi 21 novembre, des experts de Seaneo, de la coopérative de pêcheurs OP du Sud, du Comité régional des pêches, de l’INRAE de Narbonne et d’une entreprise tarnaise se réunissent à Agde pour lancer officiellement le projet.
Les premiers prélèvements en mer et dans les étangs (Etang de l’Or et du Barcarès) débuteront en décembre ou janvier, selon les conditions météorologiques. Objectif : récupérer les méduses capturées dans les filets et les maintenir en vie pour les étudier en laboratoire.
Les échantillons dureront un an. Parallèlement, des recherches sur la valorisation seront lancées pour une évaluation au printemps 2025.

De nombreuses grosses méduses, également appelées Rhizostoma pulmo, s’échouent et meurent cet été sur les plages côtières entre La-Grande-Motte et Carnon.
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© FTV/S.Bonnet
Parmi les pistes les plus sérieuses, la cosmétique et la pharmacie avec l’espèce « pulmo », très intéressante pour le collagène. C’est cette espèce qui pourrait avoir la plus grande valeur ajoutée. Car l’animal gélatineux est composé de 98 % d’eau, 1 % de sel et 1 % de collagène.
Des extractions destinées aux cosmétiques et aux soins de la peau des brûlés ont déjà été testées avec succès. Un résultat obtenu en séchant les méduses et en récupérant le précieux collagène. Une entreprise tarnaise, Weishardt, producteur mondial de collagène marin, est en lice.
Avec l’INRAE de Narbonne, le projet Médus’Oc étudiera le secteur de l’énergie : les méduses peuvent-elles être intégrées dans les méthaniseurs de Montpellier et Perpignan ? Car pour produire du biogaz, il faut une solution liquide (méduse = 98% d’eau !) qui permettrait une meilleure décomposition des déchets.
Troisième piste de valorisation : étudier les méduses pour leurs qualités nutritionnelles en alimentation humaine et animale. Mais cette piste est pour l’instant plus hypothétique. Peu de recherches ont été menées. Le tartare de méduses, ce n’est pas pour tout de suite !
“Attentionprévient Clément Larrouy, l’un des deux chefs de projet. Il ne s’agit pas de créer une nouvelle industrie de la pêche mais de récupérer celles qui sont déjà prises dans les filets. Ensuite, il faut développer une opération de tri pour les conditionner et les mettre à disposition des industriels. Et prouver la viabilité des filières de valorisation. Il y a beaucoup d’inconnues autour de ces espèces. Et nous voulons aussi combler le grand fossé qui existe entre les laboratoires, le monde de la pêche et les industriels.
Le projet est financé à 80% par l’Etat et la Région Occitanie qui croient aux opportunités possibles pour contrer l’envahisseur marin.
Ce programme est totalement innovant en Méditerranée. Vous avez dit hallucinant ?