
Vous êtes impliqué dans le projet Azzurrini Academy. Pouvez-vous nous le présenter ?
Il s’agit d’un projet de football et d’activités motrices inclusives qui s’adresse aux enfants atteints de troubles du spectre autistique de haut niveau ou simplement de légères déviances intellectuelles. Nous utilisons diverses technologies comme la réalité augmentée, la réalité virtuelle, les drones ou encore l’intelligence artificielle pour renforcer les compétences que ces enfants ont acquises sur le terrain et améliorer également la gestion des émotions. C’est une approche unique et innovante qui place les enfants au cœur de l’apprentissage. Avec ces nombreuses technologies, nous souhaitons dépasser les barrières et surtout améliorer les conditions psychophysiques de ces enfants en renforçant leur conscience, leur estime de soi et en créant une identité de groupe, à l’image d’une équipe de football.
Quel est votre rôle au sein de cette structure ?
Mon rôle est de soutenir le projet, mais surtout de le promouvoir auprès du public. Bien évidemment, je participe à quelques activités avec les enfants, cela me permet de partager avec eux mon expérience d’ancien joueur professionnel et de les accompagner sur le terrain.
Comment s’est faite la connexion ?
J’ai décidé de soutenir ce projet car j’ai été conquise par les valeurs. Au cours de ma carrière, j’ai appris que la diversité est le plus grand atout d’une équipe. L’Académie Azzurrini correspond à cela, en termes d’inclusion sociale et sportive dans notre région.
Le fait que le projet ait été lancé dans votre région a-t-il facilité les choses ?
Oui, sans aucun doute. Je suis originaire de Côme, je voulais donc m’impliquer localement, mais l’objectif est désormais d’étendre notre travail au niveau national et, si possible, à l’international. Nous voulons créer un modèle » Fabriqué à Côme » qui pourra ensuite être exporté à l’étranger. Et cela a déjà un peu commencé puisqu’en octobre, nous participerons à un événement à Milan organisé par YouSport. L’Académie Azzurrini est un projet d’excellence, mais c’est surtout une belle histoire de notre région, comme le lac de Côme, qui mérite d’être partagée et racontée.
Nous essayons avant tout de rendre le temps d’entraînement des enfants amusant, comme ce fut pour moi la finale de la Coupe du monde.
L’équipe est composée de psychiatres, d’éducateurs, d’ingénieurs experts en nouvelles technologies et donc d’un ancien joueur professionnel.(1). Comment est organisé votre travail ?
Le travail sur le terrain est la face visible de l’iceberg. La recherche et le développement de nouvelles technologies pour trouver des méthodes de travail alternatives et assurer un bon suivi des résultats des enfants constituent la plus grande partie du travail. Nous essayons avant tout de rendre le temps d’entraînement des enfants amusant, comme ce fut pour moi la finale de la Coupe du monde.
Les enfants n’étaient pas dérangés par le fait d’avoir un champion du monde à leurs côtés ?
Un petit peu oui! (Des rires.) Le plus important est d’être attentif et respectueux de leurs besoins, en créant un environnement rassurant. J’essaie d’être un exemple pour eux, sans leur mettre la pression, car le but est avant tout qu’ils se sentent à l’aise et motivés pour progresser. Nous nous concentrons sur leur potentiel et non sur leurs défauts. Leur passion les aide énormément et leur permet de briser les barrières et de progresser.
Et vous, n’aviez-vous pas un peu d’appréhension ?
Evidemment, au début, j’en avais un petit peu. Mais très vite, je l’ai ignoré. J’ai toujours cru à l’importance de ce projet. L’enthousiasme et la passion de ces enfants m’ont aidée à surmonter la timidité que j’avais un peu au début.
Vous avez eu une brève expérience en tant qu’entraîneur, au FC Chiasso de 2013 à 2015, aux Delhi Dynamos en 2016 puis au Jiangsu Suning de 2017 à 2018. Est-il plus difficile de manager des professionnels aux égos excessifs ou ces enfants ?
