FRANCE 4 – VENDREDI 26 MAI À 21H – FILM
Il a fallu le regard de Céline Sciamma pour qu’un film tourné à hauteur d’enfant se mue en une œuvre fantastique, voire métaphysique. Son cinquième long métrage, Petite maman, est habitée par une pure magie cinématographique, parvient à nous faire croire, sans effets spéciaux, rencontrer non pas le “troisième type”, mais la deuxième mère.
C’est l’histoire improbable d’une petite fille qui rencontre sa mère lorsqu’elle était enfant. Alors accrochons-nous aux pas de Nelly (Joséphine Sanz), 8 ans, à la démarche un peu boiteuse. Ses jambes avancent comme les deux aiguilles d’une horloge un peu détraquée. Mais peu importe, elle trotte, et c’est elle qui donne le pouls de cette œuvre métronomique.
Sa grand-mère maternelle a fini ses jours dans un home pour personnes âgées. Le petit dit ” Au revoir ” aux vieilles dames qu’elle avait pris l’habitude de voir. Sa mère, Marion (Nina Meurisse), un peu abasourdie et absente, doit vider la maison du défunt, située à l’orée d’un bois, où elle-même a grandi et, selon la légende familiale, aimait faire des huttes. Nelly découvre l’endroit avec ses parents, absorbés par le tri et le rangement. Puis, Marion quitte les lieux sans prévenir, laissant sa fille dans un état de grande perplexité.
En eau trouble
Ce départ soudain fait bifurquer l’histoire et faire apparaître des personnages mystérieux. Nelly sort de la maison pour jouer et ne tarde pas à voir une petite fille qui lui fait signe. Elle s’appelle Marion (Gabrielle Sanz, jumelle de Joséphine). Dans la lumière d’automne, ils se font une cabane, comme le feraient beaucoup d’enfants, et pourtant quelque chose d’anachronique s’installe. Marion commence à endosser le rôle de la « petite maman » de Nelly. Elle se projette dans l’avenir d’une maternité à venir. Elle habite une maison attenante au lotissement, réalisée selon le même plan que celui de la grand-mère de Nelly. Elle profite de cette présence maternelle inattendue pour poser des questions qui la hantent.
---Petite maman passe à la science-fiction en s’appuyant simplement – et magnifiquement – sur tout ce que le cinéma peut inventer. Le spectateur est embarqué en eaux troubles lorsque les deux fillettes passent sans crier gare d’une conversation enfantine à une discussion d’adulte, de petits chevaux à des confidences mère-fille. Vous devez écouter. “Je pense que tu es souvent malheureux”dit Nelly, qui se demande parfois si ce n’est pas à cause d’elle. “Tu n’as pas inventé ma tristesse”rassure Marion.
Après garçon manqué (2011), à propos d’un petit garçon transgenre né dans un corps de fille, brouillant les pistes de son identité, Céline Sciamma questionne l’émancipation, la capacité des enfants à se déterminer par rapport au monde des adultes, au sens révolutionnaire du terme.
Petite maman, par Céline Sciamma. Avec Joséphine Sanz, Gabrielle Sanz, Nina Meurisse, Stéphane Varupenne (Fr., 2021, 70 min).