“Ça s’est joué en une minute” – .

“Ça s’est joué en une minute” – .
“Ça s’est joué en une minute” – .
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Ce n’est pas un support sonore et pourtant, en regardant bien la une du jeudi 25 mai de Libérer, on pouvait presque entendre chanter Tina Turner. Cheveux en l’air, comme suspendus, et la bouche grande ouverte, la reine du rock occupe toute la une du quotidien qui fête ses cinquante ans. Tina Turner avait quatre-vingt-trois ans lorsqu’elle est décédée en Suisse après une longue maladie. Une information suffisamment importante pour que les équipes du journal y consacrent leur Une, malgré un timing serré. Un choix éditorial qui semblait évident et dont Alexandra Schwartzbrod, directrice éditoriale adjointe, dévoile les coulisses.

Mercredi 24 mai, il est 20h36 lorsque l’agence de presse Reuters publie une dépêche annonçant le décès de Tina Turner. Comment votre rédaction s’est-elle organisée pour inclure cette nouvelle dans le journal du lendemain ?

Alexandra Schwartzbrod : À Libérer, nous terminons le journal vers 21 heures tous les soirs. Un réalisateur reste jusqu’à la fin pour valider le “BAT” [bon à tirer, NDLR] et la première page, en somme, pour s’assurer que tout va bien. La nuit où Tina Turner est morte, j’étais aux commandes. L’information est tombée à une quinzaine de minutes de la fin de la fermeture, alors que le journal était sur les rails, même si heureusement pour nous, pour le moment, nous fermons plus tard. Nous avons un carnet dédié au festival de Cannes, il faut donc laisser du temps à nos journalistes qui sont là pour nous envoyer leurs articles.

Pour assurer la réactivité, il est courant de préparer, à l’avance, des articles autour du décès d’une personnalité. Était-ce le cas pour Tina Turner ?

Depuis quelques temps, nous avons le poste de responsable des nécrologies, Michel Becquembois qui l’occupe. Libérer a donc plus d’articles prêts à être publiés que par le passé, même si ce n’est pas systématique. Dans le cas de Tina Turner, ça l’était. Cet article de 15 000 signes écrit par Jacques Denis a même été pré-édité, ce qui fait forcément gagner du temps. Vu sa longueur, on s’est vite dit qu’avec des photos, il pouvait tenir sur trois pages. L’événement que nous avons remplacé étant quatre, nous avons ajouté de l’autopublicité à notre numéro spécial consacré aux cinquante ans du journal.

On a estimé qu’il nous fallait trente à quarante minutes pour changer la première page »

Pendant cinq à dix minutes, nous avons dû voir avec les imprimeurs si, par miracle, ils nous accordaient un délai. On a estimé qu’il nous fallait encore trente à quarante minutes pour changer la première page. La dernière page partant normalement à 21h05 maximum, il n’est pas toujours facile de négocier.

Si nous n’avons pas de nécrologie, il est possible d’écrire un article autour d’un décès le soir même. Mais quand le temps presse, le stress peut rendre les choses très compliquées. En partant de zéro, en quarante minutes, on aurait peut-être pu faire deux pages. Et encore, ce n’est pas sûr puisqu’actuellement, tout le service culture est à Cannes pour couvrir le festival.

Le choix de changer les titres a-t-il fait l’objet d’une réflexion particulière, voire d’une discussion ?

Au moment où l’on apprend le décès de Tina Turner, la Une et “The Event”, c’est-à-dire les quatre premières pages du journal, sont finalisées. Il était évident pour nous que si la possibilité de changer A existait, nous ferions de notre mieux pour le faire. A partir du moment où ces quarante minutes supplémentaires nous ont été accordées, la rédaction s’est mise au travail en se répartissant le travail. Même si l’article était prêt, il y avait encore des choses à faire, comme trouver une photo qui ferait la une.

Une photo s’est immédiatement imposée lorsque nous l’avons placée dans le modèle, avec notre logo »

Le journal Libérer est justement connu pour ses grandes images de première page. Comment la direction artistique a-t-elle géré cet événement ?

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A la fermeture, il y avait encore des personnes en charge de chaque service. Nadja Delmouly, du service photo, notre directeur artistique Nicolas Valoteau et la designer Christelle Causse étaient présents. Vingt minutes ont suffi pour trouver la photo que l’on mettrait en première page et celles qui accompagneraient l’article. Nadja Delmouly a sélectionné plusieurs photos, mais l’une d’elles s’est tout de suite imposée à partir du moment où Nicolas Valoteau l’a mise dans le modèle avec le logo de Libérer. Nous n’avons même pas eu à réfléchir.

Pour le titre, on a d’abord pensé à “Simplement le meilleur”. On s’est vite dit que tout le monde allait faire pareil, alors on a juste gardé “Le meilleur”. En répartissant les tâches, choisir le nombre de pages, le titre et la photo ne nous a pris que vingt à trente minutes. Nous avons validé cela par visioconférence avec Dov Alfon, le directeur de la publication. Enfin, il a été joué à une minute. A 21h40 précises, tout est parti chez l’imprimeur.

Qu’est-il arrivé à la première page initialement prévue ?

Nous avons décidé de le reporter. C’était un sujet environnemental qui pouvait attendre. Nous l’avions programmé pour le lendemain, vendredi 26 mai. Mais entre-temps, comme le chanteur Jean-Louis Murat est décédé, nous avons dû à nouveau le reporter.

Vous êtes le seul quotidien français à avoir consacré sa couverture à la mort de Tina Turner le lendemain matin, comment expliquer cette singularité ?

A 20h45, c’est compliqué de changer de journal. Nous avons eu de la chance qu’une nécrologie soit prête, sans elle nous aurions eu du mal à nous y rendre. Et puis, à Libérer, nous sommes particulièrement attendus lors des décès. Cela peut sembler un peu prétentieux, mais nous savons que c’est important pour nos lecteurs et ils garderont parfois nos premières pages.

On aurait été malade de rater cette première page ! »

Il était d’autant plus important pour nous de réussir ce défi qu’il concernait Tina Turner. Elle était la reine du rock, une chanteuse aussi extraordinaire que pouvait l’être sa voix. Tina Turner, c’est aussi le parcours d’une femme forte et d’une figure de résilience. Battue par son mari, elle se dégage de son emprise et se construit. On aurait été malade de rater cette première page ! C’était important d’être à la hauteur de ce que ça représente et quand on le fait, c’est un vrai plaisir.

Ce plaisir est-il lié à cette urgence, qui renvoie à un imaginaire journalistique profondément enraciné d’une rédaction sens dessus dessous pour couvrir un événement ?

Ces soirs-là, on se dit qu’on sert à quelque chose, qu’on n’est pas resté tard à la rédaction pour rien. Nous sommes très heureux d’avoir fait cette Une en quarante minutes. Tout le monde est resté calme, concentré et conscient de l’importance de cette tâche. C’est un travail d’équipe. Mais si l’information nous est parvenue un quart d’heure plus tard, ce n’était pas possible.

Dans le même temps, le site devait également être alimenté. Nous avons publié la nécrologie très rapidement, après l’avoir relue. Ensuite, nous avons également posté un article sur les cinq chansons les plus célèbres de la chanteuse, pour apporter un éclairage supplémentaire. Dans ces situations, il faut être réactif pour que les lecteurs de Libérer qui entendent les nouvelles peuvent directement trouver du contenu à ce sujet sur notre site ou notre application. Mais comme le reste, cela s’est fait de manière harmonieuse.

 
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