---Chaque équipe a ses défis et ses difficultés. (Des rires.) A l’Académie Azzurrini, nous ne sommes pas dans un esprit de compétition comme c’est le cas dans les équipes professionnelles. L’objectif est de le faire progresser en s’adaptant à leurs besoins.
Est-ce mieux de voir ces enfants s’épanouir et progresser que de remporter la Coupe du monde ?
Gagner la Coupe du monde est une émotion extraordinaire, mais voir ces enfants s’épanouir et progresser est tout aussi gratifiant, sinon plus. Je ne vais pas comparer ces deux choses qui sont des expériences relativement différentes.
Comment les enfants entrent-ils à l’académie ?
Nous travaillons en étroite collaboration avec les cliniques et les familles. Rejoindre l’Académie Azzurrini, ce n’est pas simplement permettre à l’enfant de jouer au football, mais de prendre en charge tout le système dans lequel il s’inscrit. Notre objectif est de garantir le bien-être de l’enfant, c’est ce que nous expliquons avant tout aux parents.
Parmi ces enfants, y a-t-il le futur Federico Chiesa ?
Je vais te raconter une histoire, celle de Marco(2). Un gamin fantastique, passionné de football, très doué avec le ballon, mais qui avait souvent du mal à gérer ses émotions lors des entraînements. Un jour, nous avons décidé d’utiliser une application de réalité virtuelle qui permet d’être confronté à une situation de match où la pression est plus forte et donc de s’entraîner à gérer ses émotions. Marco était impatient d’essayer. Il enfile la visière et se retrouve dans une situation de jeu cruciale, son équipe étant menée dans les dernières minutes d’un match important. Il a eu l’occasion de marquer le but vainqueur, mais la pression montait. Et c’est là que la magie de la réalité virtuelle entre en jeu. Le personnage virtuel de Marco commençait à devenir nerveux, son rythme cardiaque s’accélérait. Malgré tout cela, après quelques tentatives, Marco a réussi à marquer le but décisif. Lorsqu’il enleva la visière, son visage était radieux, il avait réussi à gérer ses émotions.
Ce jeu virtuel l’a-t-il ensuite aidé sur le terrain ?
Totalement. Lorsque nous jouions au « vrai » football, il était capable de mieux gérer ses émotions. Ce jour-là, j’ai découvert la magie de la technologie et comment elle peut être utilisée pour aider de nombreux enfants à surmonter leurs difficultés. Marco est un exemple pour tous et démontre ce qui est possible lorsqu’on est vraiment passionné. J’espère que cette anecdote servira d’exemple et inspirera d’autres initiatives similaires.
Vous avez découvert une nouvelle passion, le padel, depuis votre passage au FC Barcelone. Souhaitez-vous développer ce projet dans d’autres sports, dont le padel par exemple ?
J’ai mis mon centre sportif à disposition de l’académie pour soutenir les travaux réalisés. (Zambrotta a créé son Eracle Sports Center en 2014, NDLR.) Mais pour le moment, nous nous concentrons principalement sur le football. Mais à l’avenir, étendre cela à d’autres sports, pourquoi pas, ce serait une superbe initiative.
Le fait d’avoir un fils vous a-t-il influencé ? Il sait que vous avez été champion du monde et grand joueur, mais lui montrer qu’il y a autre chose dans la vie vous donne-t-il un coup de boost ?
Avoir un fils a sans aucun doute influencé ma vision de la vie et mes priorités. Je souhaite que mon fils comprenne l’importance du sport, notamment ses valeurs comme la solidarité, la bienveillance et surtout l’inclusion qui sont essentielles dans la vie. Et c’est ce que nous mettons en valeur avec l’Académie Azzurrini.
Ousmane Dembélé, le but ne répond plus
(1) Samuele Robbioni (responsable de l’espace psychopédagogique Como 1907 et superviseur), Vincenzo Saladino (responsable de l’espace technique), Federico Ferraresi (éducateur comportemental), Alberto Bellomo (responsable de recherche et développement et communication) et Ina Llapushi (experte en nouvelles technologies et responsable de l’intelligence artificielle).
(2) Prénom modifié pour des raisons d’anonymat.