l’hommage du critique Gilles Pudlowski – .

l’hommage du critique Gilles Pudlowski – .
l’hommage du critique Gilles Pudlowski – .

Gilles Pudlowski revient en Bretagne avec une ode à la cuisine de la région. Critique gastronomique connu et reconnu, recruté par le Gault et Millau en 1979, fondateur des guides Le Pudlo en 1989, chroniqueur pour Actualités littérairesAlors Cuisine et Vins de France, Indiquer mais aussi dans la presse régionale comme Les Dernières Nouvelles d’Alsace – il écrit encyclopédiquement sur l’Alsace depuis près de quarante ans – il ne tarit pas d’éloges sur les produits et les chefs bretons qu’il juge dévalorisés.

A 72 ans, il publie Le meilleur de la Bretagne aux éditions AR Collection, onze ans après avoir consacré une série de portraits de chefs à la région (Bretagne Nouvelle Vagueaux éditions Ouest-France) et quatre éditions de son guide gastronomique Le Pudlo. Lorrain de naissance et Alsacien de cœur, il a le coup de foudre pour cette presqu’île maritime à l’autre bout de la France.

Le meilleur de la Bretagne est un vibrant hommage, illustré de magnifiques photos de Maurice Rougemont, aux produits bretons et à la cuisine du terroir. Y faites-vous de nouvelles découvertes ?

Je fais toujours. Je suis un gars de l’Est qui est perpétuellement à l’Ouest. En Alsace, il y a une blague qui dit : qu’y a-t-il entre l’Alsace et la Bretagne ? Réponse : la France. C’est une façon de dire que les extrêmes se touchent, s’assemblent et se rejoignent. Les Alsaciens sont les Bretons de l’Est. Moins de mer. En Bretagne, il y a tout : la mer, la montagne avec les Monts d’Arrée, la forêt, la campagne et les merveilleux produits qui vont avec. La Bretagne est un paradis gourmand.

Un paradis gourmand ? Carrément ?

Oui. Seuls les Bretons ne s’en rendent pas compte car ils sont modestes, comme les Alsaciens, lorsqu’ils sont assis sur un tas d’or. La Bretagne est incroyablement riche, entourée par la mer, un monde à part. J’inclus la Loire-Atlantique, du nord de la Loire-Atlantique à Gétigné…

Une ville où vous avez une très bonne adresse…

Oui, le vigneron Jérôme Brétaudeau, une “star” du Muscadet qui fait des cuvées étonnantes. Le muscadet, que je prenais pour un joli petit vin de comptoir, est en fait un grand vin blanc. Idem pour le cidre : j’en ai trouvé de super, comme celui de la famille Séhédic, à La Forêt-Fouesnant, dans le Finistère. Et, aux côtés de Madec et Cadoret, de nombreux autres ostréiculteurs de talent.

Tout est dans votre livre…

Oui. La richesse de la région se voit à travers ses acteurs, artisans laborieux, têtus, pointilleux, obstinés, qui essaient toujours de produire le meilleur, sole, turbot, épices comme le Kari Gosse, porc… Comme en Alsace, les personnages sont bien trempé ici.

« Les œuvres bretonnes »

Vous venez souvent en Bretagne ?

Je le suis depuis quarante ans. La semaine prochaine je suis dans le Finistère, il y a quinze jours j’étais à Roscoff… En Bretagne, il se passe toujours quelque chose. C’est la région la plus dynamique et déterminée de France. Les Bretons sont près de 5 millions, à l’intérieur comme à l’extérieur. A Paris, des chefs comme Bernard Pacaud, Alain Passard, Christian Le Squer, Jérôme Banctel et bien d’autres parisiens étoilés sont bretons. Vous avez des majordomes bretons, des sommeliers bretons, la brigade de Georges V (palais parisien) est composé de Bretons, qui viennent de Fougères à la Ria d’Etel. On a l’impression que toute la Bretagne se retrouve à Paris et pas seulement autour de la Gare Montparnasse.

Et les Bretons n’auraient pas conscience de leur valeur ?

Le Breton travaille, il est génial mais il faut l’en convaincre. Ils ne diront jamais qu’ils sont les meilleurs, quand ils le sont.

Vous avez écrit un beau chapitre sur le cochon…

Ah, l’art du lard… Le cochon est un animal merveilleux que l’on vénère ici – comme en Alsace d’ailleurs. Je l’ai mangé bien caramélisé au restaurant Paris-Brest, à Rennes, bien croquant, quoi de mieux au monde ?

Ne retrouve-t-on pas toujours les mêmes produits en Bretagne ?

Non, il y a une évolution permanente, voire une régénération, avec de nombreux jeunes comme Emmanuelle et Olivier Régent, de la fromagerie Kérouzine, à Vannes.

Et dans les restaurants ?

C’est le même. A Lorient, il y a un mec génial, Nicolas Le Tirrand, qui m’a fait goûter du babeurre à l’oursin. Un mariage extraordinaire entre la force de l’iode adoucie par l’onctuosité du lait fermenté. Nicolas Carro, à Carantec ; Loïc Le Bail à Roscoff, qui cuisine très délicatement ; Sébastien Martinez, à Pont-Aven, avec sa bouchée de druide breton et ses langoustines à la mayonnaise piquante… C’est la nouvelle vague bretonne.

“Il y a eu plus de pertes d’étoiles que d’ajouts dans la région”

Il y a vingt ans, la Bretagne avait les produits, mais n’était pas considérée comme une terre de gastronomie…

Ce sont les imbéciles qui ont dit ça. Depuis vingt ans, il y a eu des gens comme Adolphe Bosser, ancien chef du Goyen à Audierne, grand prêtre du poisson, ou Patrick Jeffroy à Carantec, Olivier Rœllinger à Cancale, qui fut le premier et le seul trois étoiles de Bretagne…

Le Michelin récompense-t-il suffisamment la Bretagne ?

Non ! Il y a eu plus de pertes d’étoiles que d’ajouts dans la région. Il retire son étoile de Terre et mer, à Auray (en 2022), alors qu’il était sur le point d’en avoir deux. Quant aux autres, Nicolas Le Tirrand, Sébastien Martinez, Nicolas Carro, Loïc Le Bail, ils ont une étoile quand ils en valent deux. Si vous êtes à Courchevel, en Savoie, ou sur la Côte d’Azur, vous avez plus de chance d’être étoilé car les inspecteurs s’y rendent plus souvent.

Critiquez-vous l’attribution des étoiles ?

On ne comprend plus rien. Quels sont les critères ? Nous sommes dans les limbes. Donnez la troisième étoile à Alexandre Couillon (à Noirmoutier) en 2023, c’est très bien, mais ce n’est pas pour ça qu’il faut l’enlever à Christopher Coutanceau (à La Rochelle). L’année prochaine, ils pourraient le donner à Mathieu Guibert chez Anne de Bretagne (à La Plaine-sur-Mer, en Loire-Atlantique) parce qu’il le mérite : qu’est-ce qui empêche ce restaurant d’avoir trois étoiles, j’aimerais savoir…

Est-il vrai que le New York Times écrit que vos assiettes étaient “plus fiables que les étoiles Michelin” ?

Oui, c’était à l’occasion de la parution de mon guide France aux Etats-Unis (En 2008). J’étais l’obstacle à tourner en rond, c’était une chiquenaude contre le Michelin. Mais c’était une blague, je ne prétends pas avoir la science de tous les inspecteurs Michelin réunis ! En revanche, je n’ai pas besoin d’aller trois ou quatre fois au restaurant pour savoir ce que j’en pense…

“En deux jours et demi, on a fait cinq ou six restaurants”

La Normandie vous intéresse également ?

C’est la première zone que j’ai parcourue pour le guide Gault et Millau, en 1979. Il ne reste plus beaucoup de stars en Normandie, entre celles qu’on enlève, comme Jean-Luc Tartarin au Havre, et celles qui les rendent, comme Alexandre Bourdas à Honfleur ou Tournadre à Rouen. Aujourd’hui, la Normandie regorge de petites tables de qualité, mais elle court moins après les étoiles qu’autrefois.

Vous venez présenter votre livre en Bretagne, et vous en profitez pour trouver des adresses. Vous arrive-t-il d’arrêter de travailler ?

C’est ma nature. En deux jours et demi, nous avons visité cinq ou six restaurants à Saint-Malo, de la crêperie de Bertrand Larcher au Bân Thaï du chef Sumalee, ou à Rennes avec un restaurant italien appelé Villa Tredici. Plus de produits, de boutiques, d’hôtels… Tout cela sera publié sur mon blog. Je mets d’abord une photo sur mon compte Instagram suivi par 103 000 personnes, puis je développe quelques jours plus tard sur mon blog (400 000 visiteurs uniques par mois), où je publie trois posts à 6h, 12h, 20h, tous les jours de l’année.

Vous n’en avez pas marre ?

J’arrêterai le jour de ma mort. Ma femme me dit : après quoi cours-tu ? C’est parce que j’ai le sens du devoir. À l’école, j’étais toujours le premier à rendre mon devoir. Quand on s’appelle Pudlowski, qu’on vient de Pologne et qu’on est la première génération née en France, on se sent obligé de faire plus que les autres. Je me sens redevable d’être là. Mon frère me dit toujours : nous avons de la chance que nos parents aient émigré en France.

Comment jugez-vous un plat ?

Il faut que ce soit beau, sans trop d’émulsions, que le goût soit précis – on trouve ce qu’on mange – sans trop cuire… Dans mes critiques, je dis ce qui est mal et ce qui est bien. Je ne casse pas. Le but est d’aider les gens à faire mieux.

Le meilleur de la Bretagne, Collection Ar, 140 pages, 25 €. En librairie et sur Internet.

La photo montre de Maurice Rougemont à la Maison de la Bretagne, à Paris, du 12 juin au 7 juillet, puis à Pont-Aven du 13 au 20 août, et à Saint-Malo du 24 août au 20 septembre.

 
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